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Décryptage - Le gaz hilarant, très populaire chez les jeunes, doit-il être considéré comme une drogue?

Un camionneur a tragiquement perdu la vie sur nos routes après avoir été heurté par une taque d’égout jetée depuis un pont. Selon les premiers éléments, il semblerait que les personnes à l’origine de cet acte aient consommé du protoxyde d’azote avant les faits. 

Le protoxyde d'azote, ou encore "proto", est un gaz utilisé notamment en cuisine, pour les siphons à chantilly par exemple. Il est aussi utilisé pour les anesthésies, mais ce qui va nous intéresser ici, c'est son usage détourné. Vous vous souvenez sans doute de ces petites capsules en aluminium qui ont un temps jonché les trottoirs de plusieurs villes. Il est alors question de gaz inhalé par le biais d'un ballon de baudruche après avoir craqué la cartouche. Le but de la manœuvre: chercher un effet euphorisant immédiat, un état de conscience secondaire.

Selon l'observatoire européen des drogues, cet usage récréatif du protoxyde d'azote est en augmentation dans plusieurs pays d'Europe. Selon Guillaume Grzych, docteur en biologie médicale et directeur de l'association Protoside, c'est un véritable fléau. Si ses effets, a priori de courte durée, sont souvent minimisés par les utilisateurs, ce "gaz hilarant" doit clairement être qualifié de "drogue" selon notre interlocuteur. Et les conséquences, à long terme, peuvent être très graves.

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"Il y a des risques neurologiques, de dépressions, de troubles cognitifs. Il y a aussi des risques au niveau moteur, des personnes qui ressentent des fourmillements, des engourdissements dans les membres inférieurs et qui pourraient finir en fauteuil roulant", détaille le spécialiste. Mais ce n'est pas tout, on remarque aussi qu'avec la consommation de protoxyde d'azote, "les risques cardiovasculaires augmentent". Certains cas de thromboses ou d'infarctus ont ainsi été recensés chez des jeunes qui avaient inhalé le produit.

Les effets sont parfois réversibles, "en fonction du patient et de la gravité des atteintes", mais une chose est certaine, le traitement prend du temps. Guillaume Grzych fait état d'"au moins plusieurs mois".

"La substance a un effet pervers"

Il faut noter que les sensations juste après la prise ne durent que quelques minutes. Pendant ce temps, "il y a un décrochage, un état de conscience secondaire, d'euphorie et d'oubli". Guillaume Grzych précise que c'est un psychotrope et que "comme avec les autres substances psychoactives, il y a un phénomène de dissociation". Autrement dit, le "proto" peut faire faire des choses que le consommateur n'aurait pas faites autrement.

Comme expliqué plus haut, ces sensations limitées dans le temps ont tendance à donner une idée biaisée de cette substance, mais elle a "un effet pervers", prévient l'expert: "Elle s'accumule dans l'organisme et empêche son bon fonctionnement. Certaines conséquences arrivent parfois plusieurs semaines après la consommation."

Il a aussi été question de plusieurs cas de décès, mais selon le spécialiste, "il est difficile de pouvoir faire le lien direct avec la consommation". Ce qu'on peut affirmer en revanche, c'est que plusieurs utilisateurs se sont simplement étouffés en inhalant.

Toujours dans l'inconnu

Les recherches sur les effets du protoxyde d'azote en sont encore à leurs balbutiements. Dès lors, il est parfois difficile de soigner les patients tant la problématique est encore mal connue, même chez les professionnels de santé, avance Guillaume Grzych.

Cela explique aussi que plusieurs questions restent encore sans réponse. De cette façon, on dit souvent que les effets les plus néfastes sont des conséquences d'usages répétés. Pas forcément: "Il y a des gens qui déclarent des signes plus vite que d'autres, et inversement. Par précaution, on dira tout de même que plus on consomme, plus le risque augmente."

On ignore aussi si l'âge du consommateur a une influence quelconque sur les effets, même s'il y a "des hypothèses".

Toutefois, les spécialistes sont en mesure de dire qu'il est bien question d'une substance addictive. Ajoutons aussi que l'effet de courte durée, lié à l'accoutumance, pousse parfois les consommateurs à augmenter la dose ce qui mettra d'autant plus leur santé en danger.

Et en Belgique?

On l'a dit, la consommation de "proto" augmente en Europe. Particulièrement chez les jeunes, semble-t-il. Et pour cause, aujourd'hui le gaz hilarant se vend directement en bonbonnes. Fini les capsules, on trouve sur les réseaux sociaux ou sur des sites web hébergés en dehors de l'Europe des contenants équivalant à 100 petites enveloppes d'aluminium. Et le prix est dérisoire, il faut compter 25 euros pour une bonbonne.

Nous avons contacté Michaël Hogge, chargé de projets scientifiques et épidémiologiques pour l’association Eurotox pour comprendre l'ampleur du phénomène en Belgique. "Il n'y a pas beaucoup d'indicateurs, mais on n'a pas de signe de grosse consommation dans les populations sondées", avance-t-il. Avant de nuancer: "Quand on voit les grosses bonbonnes dans l'espace public, on peut penser qu'il y a une consommation, mais on ne sait pas qui elle touche."

Illégal

Depuis 2021, la vente de protoxyde d'azote est interdite aux mineurs en Belgique, étant donné la facilité d'accès. Plusieurs villes et communes avaient aussi pris des règlements pour interdire l'usage de ce gaz qui crée des nuisances diverses.

Et depuis l'année dernière, la vente, l'importation, la détention, le transport et l'achat de cette substance dans le collimateur des autorités depuis un moment est formellement interdite. L'utilisation légale reste évidemment autorisée. À charge pour la police ou les procureurs de déterminer si la possession ou le transport du produit est abusif ou non.

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