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Décryptage - Voter blanc, cela sert-il vraiment à quelque chose?

Les élections fédérales, régionales et communales approchent à grand pas. C'est donc l'ébullition chez tous les partis politiques. Et il y en a un qui fait beaucoup parler de lui: le parti Blanco, qui mise tout sur les votes blancs. D’après notre Grand baromètre, 9% des sondés pensent voter blanc le 9 juin prochain. Mais quel impact ça a réellement sur les élections? Le vote blanc est-il comptabilisé? Concrètement, à quoi ça sert de voter blanc? On décrypte avec Pascal Delwit, politologue à l'ULB.    

Dans notre pays, se rendre aux urnes pour voter est obligatoire. Mais malgré ça, certains citoyens s'abstiennent voire décident de voter blanc. En Belgique, il n'existe aucune distinction entre les votes blancs (se rendre aux urnes en ne votant pour aucune liste ou aucun candidat) et les votes nuls (qui comportent par exemple une erreur, comme un vote pour plusieurs partis sur un bulletin). Ils se situent généralement entre 5% et 6% au niveau national. 

Pourquoi voter blanc? 

Lors des élections fédérales de 2019, cette catégorie représentait 438.095 bulletins sur 7.114.036 bulletins déposés, soit 6,07 % au total. La Wallonie est particulièrement concernée avec 8,36 % de votes blancs et nuls lors des régionales en 2019, contre 6,65 % à Bruxelles et 4,95 % en Flandre.

Certaines villes sont aussi plus touchées que d'autres comme Charleroi, la principale métropole de Wallonie, qui compte 10% de votes blancs et nuls. D'une manière générale, on observe que les votes blancs sont plus importants dans les pays où le vote est obligatoire comme la Belgique ou le Luxembourg pour les pays européens. 

Mais pourquoi voter blanc? Pascal Delwit, politologue à l'ULB, explique: "En votant blanc, vous ne vous positionnez pas, mais d’une certaine manière, c’est une position. C'est aussi une forme de contestation. Dans une circonscription ou à l’échelle d’une région ou d’un pays, s’il y a un nombre important de votes blancs et nuls, c’est qu’il se passe quelque chose. D’une certaine manière, ça a une certaine fonction d’alarmer d’un certain malaise d’une partie de la population". 

Il y a donc une grande différence entre un vote blanc et un vote nul, puisque le vote blanc implique de se rendre jusqu'au bureau de vote, et de faire le choix de ne voter pour aucun des candidats. Le vote nul, lui, peut être une erreur, comme le griffonage ou encore voter pour des candidats qui ne sont pas sur la même liste, mais cela peut aussi être un choix stratégique. 

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Les votes blancs sont-ils comptabilisés? 

Dans tous les cas, le vote blanc ou nul a les mêmes conséquences que de ne pas aller voter: dans les deux cas, votre voix ne sera pas réellement comptabilisée. Car ces votes ne sont pas pris en compte dans la répartition des sièges. Ils sont donc ignorés, et aucun parti ne peut en faire usage. Les sièges sont seulement attribués à des candidats qui ont reçu des votes valides (hors blancs et nuls).

Mais ça ne veut pas dire que cette "absence" est sans conséquence: "Plus il y a de vote blanc, et plus, statistiquement, ça favorise le premier parti dans la distribution des sièges. C'est mécanique: au sein d’une circonscription, moins il y a de voix qui s’expriment, et plus ça profite au premier parti", explique Pascal Delwit. 

Mais faudrait-il intégrer ces votes blancs dans la répartition des sièges? Cette perspective fait débat mais se heurte à un obstacle puisque cela impliquerait une modification de la Constitution, qui fixe les règles électorales. Des citoyens militent pour une modification de fond. C’est le cas du nouveau parti Blanco, qui mise tout sur les votes blancs. Créé après les élections de 2019, Blanco veut porter la voix des citoyens qui votent blanc ou nul lors du prochain scrutin. 

Ça pourrait possiblement avoir des effets dramatiques

Le programme du parti ne comporte qu'un seul point: changer le système électoral pour que les électeurs qui ne souhaitent pas soutenir les partis qui se présentent puissent voter pour un siège vide. Et que les votes blancs aient donc un réel impact dans la distribution des sièges. Mais est-ce vraiment une bonne idée? 

Quel impact peut avoir l'idée du parti Blanco, à savoir comptabiliser les votes blancs en sièges vides? 

Cette modification du processus électoral aurait-elle un impact sur le long terme? "Il faut avoir en tête que si on commence à éliminer des sièges à partir des votes blancs, il y aura des effets", met en garde Pascal Delwit. 

Il y aurait au moins deux effets importants, que détaille le politologue: "Le 1er, fatalement, s’il y a moins de siège, il y aura plus de difficulté à former une majorité. Et le 2ème: si vous devez voter une modification de la Constitution ou adopter une loi spéciale, dans les deux cas, il faut au moins une condition: avoir au moins 100 sièges. Si on ne se base plus sur 150 sièges, mais sur 141 ou 142, il devient extrêmement compliqué d'atteindre les 100 voix..."

Pour lui, la position du parti Blanco est légitime. Mais les effets sont non négligeables: "Il n’y a pas beaucoup de possibilités pour comptabiliser les votes blancs: soit avoir un effet sur la distribution des sièges (comme le veut le parti Blanco), soit ça reste une information pour la population et les législateurs (comme maintenant). Mais le vote blanc, c'est le refus de choisir. Si on suit la logique du parti Blanco, l'impact serait vertueux mais pourrait possiblement avoir des effets dramatiques".

Mais y a-t-il des pays qui reconnaissent le vote blanc et qui l'intègrent selon la logique du parti Blanco? En Espagne, le vote blanc est reconnu et recensé, et il est considéré comme un vote valide. Il est donc pris en compte pour le calcul du seuil de participation au partage du nombre de sièges. Il existe aussi un parti politique appelé "Sièges Blancs" (Escaños Blancos) qui demande que l'on attribue des sièges vides proportionnellement aux votes blancs.

Les votes blancs et nuls, mais aussi l'abstention, à la hausse: l'évolution des chiffres 

A ces votes blancs et nuls s’ajoutent les abstentionnistes. Aux fédérales de 2019, on comptabilisait 11,62 % de citoyens qui ne se sont pas déplacés malgré le caractère obligatoire du vote, soit environ 1 million de Belges. Un record. "C'est en augmentation, que ce soit les votes blancs et nuls, mais aussi l'abstention", note Pascal Delwit.

Mais certaines communes ou villes peuvent être plus touchées par ce double phénomène: "C'est le cas de Charleroi par exemple". Le taux d'abstention pour les communales en 2018 s'élevait à 26% contre seulement 4% pour la commune d'Uccle à titre de comparaison. Pour les régionales de 2019, ce taux était à 15% dans le Hainaut, et 10% des bulletins déposés étaient blancs et nuls.

Si on ajoute le nombre de votes blancs et nuls (6.07%) à celui des abstentions (11.62%) pour les élections de 2019, on obtient 17% de votes non valables, soit 1,3 million de Belges. A titre de comparaison, l’abstention était de seulement 4.93% lors des élections de 1977. Et depuis, la tendance à la hausse se confirme, comme le montrent les chiffres:

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Pourquoi l'abstention et les votes blancs et nuls augmentent? 

Le vote blanc ou nul est une habitude constante chez les Belges: 4.7 % en 2007, mais déjà 6.5 % en 1991 ou encore 8 % en 1978. A savoir que l'introduction partielle du vote électronique a eu une influence à la baisse sur le phénomène puisque le vote nul n’est pas possible. Les chiffres, qui comptabilisent à la fois les votes nuls et blancs, ont donc significativement baissé depuis le passage au vote électronique. 

Mais on remarque tout de même une certaine augmentation du phénomène, au même titre que l'abstention. "D’une certaine manière, c'est en phase avec ce qu’on observe en Europe: sur les 35-40 dernière années, l’abstention augmente, parfois très fortement dans certains pays", explique Pascal Delwit. Pour le politologue, cette augmentation s'explique par 3 éléments:

  • D'une part, il y a "une forme de détachement" d’une partie de la population par rapport à la vie politique et institutionnelle (processus électoraux, parlement, etc). "Il y a une forme de mise à distance de la vie politique" ;
  • Deuxièmement, il y a aussi "une forme de désaffiliation d'une partie des citoyens vis-à-vis de la vie politique", presque comme une sortie du monde de la vie réelle. "On les appelle les désaffiliés de la vie politique et sociale, c'est surtout en augmentation dans les zones urbaines où il y a un profond mal-être comme par exemple à Charleroi", explique Pascal Delwit ;
  • Et enfin, il y a une plus faible participation électorale des catégories jeunes: "Avant, on parlait des 18-24 ans, maintenant ça s’étend plus aux 18-34 ans. La participation est beaucoup plus faible que les plus de 35 ans". 
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Hausse de l'abstention et des votes blancs et nuls: une tendance européenne 

Ce double phénomène en augmentation, que ce soit l'abstention ou bien les votes blancs et nuls, n'est pas propre à la Belgique: "On observe, tendanciellement, une participation électorale qui décline en Europe", constate Pascal Delwit. Cette participation à la baisse peut s'expliquer par plusieurs facteurs. D'après plusieurs études, le vote n’est pas vécu de la même façon par les anciennes et les nouvelles générations, explique le politologue. 

"Pour les nouvelles générations, le vote est vu comme un droit. Alors que pour les générations plus âgées, le vote est vu comme un devoir. La motivation n’est donc pas du tout la même. Et deuxième différence: les nouvelles générations voient le vote comme une modalité de participation politique mais qui n’est pas exclusive et pas spécialement intéressante. Alors que la génération plus âgée voit le vote comme la principale modalité donc comme la plus importante", précise Pascal Delwit. 

Ces différences de perception du processus électoral jouent beaucoup dans l'abstention finale, et le choix de certains de voter blanc ou nul. Mais cette augmentation n'est pas linéaire: "Au Portugal, lors des élections de ce week-end, il y a eu plus de participation qu'aux élections précédentes par exemple". 

Quid des élections 2024? D'après notre sondage, 9% des Belges voteront blanc

Pour les élections du 9 juin prochain, d'après notre Grand baromètre, 9% des sondés expliquent qu'ils iront voter, mais blanc. Et la Wallonie se démarque avec 11%, contre 9% à Bruxelles et 7% au nord.

Le Wallon est décidément plus hostile au vote que ses voisins du nord du pays: toujours d'après notre sondage, 8% des Wallons expliquent qu'ils n'iront tout simplement pas voter, contre 6% à Bruxelles et 4% en Flandre.

Si on regarde plus en détail les chiffres de notre Grand baromètre, en moyenne, ce seront les + de 55 ans qui iront majoritairement voter, tandis qu'un très grand nombre de jeunes mettront un bulletin blanc dans l'urne.

Concernant le côté pratique des élections, plusieurs initiatives de réformes ont déjà été prises à certains niveaux de compétence. Pour les élections européennes, les jeunes à partir de 16 ans pourront voter. La Région flamande a, elle, décidé de supprimer l’obligation de vote à partir des prochaines élections régionales. Quant à la Wallonie, la Région a décidé de renoncer entièrement au vote électronique et de revenir au bulletin de vote sur papier.

Chiffres: Grand Baromètre RTLinfo-Ipsos-Le Soir, marge d'erreur 3.1%

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