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Et maintenant, les pleins pouvoirs pour Donald Trump?

L’élection de Donald Trump, remportée nettement face à Kamala Harris, soulève une question : disposera-t-il des pleins pouvoirs ? Aura-t-il carte blanche pour mettre son programme à exécution ? Le président élu semble en tout cas mieux armé pour appliquer son projet avec davantage de liberté que lors de son premier mandat.

Donald Trump, de retour à la Maison-Blanche, pourrait désormais cumuler un contrôle inédit sur les institutions américaines. Avec la présidence, une Cour suprême dominée par les conservateurs, un Sénat à majorité républicaine et une Chambre des représentants potentiellement acquise à sa cause (le dépouillement est toujours en cours), il dispose de tous les leviers pour mener à bien son programme sans grande opposition.

"Il faut encore voir s’il gagne également la Chambre des représentants, mais c’est vrai qu’à partir du moment où il a la Chambre, le Sénat, qui sont évidemment les deux institutions législatives principales, son pouvoir sera d’autant moins limité", explique Serge Jaumain, professeur d'histoire contemporaine à l'ULB et spécialiste des États-Unis. Le Parti républicain, devenu un "parti Trumpiste" selon lui, est largement sous l’influence du président élu, qui dispose plus que jamais d'"un contrôle quasi absolu du parti."

Ce soutien au Congrès s’ajoute à une influence marquée sur la Cour suprême, où Trump a nommé plusieurs juges conservateurs lors de son premier mandat. "La Cour suprême est censée contrôler, en fin de parcours, les décisions présidentielles, mais Trump a nommé trois juges qui lui sont fidèles. C'est ça qui distingue Donald Trump des présidents précédents, c'est qu'il a vraiment le soutien de la Cour suprême." Cette influence a d'ailleurs été perceptible dans des décisions récentes de la Cour suprême, elle qui a reconnu à Donald Trump une "présomption d'immunité" pour ses actes officiels.

En outre, il y a aussi la volonté chez le milliardaire de "mettre de l'ordre" dans l'administration : "Ça veut dire qu’il a l’idée d’avoir des fonctionnaires qui lui obéissent et de réformer, voire de virer toute une série de fonctionnaires pour mettre des personnes qui lui sont fidèles", note l'historien. Ce contrôle accru sur les postes clés de l’administration permettrait à Trump d’éviter les blocages au sein de la bureaucratie fédérale, en remplaçant ceux qui pourraient s’opposer à ses politiques. "L’idée, c’est vraiment, dans tous les postes importants de l’administration, de la haute administration, mais aussi même de l’administration moyenne, de mettre des hommes et des femmes à lui", souligne-t-il.

Malgré cette concentration de pouvoir, le président élu n’aura pas carte blanche. La vigilance de la justice, la résistance de l’opposition démocrate et la Constitution américaine demeurent des contre-pouvoirs solides. "La Cour suprême, même si elle est dominée par les conservateurs, reste la gardienne des institutions." De plus, le système fédéral américain garantit une certaine autonomie aux États dans de nombreux domaines, y compris les droits civiques et les politiques locales. "Les États-Unis restent une démocratie, et les États gardent un certain pouvoir", rappelle-t-il.

Trump, plus puissant qu'en 2017

En 2017, lorsque Donald Trump est entré pour la première fois à la Maison-Blanche, il bénéficiait du soutien des deux chambres du Congrès. Toutefois, la Cour suprême n'était pas aussi conservatrice, le parti républicain n’était pas encore entièrement sous son influence, et lui-même arrivait au pouvoir avec moins d’expérience.

L'image que l'on a eue en 2016 n'était qu'un piètre avant-goût de ce que l'on va voir maintenant.

Comme le soulgine Serge Jaumain, Trump revient cette fois avec une connaissance approfondie des rouages de la Maison-Blanche. "À la différence de 2016, ce n’est pas un nouveau venu ; il a déjà passé quatre ans à la Maison-Blanche, donc il connaît parfaitement l’organisation", explique-t-il. Outre cette préparation, Trump s’est entouré d’une équipe "bien formée et prête à prendre les manettes des États-Unis." "On aura une situation très différente de ce que l'on a connu en 2016. L'image que l'on a eue en 2016 n'était qu'un piètre avant-goût de ce que l'on va voir maintenan", prévient le professeur de l'ULB.

Les pleins pouvoirs en théorie. Et en pratique ?

Avec la majorité républicaine au Sénat, une potentielle majorité à la Chambre des représentants, et une Cour suprême à majorité conservatrice, Donald Trump apparaît, en théorie, comme l’homme fort de Washington. Sur le papier, il détient en effet ce que l’on pourrait qualifier de "pleins pouvoirs." Cependant, la réalité est bien plus complexe, comme l'explique Tanguy Struye, professeur de sciences politiques à l’UCLouvain. "En théorie, quand vous avez les trois pouvoirs, vous êtes en position de force", observe-t-il. "Et en plus, la Cour suprême est aussi avantageuse pour lui. Ça, c'est un avantage que les démocrates n'ont pas, puisqu'il y a six juges sur neuf qui sont conservateurs."

Malgré cette situation favorable, le professeur de l'UCLouvain rappelle qu'il ne suffit pas d'avoir une majorité pour gouverner sans obstacle. "Dans la pratique, c'est un peu plus compliqué, parce que ça va beaucoup dépendre de la majorité qu'il va avoir, surtout à la Chambre des représentants." En effet, les résultats définitifs n'étant pas encore confirmés, tout dépendra du nombre de sièges républicains à la Chambre. "On sait qu'il va avoir une majorité au Sénat. À la Chambre, on ne sait pas trop encore, ni combien de sièges il aura d'avance", précise-t-il.

Un facteur clé sera la marge de cette majorité. "Il y a une énorme différence selon qu’il ait une majorité d'un, de deux, de cinq ou de six représentants. Ça va jouer énormément." En effet, avec une faible majorité, le président sera exposé aux pressions de chaque membre républicain. "S'il a une majorité à la Chambre, par exemple, d'un seul ou de deux membres du Congrès, ça veut dire qu'il ne peut pas tout se permettre. Il va être confronté à une situation où, comme il a besoin de toutes les voix, les républicains eux-mêmes peuvent commencer à marchander."

Le Président ne peut pas se permettre de ne pas avoir tout le monde derrière lui, parce que sinon, la loi ne passera pas

Tanguy Struye souligne que chaque représentant défend aussi ses propres intérêts : "Les représentants peuvent dire : 'Ok, tu veux faire voter cette loi-là, mais moi, dans mon État, ça ne m'arrange pas, parce que ça va me coûter cher au niveau de mon élection, donc tu remets dans la loi ça et ça.'" Avec cette nécessité d’obtenir toutes les voix, Trump pourrait devoir négocier et faire des compromis au sein même de son propre camp. "Le Président ne peut pas se permettre de ne pas avoir tout le monde derrière lui, parce que sinon, la loi ne passera pas."

Cette situation rappelle les difficultés rencontrées lors de son premier mandat, malgré une majorité au Congrès. "Pendant son premier mandat, les deux premières années, il avait une majorité totale à la Chambre et au Sénat, et en fait, son agenda n’a absolument pas avancé", se souvient le spécialiste. "Les républicains étaient fortement divisés, et ils le seront encore. Pour l'instant, tout le monde est élu derrière le Président, mais une fois qu'on va devoir prendre des décisions, surtout si c'est une majorité vraiment très limitée, vous pouvez être sûr que sur certains sujets, sur certains dossiers, il va y avoir du marchandage."

En revanche, le Sénat offre un avantage certain à Trump, surtout si la majorité républicaine s’établit autour de 53 sièges. "On va probablement vers quelque chose du genre 48-52 ou 47-53. Donc ça veut dire que là, ils auront une majorité au Sénat de trois, qui est loin d'être négligeable, et qui leur permet de voter éventuellement pour un juge à la Cour suprême, ou bien de voter au niveau des cabinets ministériels, parce que chaque membre du cabinet, donc les ministres, doivent passer devant le Sénat pour être confirmés", indique l'expert.

Cependant, même avec cette majorité au Sénat, certaines réformes exigeront une majorité plus importante, ce qui limite les marges de manœuvre de Trump. "53, ce n’est pas suffisant par rapport à certaines lois plus importantes qui demandent une majorité à deux tiers", précise-t-il. "Mais il faut faire attention, ce n'est pas comme en Belgique, où si le président de parti dit 'c'est comme ça', vous avez tout le PS ou tout le MR qui va voter de cette façon-là. Aux États-Unis, ce n'est pas le cas. Chaque sénateur, chaque membre de la Chambre garde un peu une autonomie", conclut le professeur en sciences politiques.

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