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Économie, immigration, avortement… Ce mardi 5 novembre, le candidat républicain Donald Trump et son adversaire démocrate Kamala Harris s’affrontent avec des positions diamétralement opposées sur les principaux thèmes de la campagne. RTL info a dressé la liste des principales mesures proposées par les deux principaux candidats.
Sur un ensemble de questions qui influencent profondément la vie des Américains et façonnent leur système politique, Kamala Harris et Donald Trump incarnent des visions radicalement opposées. Pourtant, si leur mise en œuvre diffère complètement, certains objectifs globaux demeurent néanmoins similaires, tels que "le soutien à l'ensemble des Américains, la lutte contre l'inflation et la priorité donnée à la protection des intérêts américains", explique Serge Jaumain, professeur d'histoire contemporaine à l'ULB et spécialiste des États-Unis.
"Sur des grands thèmes, il y a un certain nombre de points où l'on peut trouver quelques convergences, mais dès qu'on rentre dans le programme lui-même, on voit qu'on a un programme très à droite chez Trump et un programme de centre gauche chez Kamala Harris", souligne-t-il.
Concrètement, quelle est la position des deux candidats sur les grands enjeux tels que l'économie, le climat, l'immigration, la santé, la politique étrangère, l'avortement et la criminalité ?
Économie et fiscalité
Les deux candidats ont pour priorité de faire baisser l'inflation, qui a grimpé à un total de 20 % sous la présidence de Joe Biden, affectant particulièrement les prix des produits alimentaires. En outre,"la volonté de Kamala Harris est d'aider par des crédits d'impôt les ménages en difficulté, les classes moyennes et les personnes qui veulent accéder à la propriété", indique le professeur de l'ULB.
La candidate démocrate souhaite également relever le salaire minimum et a repris à son compte la proposition de son opposant de supprimer les taxes sur les pourboires. Pour financer ces initiatives, elle prévoit d'augmenter les impôts sur les grandes entreprises et les plus hauts revenus, et de mettre fin aux baisses d’impôts instaurées par Donald Trump, qui expirent fin 2025. D'autre part, Kamala Harris propose d'interdire certaines pratiques jugées "anticoncurrentielles" de la part de grandes entreprises, notamment les grandes surfaces, accusées de gonfler artificiellement leurs prix pour profiter de la situation inflationniste.
De son côté, Trump se concentre sur une approche économiquement nationaliste, qu’il résume sous le slogan "America First". "La stratégie de Trump, c'est surtout de dire qu'on va diminuer les impôts de tout le monde, c'est-à-dire aussi bien les classes moyennes que les plus riches ou encore les sociétés", pointe le spécialiste. Dans son programme, le républicain souhaite également un retour au protectionnisme économique en imposant des taxes plus élevées, "au minimum de 10 %" sur les produits étrangers. Des droits de douane qui pourraient atteindre 60 % sur les produits chinois.
Climat et environnement
Contrairement à son adversaire, Kamala Harris se montre beaucoup plus sensible à la question climatique. Et ce, même si sa position a évolué dans le temps, comme le précise Serge Jaumain : "Lors de sa candidature aux primaires démocrates en 2019, Kamala Harris avait laissé entendre qu'elle était opposée à la fracturation hydraulique, une méthode qui permet d'extraire le gaz de schiste. Elle a depuis changé sa position car elle s'est rendue compte qu'il fallait adoucir sa position. Cela lui permet d'aller chercher les modérés, soit les personnes qui ne sont pas engagées dans la lutte pour la défense du climat."
La vice-présidente s'aligne globalement sur la politique environnementale du gouvernement Biden, qui a permis d'injecter des centaines de milliards de dollars dans les énergies renouvelables grâce au plan d'investissement "Inflation Reduction Act". Elle promeut également des initiatives de justice environnementale visant à mesurer l’impact du changement climatique sur les communautés les plus vulnérables.
Quant à Donald Trump, il a fait savoir qu'il retirerait de nouveau les États-Unis de l’accord de Paris en cas de victoire, une mesure qu’il avait déjà prise en tant que président en 2017. En plus de mépriser les énergies renouvelables, Trump nie l'existence du changement climatique, qu'il qualifie de "canular". Son programme propose une exploitation intensive des ressources énergétiques du pays, notamment le pétrole, le gaz de schiste et le charbon. Trump souhaite par ailleurs annuler plusieurs réglementations environnementales mises en place sous l'administration Obama.
Immigration
La principale adversaire de Trump reconnaît l’échec du système migratoire américain, qu'elle considère comme "cassé". "Il y a une volonté chez elle de réglementer la question des migrants, de revoir la politique à la frontière mexicaine et elle s'engage très clairement à faire respecter la loi", expose l'historien. Kamala Harris vise à remettre sur la table l’adoption d’un accord bipartisan (négocié par les deux partis) que Donald Trump avait bloqué. Ce projet impose aux demandeurs d'asile de fournir davantage de preuves pour soutenir leurs demandes. Il prévoit 20 milliards de dollars pour recruter plus de 4 000 agents dédiés au traitement des dossiers d'asile, tout en renforçant les ressources pour sécuriser les frontières.
"Chez Donald Trump aussi, il y a cette volonté de prendre à bras le corps la question de la migration, mais par contre avec des pratiques beaucoup plus brutales. Il a clamé que dès qu'il serait président, il organiserait des centres de rétention dans lesquels il pourrait parquer 11 millions d'immigrés illégaux et qu'ensuite il les renverrait chez eux" rappelle-t-il. Trump a en effet fait de la lutte contre l'immigration une priorité dans son programme, lui qui promet d'augmenter les ressources allouées à l'"Immigration and Customs Enforcement" (ICE), l’agence qui applique les lois sur l’immigration à l'intérieur du pays.
Le milliardaire souhaite également réintroduire le "Muslim Ban", une mesure qui interdirait aux citoyens de certains pays à majorité musulmane d’obtenir un visa pour entrer aux États-Unis.
Soins de santé
"Kamala Harris assume le bilan de Joe Biden, qui n'est pas mal, où toute une série de mesures ont été prises, notamment pour aider les plus pauvres sur le plan des soins de santé. Du côté démocrate, il y a toujours eu une volonté ferme d'avoir des soins de santé les plus accessibles à tout le monde, en dehors des assurances privées", explique-t-il. La candidate démocrate envisage par exemple de fixer un plafond pour le prix de l’insuline, un médicament essentiel dans la lutte contre le diabète, une problématique de santé publique importante aux États-Unis. Elle souhaite également limiter les frais médicaux restant à la charge des seniors.
De son côté, après avoir tenté de faire abroger l'Affordable Care Act (aussi connu sous le nom d’« Obamacare ») durant son mandat, Trump affirme aujourd’hui vouloir le maintenir et le renforcer, tout en visant une baisse générale des coûts des soins de santé. Il ne propose pas de plan détaillé, évoquant plutôt des "idées". Il promet également de faire baisser le prix des médicaments sur ordonnance, bien qu'il n'ait pas précisé les moyens qu'il envisage pour y parvenir.
Politique étrangère
La vice-présidente américaine affirme son soutien au droit d’Israël à se défendre et s’engage à garantir que le pays dispose des "moyens nécessaires" pour le faire. "Mais en même temps, elle continue à promouvoir la nécessité d'une solution à deux États et à dire qu'elle veut venir en aide aux Palestiniens", fait-il remarquer. Concernant le conflit en Ukraine, "on peut penser qu'elle va poursuivre la politique qui est celle de Joe Biden, même si les sondages montrent une augmentation des opinions estimant que l’aide à l’Ukraine est excessive, et elle devra tenir compte de cela", précise Serge Jaumain.
D'autre part, "Kamala Harris veut bien sûr le multilatéralisme et continuer à discuter avec l'ensemble des alliés américains mais avec une forte volonté de protéger les intérêts américains. Donc on ne peut pas s'attendre de sa part à un engagement important par exemple au niveau de l'OTAN", prévient-il.
Pour sa part, Donald Trump prône une politique étrangère isolationniste et souhaite un retrait des États-Unis des conflits internationaux. Il a affirmé qu’il mettrait fin à la guerre en Ukraine en 24 heures par une négociation avec la Russie. Il se présente par ailleurs comme un soutien inconditionnel d’Israël, lui qui a soutenu avec vigueur l’offensive israélienne à Gaza.
Criminalité et sécurité
Kamala Harris soutient une hausse des financements pour la police, ce qui marque un changement par rapport à la précédente campagne présidentielle où elle avait exprimé des doutes quant à l’efficacité du recrutement d’agents supplémentaires pour garantir la sécurité des citoyens. Jusqu’en 2019, elle était favorable à d’importantes réformes du système judiciaire, mais elle n’a pas récemment réaffirmé ces positions.
En ce qui concerne Trump, il s’engage à éradiquer les cartels de la drogue, à éliminer la violence liée aux gangs et à restaurer les villes gouvernées par les démocrates, qu’il considère comme submergées par la criminalité.
Dès lors, qu'en est-il du contrôle des armes à feu ?"En ce qui concerne les armes à feu, il y a une volonté plus forte du côté démocrate de les contrôler et de mettre en place un certain nombre de mesures plus strictes. Mais il n'est pas question de supprimer la possession d'armes à feu, parce qu'elle s'aliénerait une partie de son électorat", affirme le professeur.
En effet, si elle est élue, la candidate démocrate, qui possède elle-même une arme, s’engage à interdire les armes de guerre et à rendre obligatoires les vérifications des antécédents pour tous les détenteurs d'armes. "Pour Donald Trump, pas de surprise, la situation actuelle lui convient parfaitement." Bien que lors d’un événement organisé par la NRA (un lobby pro-armes) en février, le républicain a affirmé qu'il supprimerait les réglementations sur les armes à feu mises en place par l’administration Biden.
Avortement
La démocrate soutient fermement le droit à l’avortement et souhaite promulguer une loi fédérale rétablissant ce droit. Là où Donald Trump est plus "hésitant" sur le sujet, lui qui se dit en défaveur de l'avortement. "Il a nommé des juges à la Cour suprême qui ont procédé à l'annulation de l'arrêt Roe vs Wade en 2022 (un arrêt qui garantissait le droit à l’avortement au niveau fédéral depuis 1973). En revanche, sa femme Melania a écrit un livre dans lequel elle se prononce en faveur de l'avortement et Donald Trump ne l'a pas contredit sur ce point. On voit donc qu'il est très prudent sur cette question car il sait que c'est une question fondamentale pour les Américaines", détaille l'expert.
Le candidat républicain a ainsi exprimé son opposition à une interdiction de l’avortement au niveau fédéral, préférant que cette question soit laissée à la discrétion des États. Il se prononce également en faveur de l’accès à la contraception et à la fécondation in vitro.