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Georges-Louis Bouchez a-t-il raison de comparer le PTB avec le Vlaams Belang ?

Georges-Louis Bouchez a exprimé sa vive opposition à l'alliance entre le PS, Ecolo et le PTB à Mons, qualifiant celle-ci de "coalition de la honte." Selon le président du MR, l’arrivée du PTB au pouvoir constitue une "ligne rouge" franchie par le PS, en raison de l’idéologie du parti qu’il associe à des valeurs antidémocratiques.

La Liste du Bourgmestre (PS), sous la direction de Nicolas Martin, a officialisé une majorité tripartite à Mons en s’alliant avec Ecolo et le PTB, marquant ainsi la première participation du PTB à un exécutif communal en Wallonie. Avec 28 sièges au total, cette coalition exclut la liste Mons en Mieux, conduite par Georges-Louis Bouchez (MR), qui a pourtant connu une forte progression lors des élections.

Fou de rage, le président du MR a fustigé l’alliance entre le PS et le PTB, dénonçant un rapprochement qu’il juge particulièrement dangereux : "Si la N-VA s’alliait avec le Vlaams Belang, ce serait un scandale. Pour moi, c’est tout aussi scandaleux que le PS s’allie avec le PTB, surtout dans une grande ville wallonne." Une déclaration qui suggère que Georges-Louis Bouchez place le PTB et le Vlaams Belang sur un pied d'égalité, les renvoyant dos à dos pour leurs orientations idéologiques dites "extrêmes". Ce qui soulève une question : Georges-Louis Bouchez a-t-il raison de mettre le PTB et le Vlaams Belang au même niveau ?

L'extrémisme selon la science politique

Comme le rappelle François Debras, politologue à l'ULiège et l'HELMo, il est nécessaire de s'appuyer sur la science politique pour définir l’extrême droite. "Il y a trois critères qui permettent de définir une idéologie, un discours, une personnalité ou un parti d'extrême droite : l'inégalitarisme, le nationalisme et le sécuritarisme", explique-t-il. Selon ces critères, le Vlaams Belang appartient clairement à cette catégorie : "Nous retrouvons à la fois dans les discours actuels de ses représentants, dans ses programmes, dans son histoire, cet inégalitarisme, ce nationalisme et ce sécuritarisme."

L’idéologie de l'extrême droite, ajoute-t-il, repose également sur une vision essentialiste des individus et exclusive de la société : "Les discours d'extrême droite enferment les individus dans leur identité, dans leur culture, dans leur religion, qui deviennent une seconde nature pour elles et eux et dont il serait impossible de s'extraire." Pour le spécialiste, ce type de discours et de positionnement n’a pas d'équivalent dans le cas de l'extrême gauche, qui base ses distinctions davantage sur "la condition sociale et économique actuelle, plutôt que sur des critères innés, de naissance et présentés comme naturels à l'extrême droite."

On peut néanmoins observer des points communs entre l'extrême gauche et l'extrême droite, notamment dans "leur rejet du consensus, leur appel à l’action directe et leurs discours polarisants. Tous deux jouent sur la colère et créent une opposition "nous" contre "eux"." En revanche, les idéaux de société qu’ils défendent sont profondément différents. "Là où l'extrême droite prône l’inégalitarisme, le nationalisme et le sécuritarisme, l'extrême gauche, elle, met l’accent sur l'anticapitalisme et l'égalitarisme, visant une société fondée sur l'égalité entre individus."

En outre, la Belgique dispose également d’une loi permettant de définir l’extrémisme. Il s’agit de l’article 8 de la loi organique des services de renseignement et de sécurité, adoptée le 30 novembre 1998. Cette loi définit l'extrémisme comme "les conceptions ou les visées racistes, xénophobes, anarchistes, nationalistes, autoritaires ou totalitaires, qu'elles soient à caractère politique, idéologique, confessionnel ou philosophique, contraires en théorie ou en pratique aux principes de la démocratie ou des droits de l'homme, au bon fonctionnement des institutions démocratiques ou aux autres fondements de l'état de droit."

Sur ce dernier point, contrairement au Vlaams Belang qui répond à nouveau aux critères, le politologue estime qu'il est plus compliqué de qualifier le PTB de parti extrémiste. Bien que le PTB affiche des traits caractéristiques de l'extrême gauche selon la science politique, tels que, par exemple, l'anticapitalisme, l'anticonservatisme et l'internationalisme, "il ne remplit pas les critères juridiques définissant l'extrémisme, il n'affiche ni visées racistes, ni nationalistes, ni autoritaires." 

Que ce soit dans ses discours, dans ses actes ou encore dans son programme, "le PTB n'est pas opposé à l'État de droit et n'est pas opposé à la Convention européenne des droits de l'homme", précise François Debras, ajoutant que "la qualification du PTB comme parti extrémiste ou d'extrême gauche n'est pas si simple à démontrer."

Une équivalence problématique

Pour Arthur Borriello, politologue à l’Université de Namur, cette comparaison établie par le président du MR est loin d'être inédite. "Ce n’est pas le premier à le faire, à la fois dans la classe politique et y compris dans le discours académique et dans le discours scientifique lui-même, où il y a parfois des formes de mise en équivalence d'extrême droite et d'extrême gauche qui sont faites", souligne-t-il.

Elle efface leurs énormes différences au profit de ce qui les rassemble.

Selon lui, cette mise en équivalence est problématique dans la mesure où "efface leurs énormes différences au profit de ce qui les rassemble." En réalité, si les deux bords idéologiques sont bel et bien aux extrémités du spectre politique, ils "défendent des projets politiques qui sont ancrés dans des valeurs, des projets, des traditions qui sont aux antipodes l’une de l’autre et qui donc sont les plus grands adversaires les uns des autres."

Pour le politologue, "il n'y a pas beaucoup de sens à mettre l'accent sur ce qu'ils auraient en commun, si ce n'est que ça renforce les projets politiques qui visent à les discréditer et à les marginaliser tous les deux et en contrepartie à se mettre soit en valeur comme n'étant ni d'extrême droite ni d'extrême gauche." Ce discours de mise en équivalence des extrêmes a toujours une fonction politique très claire : "La disqualification de ces mêmes extrêmes et en contrepartie la valorisation de ce qu'on peut appeler le camp de la politique raisonnable et des partis de gouvernement qui va du centre-gauche au centre-droit."

Depuis longtemps, les pays occidentaux ont mis en place divers garde-fous pour contenir les mouvements politiques d'extrême droite. En Belgique, cela se traduit par un cordon sanitaire : politique en Flandre et en Wallonie et médiatique dans l'espace francophone. Dans d'autres pays européens, ces garde-fous prennent différentes formes, à l'image de certaines mesures juridiques en Allemagne.

Dans ce contexte, une tendance se dessine comme le souligne Arthur Borriello : "L’extrême droite, dans sa stratégie de normalisation, essaie d’attirer l’attention plutôt sur l’extrême gauche. Elle a déplacé la focale de l'excommunication, si je peux parler comme ça, vers l'extrême gauche. Et on sent bien que la stratégie de droitisation du discours qui est à l'oeuvre au MR avec Georges-Louis Bouchez n'est évidemment pas innocente là-dedans, indépendamment de son propos sur le fait qu'il faut mettre l'extrême gauche et l'extrême droite sur un pied d'égalité", conclut-il.

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