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La réforme soudaine des primes à la rénovation en Wallonie a laissé de nombreux ménages, comme celui de Julie, dans l’incertitude, avec des aides fortement réduites et des plateformes énergétiques débordées par les demandes.
Julie, habitante de Lasne, n'avait aucun doute : la rénovation de sa toiture serait en partie financée par les primes de la Région wallonne. C'est un estimateur du SPW qui lui avait assuré qu'elle était éligible, en lui conseillant de faire appel à un auditeur pour augmenter le montant d'intervention au mètre carré. Cela ne se passera pas du tout comme prévu.
"J'attendais une modification du devis de la part de mon entrepreneur pour pouvoir introduire ensuite mon dossier auprès du crédit social", raconte Julie, qui devait pouvoir bénéficier d'un taux 0% et d'une déduction des primes.
Ayant droit à une prime de 22.800 euros, Julie décide de passer commande chez son chauffagiste pour le remplacement de sa chaudière. "Notre budget de travaux était de 60.000 et on allait avoir une facture allégée de 22 800 euros, donc on a signé un bon de commande pour un montant de 16.000 euros", témoigne-t-elle.
Seulement, le 13 février, le gouvernement wallon a annoncé du changement pour le système des primes à la rénovation, jugé trop coûteux. Depuis le 14 février, un régime temporaire plus restrictif est en vigueur. En moyenne, les montants de base des primes sont réduits de 60 %. Le plafond d’intervention passe de 90 % à 70 % du montant total des investissements pour les ménages aux revenus les plus modestes (jusqu’à 38.300 euros par an). Pour les revenus intermédiaires (entre 38.300 et 114.400 euros), ce plafond est abaissé à 50 %, contre 90 % auparavant. Enfin, les ménages aux revenus les plus élevés perdent totalement l’accès aux primes.
Je n'aurais pas su introduire mon dossier
"L'annonce du gouvernement était tellement soudaine. Je devais introduire mon dossier au crédit social le 13 février avant minuit. Je n'ai pas reçu l'information, et de surcroît, je n'avais pas encore le devis corrigé de mon entrepreneur, donc je n'aurais pas su introduire mon dossier", regrette-t-elle.
Julie est aujourd'hui en colère et éprouve du dégoût. "Je pense qu'on va perdre les trois-quarts de la prime".
"Comme il n'est plus nécessaire de faire d'audit énergétique, ce système de majoration de primes au mètre carré n'existe plus. Donc, au lieu d'être indemnisé à 50 euros du mètre carré, on ne sera plus qu'à 30 euros du mètre carré, et en plus de ça, au lieu de pouvoir bénéficier de 90% de prise en charge au niveau des primes, ça ne sera que 50%. Donc, oui, on perd beaucoup d'argent là", déplore-t-elle.
"Aujourd'hui, on se retrouve largement floué", se plaint Julie. "On a payé un audit qui ne sert à rien. Aujourd'hui, j'ai un trou de 1250 euros dans ma trésorerie par rapport à des travaux futurs que je ne vais jamais réaliser. J'ai engagé d'autres travaux sur base du calcul des primes qui avaient été faits et on est triplement floué, quoi".
Des situations similaires à celle de Julie, il y en a beaucoup en Wallonie. Un couple de personnes âgées que nous avons rencontré a versé les 20% d'acompte 9h trop tard. "Nos travaux nous coûtant quand même environ 30.000 euros, on avait 15.000 et 18.000 euros de prime et maintenant on a plus que 9.000 et quelques... c'est presque la moitié".
Chez En'Hestia, plateforme de rénovation énergétique, on reçoit de tas de cas pareils depuis 6 jours. Yvain Stiennon y est auditeur et coordinateur technique : "C'est la panique. Le téléphone sonne tout le temps, on a des mails, on doit répondre pour essayer nos candidats rénovateurs le mieux possible et les rassurer. Ce n'est pas une mince affaire, évidemment".
Plus que 8 jours
La période transitoire pour obtenir les anciennes primes ne court que jusqu'au 28 février. En clair, les personnes qui peuvent encore obtenir les anciennes primes n'ont plus que 8 jours pour remplir un dossier en ligne. C'est aussi très court : "J'ai encore eu une dame tout à l'heure, elle panique complètement. Elle se retrouve avec un nouveau formulaire à remplir, elle ne comprend rien. Et donc forcément, pour ce genre de cas de figure de candidat rénovateur un peu précaire jusqu'au niveau informatique ou même administratif, c'est juste hyper stressant, quoi", témoigne l'auditeur et coordinateur technique.
"Dans le cas le plus favorable, ils ont déjà payé 20% des travaux ou payé un acompte au moins 20%. Il faut qu'ils se réveillent maintenant, puisqu'ils ont jusqu'au 28 février pour déposer leur demande de maintien de prime, quoi", alerte Yvain Stiennon.
Le nouveau système de primes sera mis en place dès le 1er octobre 2026.