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L’amiante est interdit en Belgique depuis plus de 25 ans, mais pourtant, on estime que 40% des habitations flamandes en contiennent. Qu'en est-il à Bruxelles et en Wallonie? impossible de le dire précisément. Il n'y a pas non plus de plan pour désamianter les habitations des deux régions, contrairement à la Flandre.
De la toiture à la cave, l'amiante peut se cacher partout. Cette fibre très nocive s'introduit dans nos poumons et peut provoquer des cancers. Pratiquement invisible, elle est aujourd'hui dissimulée dans nos habitations.
Dès son entrée dans la cave, le spécialiste que nous suivons suspecte un tuyau de chauffage. L'isolation en plâtre pourrait contenir de l'amiante. "Il y a un peu de plâtre, on le distingue ici un petit peu... Le plâtre est suspect", nous montre Grégory Bayeul, administrateur d’une entreprise spécialisée en inventaire amiante.
L'inspection doit être minutieuse parce que l'amiante se cache parfois là où on ne s'y attend pas. "Tout est potentiellement suspect puisqu'effectivement, on peut trouver de l'amiante dans tout et n'importe quoi. Il peut y en avoir dans les revêtements de sol, dans les plaques murales qui peuvent être contre l'humidité, dans des isolants au plafond, dans des isolants de conduite de chauffage comme ici".
Dans certains cas, il faut prélever des échantillons à analyser plus tard en laboratoire. "Les prélèvements se font à la pince à épiler. On vient prendre un tout petit morceau de matière."
L'amiante se cache aussi en façade, un bardage n'est pas vraiment dangereux, sauf s'il est endommagé. Parfois, la fibre se voit à l'œil nu. "On voit clairement les fibres d'amiante. Un œil averti les reconnaît facilement. Ici il n'y a pas de doute."
Cette maison typique que Grégory Bayeul nous présente est l'exemple parfait que l'amiante est très présent dans nos habitations. "On trouve effectivement souvent de l'amiante dans des bâtiments d'avant 1990, on en trouve vraiment très régulièrement".
Mais combien d'habitations contiennent de l'amiante ?
Notre enquête révèle que personne ne peut répondre précisément à cette question en Wallonie et à Bruxelles. "Si un inventaire est fait ? Oui. Si ce n'est pas fait, on ne sait pas le savoir", admet Patrice Mouffe, chef de projet pour une entreprise de désamiantage.
"On met un petit peu la tête dans le sable", réagit Marc Molitor, président de l’association belge des victimes de l’amiante.
"On vient rarement pour rien quand on fait une inspection amiante", assure Grégory Bayeul.
"Sans connaître la quantité d'amiante, on ne peut pas identifier la stratégie qui est nécessaire pour la gérer au mieux", fait remarquer Hélène Delloge, manager du département environnement énergie durabilité chez Embuild Wallonie.
Et c'est ça tout le problème. La Flandre a lancé un plan amiante il y a déjà 7 ans. À terme, tout propriétaire d'un bâtiment construit avant 2021 devra réaliser un inventaire : Objectif, désamianter totalement la région d'ici 2040.
Mais dans la capitale et au sud du pays... Une telle mesure n'existe pas. "Un nouvel arrêté est en cours de rédaction. Le prochain gouvernement devra se pencher dessus. Il est question d'imposer la réalisation d'inventaires avant une vente ou des travaux", communique Bruxelles-Environnement. Yves Coppieters, le ministre wallon de la santé : "Plutôt que l'amorce d'un nouveau Plan Amiante, l'administration travaille sur le développement d'inventaires avant travaux de déconstruction".
Et sans inventaire précis, il y a danger pour le secteur de la construction. "L'amiante peut être dangereux s'il est dégradé et si on n'a pas conscience qu'il y a une présence d'amiante et qu'on utilise son bâtiment sans avoir conscience de cette présence d'amiante", explique Hélène Delloge.
2 millions de tonnes d'amiante dans le bâti wallon?
Il y aurait 2 millions de tonnes d'amiante dans le bâti wallon. Mais c'est une estimation d'un institut scientifique et on ne sait pas où se cache la fibre.
Selon Bruxelles-Environnement, une étude réalisée en 2017 estime qu’il y a encore de l’amiante dans 80 à 90% des bâtiments dans la capitale. Un plan amiante existe à Bruxelles. Celui-ci prévoit plusieurs mesures, notamment l'obligation de faire un inventaire lorsque les travaux sont prévus dans des bâtiments de plus de 500m² ou si les travaux sont soumis à des autorisations préalables. Cela ne concerne donc pas toutes les habitations.
Rappelez-vous du plâtre prélevé dans la cave. L'inspection au microscope confirme la présence d'amiante. Il faudra donc le retirer avant qu'un chauffagiste n'intervienne. "De manière à ce qu'il ne vienne pas entailler le calorifuge dans le remplacement d'une chaudière par exemple", justifie Grégory Bayeul dans un laboratoire.
Ça peut provoquer des maladies
L'amiante est interdit en Belgique depuis 1998. Lorsque cette fibre est manipulée, elle peut être dangereuse et provoquer des cancers. On estime que 800 Belges tombent malades chaque année.
"On peut en respirer et ça peut provoquer des maladies. Tout le monde est un peu exposé, mais tout le monde ne doit pas être malade. Mais il y a suffisamment de malades dans ce pays pour qu'on décide de faire attention, et d'ailleurs, pour qu'on ait interdit l'amiante à la fin des années 90", rappelle Marc Molitor.
Un problème de coût
Une partie du problème réside dans le coût. Nous nous rendons dans un bâtiment qui va être détruit, mais avant, il doit être désamianté. "Nous rentrons vraiment dans la zone où tout ce support en plafonnage va être décapé au burineur et meulé jusqu'au support", nous emmène le chef de projet Patrice Mouffe.
C'est méconnu, l'amiante est parfois présente dans le plafonnage. Pour le retirer, l'entreprise a sécurisé le bâtiment, avec une bulle "complètement fermée". "Elle protège l'environnement extérieur de notre zone de travail. C'est le principe."
Un principe qui coûte cher. 250.000 euros pour ce chantier de désamiantage. Ce sont des travaux onéreux, mais indispensables pour la santé des citoyens et des ouvriers.
"S'ils vont faire des travaux et qu'ils vont casser ou forer dans un produit qui est à l'amiante, là il y a libération de fibre et pollution d'amiante". Il y a donc un vrai danger.
Gestion des déchets
Reste un problème : la gestion des déchets. Ils sont placés dans des containers sécurisés, puis envoyés dans des décharges spécifiques. Leur destination nous étonne. "Ces containers seront envoyés en Flandre, en centre d'enfouissement technique", révèle Patrice Mouffe. "Il n'y a que là-bas, dans cette région-là, qu'ils ont les autorisations pour traiter ces produits dangereux."
Il y a plus de décharges en Flandre, où il existe aussi des primes désamiantage, alors qu'il n'y a aucune aide en Wallonie, ni à Bruxelles, pour les citoyens.