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Invité sur bel RTL ce matin, le docteur en sciences politiques, spécialiste des partis d'extrêmes droites et populistes, Benjamin Biard, s'est exprimé sur la droitisation du Mouvement Réformateur. Le parti de Georges-Louis Bouchez, devient-il d'extrême droite ? Le spécialiste est clair sur le sujet.
L’annonce de l’arrivée de Noa Pozzi, ancien candidat tête de liste du parti d’extrême droite "Chez Nous", a provoqué un tollé sur l’échiquier politique francophone, y compris au sein du MR lui-même. La gauche, en particulier, a vivement réagi. Paul Magnette, président du PS, a critiqué sur "X" ce qu’il considère comme une dérive inquiétante : "Après les multiples sorties xénophobes et homophobes assumées au @MR_officiel. Chaque démocrate doit aujourd’hui se lever contre cet effacement de la différence avec l’extrême droite."
Mais cette intégration remet-elle en question la nature démocratique du Mouvement Réformateur ? Invité sur Bel RTL, le politologue Benjamin Biard, spécialiste des partis d’extrême droite, a analysé la situation.
Qu’est-ce qu’un parti d’extrême droite ?
Selon Benjamin Biard, un parti d’extrême droite ne se définit pas seulement par son positionnement sur l’échiquier politique, mais par une idéologie spécifique reposant sur trois critères fondamentaux :
- Une conception inégalitaire de la société, mettant en avant des différences ethniques, religieuses ou civilisationnelles.
- Un projet nationaliste, structuré autour d’une identité exclusive.
- Une remise en cause de la démocratie, soit par l’usage de moyens violents, soit par l’érosion des droits humains, de l’indépendance des médias ou de l’équilibre des pouvoirs.
Une droitisation du MR ?
Pour Benjamin Biard, le MR ne correspond pas à cette définition : "Le Mouvement Réformateur reste un parti tout à fait démocratique, même s’il a accueilli d’anciens membres issus de l’extrême droite. Ce ne sont pas des personnes qui aujourd'hui ont un statut particulier au mouvement réformateur au-delà du statut de membre. Toujours est-il que ça prête le flanc à la critique mais aussi à la visibilité du président du parti pendant cette période."
Si le MR n’est pas un parti d’extrême droite, certains signes "permettent de dire qu'il y aurait une droitisation" sous la présidence de Georges-Louis Bouchez. Pour commencer, "le fait qu'il assume davantage son flanc conservateur". Benjamin Biard cite ensuite plusieurs exemples, comme la rupture de "certaines dispositions du cordon sanitaire", notamment par des débats avec des figures de l’extrême droite comme Tom Van Grieken (Vlaams Belang), ou encore le partage sur les réseaux sociaux de publications émanant de représentants de l’extrême droite.
Cependant, ces éléments ne suffisent pas, selon l’expert, à classer le MR parmi les partis d’extrême droite : "L’extrême droite, ce n’est pas simplement une droite plus à droite qu’une autre. C’est une idéologie qui met sous tension la démocratie."
Les programmes économiques des partis d’extrême droite tendent... vers la gauche
Benjamin Biard a également abordé les particularités économiques des formations d’extrême droite, qui ne constituent pas un critère central pour les définir. Ces partis adoptent des postures variées destinées à élargir leur base électorale. Une tendance en Europe avec des partis qui "se dotent d'accents sociaux". "Vouloir réduire l'âge de départ à la retraite, c'est un élément classique qu'on retrouve chez certains partis d'extrême droite", affirme le politologue.
Mais donc dans un programme socio-économique d'extrême droite, est-ce qu'on dépense ou on économise plutôt traditionnellement dans la sphère publique ? "C'est très variable". Un exemple en Flandre est le Vlaams Belang, qui combine des propositions libérales avec des accents sociaux, comme "la réduction de la TVA sur les produits énergétiques, une mesure défendue bien avant la crise inflationniste liée à la guerre en Ukraine".