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Anne, nom d'emprunt, nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous. Elle s'interroge sur les dangers d'une drogue de synthèse appelée PTC. Son fils en a consommé et un de ses amis s'est retrouvé à l'hôpital. Quels sont les risques associés à la consommation de ce produit? Est-ce qu'il circule beaucoup en Belgique?
PTC pour "pète ton crâne". On l'appelle aussi Buddha Blue. C'est le produit stupéfiant que s'est procuré le fils d'Anne. Elle raconte: "Il a acheté ça avec un ami, ils ne savaient pas ce que c'était. On leur a présenté comme du cannabis liquide. Ça se vend comme une petite fiole qu'on met dans une cigarette électronique."
Les deux jeunes âgés de 16 et 17 ans ont consommé avec un copain de classe. Le hic: ce dernier a très mal réagi et "est allé à l'hôpital". Si finalement l'adolescent s'en est sorti sans accroc, Anne s'inquiète: "On ne sait pas ce que ça fait sur l'organisme. En plus, ça ne sent pas, ça pourrait tourner facilement dans les écoles."
Du cannabis liquide?
C'est un petit peu plus compliqué que ça. Le Buddha Blue est un ensemble de produits qui contient le plus souvent des cannabinoïdes de synthèse. En d'autres termes, des substances qui imitent les effets du THC (une molécule contenue dans le cannabis provoquant des effets psychotropes) mais qui n'en contiennent pas.
Michaël Hogge, chargé de projets scientifiques et épidémiologiques pour l’association Eurotox précise: "C'est une appellation commerciale, pas un produit défini." Dès lors, on trouve du Buddha Blue sous plusieurs formes, notamment en version e-liquide, et avec différentes compositions. C'est d'ailleurs une des choses qui peut rendre le produit dangereux. Nous y reviendrons.
Il y a déjà eu des décès
L'intérêt de ce type de produits: vendre des "euphorisants légaux". "Ce sont des molécules fabriquées en laboratoire détournées et commercialisées depuis une quinzaine d'années avec l'intention de contourner les législations sur les drogues. Elles sont le plus souvent vendues sur internet sous des appellations farfelues", explique Michaël Hogge.
On est à la limite. Si le nouveau produit n'est pas dans la liste des substances illégales, il est en théorie autorisé. Mais cette liste évolue perpétuellement et en l'occurrence, le PTC est bel et bien interdit en Belgique.
"Ça donne des overdoses"
Nous avons contacté l'addictologue Thomas Orban pour en savoir un peu plus sur les effets de cette drogue de synthèse. "Elle provoque l'euphorie, une sensation de détente, mais aussi des troubles du sommeil, des hallucinations, de l'anxiété, de la paranoïa,… Ce sont des produits utilisés pour avoir des effets similaires au cannabis mais les effets secondaires sont plus incisifs", avance-t-il.
Le PTC peut aussi provoquer "des problèmes au cœur, des troubles digestifs, neurologiques, ou encore de l'équilibre". Pire, "ça donne des overdoses", dit Thomas Orban.
Ce qui peut être particulièrement problématique, c'est le fait qu'on ignore ce que contient le produit, continue le spécialiste. Michaël Hogge va dans le même sens et ajoute qu'il y a "un risque important de surdosage". Comme on est dans un marché parallèle, il est peu probable que ce soit un pharmacologue qui procède aux mélanges. "Avec des dosages plus importants, il y a des risques d'intoxication plus sévères avec atteinte au niveau des organes et il y a déjà eu des décès", explique-t-il.
Il y a un risque de dépendance plus importante avec le surdosage
En ce qui concerne les effets à long terme sur la santé, les spécialistes que nous avons sondés expliquent qu'il est difficile de se prononcer. Il n'y a pas assez de recul. Il en va de même pour le côté addictif, même si, ici, on a des pistes: "On est sur une substance proche du THC, donc on peut imaginer que ce soit addictif de la même façon, mais il y a à nouveau le risque de surdosage et donc de dépendance plus importante", souligne Michaël Hogge.
Une drogue à destination des jeunes
À 17 ans, le fils d'Anna est dans la tranche d'âge "cible" pour le Buddha Blue. L'ASBL Infor Drogue confirme, c'est un produit qui est généralement plus répandu chez les jeunes. Et pour cause, il s'achète en ligne, pour pas très cher. Ainsi, l'adolescent s'en est procuré via Snapchat pour 20€.
Nous avons fait le test. Il semblerait effectivement qu'on puisse en acheter en quelques clics… à condition de ne pas s'y perdre parmi toutes les appellations.
Outre cela, le PTC (quand il est consommé sous forme de e-liquide) a la particularité d'être plutôt discret: "Ça a un aspect attractif pour le consommateur parce que ça ne sent pas et la e-cigarette permet de consommer dans certains endroits sans se faire repérer directement", explique Michaël Hogge.
Une substance prisée dans notre pays?
Si "on observe ça et là des consommations de niche", l'usage du Buddha Blue "reste assez marginal en Belgique", explique le spécialiste. La raison: "Le marché des drogues classiques est suffisamment accessible et attractif."
L'usage de PTC à proprement parler est peu documenté. Les chiffres que nous avons pu nous procurer sont relatifs à l'ensemble des nouvelles substances psychoactives (NSP). Selon une enquête HIS de 2018, un peu plus d'un pourcent des Belges âgés de 15 à 24 ans déclarent avoir déjà consommé des NSP.