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Les relations entre Israël et le Hezbollah sont caractérisées par une opposition continue depuis l'émergence du mouvement dans les années 1980. Le Hezbollah s’est construit sur la résistance à l’occupation israélienne, tandis qu’Israël considère le groupe comme une menace terroriste et militaire. Retour sur des décennies de tension pour mieux comprendre pourquoi Israël lance une série de frappes intenses et puissantes ces derniers jours.
Origines et contexte (1982 - 1990)
Le Hezbollah (littéralement "Parti d'Allah"), un mouvement politique et militaire chiite libanais, est né en 1982 à la suite de l'invasion du sud du Liban par Israël lors de la guerre du Liban. L'objectif de cette invasion, appelée "Opération Paix en Galilée", était d’éliminer les bases de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) qui opéraient à partir du sud du Liban. Cependant, la présence militaire israélienne dans la région a favorisé la radicalisation de groupes chiites qui considéraient cette invasion comme une occupation.
C’est dans ce contexte que le Hezbollah a émergé, soutenu par l’Iran, et s'est donné pour mission de résister à l'occupation israélienne, mais aussi de promouvoir une idéologie islamiste chiite inspirée par la révolution iranienne de 1979.
Les années de résistance (1990 - 2000)
Au cours des années 1990, le Hezbollah est devenu une force politique et militaire majeure au Liban, concentrant ses efforts sur la lutte contre la présence israélienne dans le sud du pays. L’organisation menait régulièrement des attaques contre l’armée israélienne et la milice supplétive locale, l'Armée du Liban Sud (ALS), formée et soutenue par Israël. Pendant cette période, Israël menait des opérations militaires régulières contre le Hezbollah, comme l'opération Raisins de la colère en 1996, visant à affaiblir ses capacités de combat.
Le Hezbollah est progressivement devenu le principal acteur de la résistance libanaise contre Israël, bénéficiant d’un soutien populaire dans la communauté chiite et d'un appui logistique et financier substantiel de l’Iran et de la Syrie.
En mai 2000, Israël a décidé de se retirer unilatéralement du sud du Liban, après 18 ans d’occupation. Ce retrait a été perçu comme une victoire majeure pour le Hezbollah, renforçant sa légitimité au Liban et dans le monde arabe.
Cohabitation hostile avant l'embrasement (2000 - 2006)
Après le retrait israélien, les tensions entre Israël et le Hezbollah n’ont pas cessé. Le Hezbollah continuait à mener des opérations ponctuelles contre Israël, notamment des tirs de roquettes ou des attaques contre des soldats à la frontière. En 2004, un accord d’échange de prisonniers a eu lieu entre Israël et le Hezbollah, montrant une capacité de négociation malgré les hostilités persistantes.
La situation a dégénéré en juillet 2006, lorsqu’une opération du Hezbollah aboutit à l’enlèvement de deux soldats israéliens à la frontière et à la mort de huit autres. Cette action a déclenché la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah, un conflit de 34 jours marqué par des bombardements massifs israéliens sur le Liban et des tirs de roquettes du Hezbollah sur le nord d'Israël.
Guerre de 2006 (Juillet - Août)
La guerre de 2006 a causé des destructions massives au Liban, tuant plus de 1 000 civils libanais et déplaçant environ un million de personnes. Du côté israélien, les tirs de roquettes du Hezbollah ont fait plusieurs dizaines de morts et causé d'importants dégâts matériels. Le Hezbollah a réussi à résister à l'offensive israélienne, renforçant ainsi son image de "résistance" face à Israël. Le cessez-le-feu a été instauré en août 2006 sous l'égide des Nations Unies.
Le Hezbollah a survécu à cette guerre, renforçant sa position politique au Liban et dans la région, tandis qu’Israël, malgré ses efforts militaires, n’a pas réussi à désarmer le groupe ou à ramener les soldats capturés.
Tensions persistantes et engagements indirects (2007 - 2020)
Après la guerre de 2006, le Hezbollah a continué à se renforcer militairement, avec l’aide de l'Iran, en augmentant son arsenal de roquettes et missiles. Des escarmouches sporadiques ont eu lieu à la frontière, mais aucune guerre ouverte n’a éclaté. Cependant, la montée en puissance du Hezbollah et son engagement dans d’autres théâtres régionaux, notamment en Syrie à partir de 2011 pour soutenir le régime de Bachar al-Assad, ont alimenté les craintes en Israël.
Le Hezbollah est devenu une force militaire de plus en plus sophistiquée, capable de représailles sérieuses contre Israël en cas de conflit grâce à un arsenal impressionnant de roquettes et de missiles. "Ils ont des missiles plus puissants et plus précis que ceux du Hamas", détaille Thomas Juneau, professeur adjoint à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa, dans une intervention sur Radio-Canada Info.
"En revanche, ce qu’à l’armée libanaise que n’a pas le Hezbollah, ce sont des avions et des hélicoptères. Parce que le Hezbollah n’est pas une armée régulière", nuance (dans une intervention sur Arte) Christophe Ayad, Grand reporter pour le journal Le Monde et auteur du livre "Géopolitique du Hezbollah".
Définir le nombre exact de combattants du Hezbollah reste très compliqué. De nombreuses estimations fluctuent de plusieurs dizaines de milliers de soldats. Le 18 octobre 2021 le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, annonçait que son armée comptait "100.000 combattants entraînés et armés".
Situation Actuelle (2020 - Présent)
Le Hezbollah est considéré par Israël comme une menace stratégique de premier ordre en raison de ses capacités militaires et de son alliance avec l'Iran. De son côté, le Hezbollah se positionne comme le fer de lance de la "résistance" contre Israël dans le monde arabe, mais il est également critiqué au Liban pour son rôle dans les conflits régionaux.
Depuis le début de la guerre contre le Hamas, il y a presque un an, le Hezbollah s’est montré de plus en plus hostile envers Israël, à l’instar de l’Iran, en envoyant fréquemment des roquettes sur l’état hébreux. Face à la menace grandissante, Israël s’est lancé dans une opération de grande envergure.
"Ce qu’on voit ces derniers jours, c’est une intensification des frappes pour affaiblir sérieusement le Hezbollah. Des dirigeants ont été tués ou du moins ciblés et d’importantes caches d’armes ont été frappées également", rapporte Thomas Juneau.
"Les opérations actuelles d’Israël réussissent avec un certain niveau de succès à affaiblir militairement le Hezbollah. Je pense que du point de vue d’Israël on peut parler d’un succès tactique", ajoute-t-il.
Et maintenant, en route vers une guerre totale ?
Une guerre ouverte contre le Hezbollah, comme cela se déroule contre le Hamas dans la bande de Gaza, serait une toute autre paire de manche pour l’armée israélienne. "Le Hezbollah est plusieurs fois plus puissant que le Hamas", souligne Thomas Juneau. "Ils ont plus de combattants, ils sont mieux armés et ils sont surtout plus expérimentés et mieux dirigés. Les combattants du Hezbollah ont des années d’expérience de guerre extrêmement dure en Syrie."
"Dans un scénario d’escalade sérieuse, les dommages à Israël seraient énormes », ajoute le spécialiste du Moyen-Orient. Néanmoins, les deux belligérants ne semblent pas (pour le moment) vouloir entrer dans une vraie guerre ouverte. « Je continue de croire que le Hezbollah ne veut pas d’escalade vers la guerre totale avec Israël. Le Hezbollah a des missiles plus puissants et d’une portée de 200 km, mais qui n’ont pas encore été utilisés. Justement par crainte que ça mènerait à une escalade incontrôlée vers une guerre ouverte."
Si ce scénario est redouté par les deux parties, c’est bien parce qu’elles ont beaucoup à perdre, surtout le Hezbollah qui sait que sa force militaire est inférieure à celle de son adversaire. "Le Liban serait, dans un scénario de guerre, complètement dévasté par Israël. Le Hezbollah, en tant qu’acteur le plus puissant au Liban (politiquement et militairement) serait de facto responsable de ça."