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À la découverte des "Kidultes", ces adultes passionnés de jeux: "Se reconnecter à la capacité de s'émerveiller"

Le mot Kidulte, contraction du mot kid, enfant, et adulte, désigne un adulte qui a gardé une âme d’enfant. Cela se traduit dans l’achat de jouets devenu objet de collection ou dans le plaisir de se retrouver à plusieurs autour de jeux de société. Un marché économique devenu important pour le secteur du jouet mais un sentiment qui peut aussi psychologiquement nous faire du bien. Qui sont ces adultes passionnés de jeux ?

Jean-Yves, 49 ans, nous accueille chez lui pour nous présenter sa collection de Playmobil, qu'il accumule depuis près de 20 ans. "Et ce n'en est qu'une partie !" s’exclame-t-il. Parmi les nombreuses boîtes conservées dans sa cave, il y a notamment celle de la boulangerie, un modèle datant de son enfance. "Les boîtes en frigolite, c'est vraiment toute mon enfance. C'est ce que je possédais quand j'étais petit", confie ce passionné.

Dans ce joyeux désordre, on trouve des figurines, des véhicules, des décors et des milliers de petites pièces. Dans une pièce voisine, Jean-Yves et sa fille Mazarine travaillent sur un diorama qu'ils préparent pour une prochaine exposition. Ils recréent l'attraction des Pirates des Caraïbes du parc Disneyland Paris.

Cela nous permet de passer de bons moments 

Le diorama mesure deux mètres sur trois, fruit de plusieurs repérages sur place. "Ce que j'aime, c'est créer un monde et imaginer l'histoire qui l'accompagne", explique Mazarine. "Cela nous permet de passer de bons moments ensemble, même si on n'a pas toujours les mêmes idées", ajoute son père.

Parmi les créations passées de Jean-Yves, on trouve un décor de cirque de 18 mètres carrés, composé de 600 figurines, qui a nécessité 12 heures de montage.

Richard Blin, ancien journaliste et directeur du musée du jouet situé à Tours et Taxis à Bruxelles, gère une collection privée de plus de 30 000 pièces exposées au public. "Je me vois comme un passeur de mémoire. Aujourd'hui, nous vivons dans une culture geek, immergés dans la pop-culture, et les jouets en sont une part essentielle", explique-t-il.

Les "kidultes", ce nouveau phénomène

Ces adultes qui achètent des jeux pour eux-mêmes sont appelés "kidultes". Alors que Playmobil fête cette année ses 50 ans, la marque continue de séduire ceux qui, enfants, jouaient déjà avec ces figurines, et qui sont désormais devenus adultes.

Prenez par exemple la série télévisée mythique des années 80 Magnum-détective privé, et adaptez-la en jouet. "C'est le summum pour les adultes. Le jouet plaît à l'enfant, mais le personnage qu'il incarne touche le parent", précise Richard Blin.

Être adulte et retrouver le plaisir de jouer dans une société dominée par la performance peut surprendre. "C’est pourtant une grande qualité", estime la psychiatre Caroline Depuydt. "Se reconnecter à la capacité de s'émerveiller, de jouer et de s’autoriser à ressentir de la joie sans autre objectif que cela est quelque chose que nous devrions davantage rechercher en nous-mêmes, au lieu de l'étouffer."

Pour tous les goûts 

Pour évaluer l'ampleur du phénomène, nous visitons un magasin de jouets à Etterbeek, où 600 mètres carrés sont dédiés aux jeux, avec plusieurs rayons proposant des produits destinés aux plus de 18 ans. On y trouve des maquettes, des circuits électriques, des puzzles en trois dimensions, ainsi que des jouets sous licence, comme ceux de la marque Lego associés à Star Wars. Certaines boîtes peuvent coûter plusieurs centaines d'euros. "L'adulte qui vient ici sait exactement ce qu'il veut", confie David Chaltin, vendeur dans ce magasin.

Ici, 50 % des jeux de société vendus sont destinés aux adultes. "Il y a toutes sortes de jeux : coopératifs, compétitifs...", ajoute-t-il.

Aujourd'hui, 14 % de l’offre de jouets est spécialement conçue pour les adultes, un secteur en pleine expansion, avec une croissance de 4 % sur un an. Parmi les raisons de ce succès figure la baisse de la natalité. "Les fabricants de jouets ciblent désormais des tranches d’âge plus élevées, pour prolonger l'intérêt des enfants devenus adultes", explique Nicolas Pons, expert du secteur.

Qu'est-ce qu'un bon jeu ? 

Dans la salle à manger d’une association à Namur, une petite dizaine d'adultes se retrouvent autour d’un jeu de société. Chaque mardi soir, la Maison de l’écologie organise son "Ludo apéro", une soirée ouverte à tous et gratuite, avec pour seul but de jouer et de recréer du lien social. Les participants, âgés de 20 à 60 ans, ont tous gardé une place pour le jeu dans leur vie. "Quand j'étais petit, je jouais aux jeux de société. Ensuite, je suis passé aux jeux vidéo, puis je suis revenu aux jeux de société", raconte un joueur de 36 ans. Pour une autre participante, âgée de 24 ans, "j'aime les jeux de réflexion".

Gery Bauduin, surnommé le sommelier des jeux, sélectionne les boîtes parmi les 600 jeux disponibles dans la ludothèque. "Un bon jeu, c'est celui où l'on passe un bon moment", affirme-t-il.

Qu’il s’agisse d’une nostalgie de l’enfance ou d’un effet de marketing dans une société de consommation, une chose est sûre : de nombreux jouets déposés sous le sapin cette année seront destinés à des kidultes.

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