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Après avoir passé la majeure partie de sa vie dans la rue, Simon (prénom d’emprunt) risque de se retrouver à nouveau sans-abri d’ici peu. Le jeune homme de 28 ans lance un appel à l’aide et dénonce sa situation via le bouton orange Alertez-nous.
Placé très jeune par le Service de la protection de la jeunesse (SPJ), Simon a passé la plus grande partie de son enfance dans des centres et foyers d’accueil. Ses parents n’étant pas apte à s’occuper de lui, il a grandi seul. "Pour le peu de fois où ils m’ont récupérés, je finissais à la rue juste après", nous confie-t-il.
Dès ses 14 ans, Simon dort dans la rue. À sa majorité, sa mère l’héberge pour lui permettre d'entreprendre les démarches nécessaires pour sortir de la précarité. Elle décède quelques mois plus tard. En deuil et n’ayant pas le courage d’entamer les procédures, le jeune homme retourne dormir dehors.
Un pas en avant
À 22 ans, il réussit finalement à sortir de la rue. "J’ai repris des études et j’ai tout fait pour me battre", explique-t-il. "Encore aujourd’hui, avec le recul, je ne sais pas comment j’ai fait pour m’en sortir. C’est sûrement une question de détermination et d’envie".
L’homme est hébergé chez des amis ou connaissances, et entame des études d’éducateur. Un métier qui, selon lui, l’a choisi : "Ce n’est pas moi qui ai choisi de faire éducateur, c’est venu naturellement à moi. Avec tout ce que j’ai pu connaître dans ma vie, je ne me voyais pas faire autre chose que du social". "Pouvoir aider les autres comme on a pu l’aider à un moment donné", voici sa philosophie de vie.
Simon aide d’ailleurs son père, lui aussi sans-abri, à sortir de la précarité. "Quand j’ai eu l’opportunité de le prendre près de moi et de lui offrir un toit au-dessus de sa tête, je l’ai fait et je ne lui ai pas laissé le choix", affirme-t-il. Depuis un an, ils logent tous les deux chez la maman d’un ami de Simon, qui a été touchée par la situation du garçon.
Malheureusement, ceux-ci devront bientôt déménager. Ils tentent tant bien que mal de trouver un logement, mais c’est un vrai parcours du combattant. "Je n’ai encore jamais eu d’adresse à moi. Aujourd’hui, j’ai 28 ans et ça fait un an que je cherche un appartement. On est deux à vouloir s’en sortir". Selon lui, il existe deux raisons principales pour lesquelles il ne trouve pas de logement : son contrat de travail, jugé trop peu solide, et ses deux bergers allemands.
Deux pas en arrière
Le contrat dont dépend Simon est un contrat "article 60" du CPAS. Il s’agit d’une des aides proposées par le Centre Public d'Aide Sociale, qui permet de travailler au sien même de l’organisation. Le but: bénéficier d’une expérience professionnelle et d’un droit d’accès au chômage.
La durée du contrat correspond exactement au temps nécessaire au bénéficiaire pour toucher son chômage. Il prend ensuite fin lorsque la personne a travaillé le nombre de jours requis pour accéder à ses droits. Simon nous explique : "Les propriétaires sont méfiants parce qu’ils savent que j’ai droit au chômage au bout de 12 mois. Ils ont peur que je ne paye plus mon loyer". Pourtant, avec son père, ils réunissent un peu plus de 3.000 € par mois.
Une situation qui n'étonne pas Arnaud Bilande, coordinateur du Rassemblement Wallon pour le Droit à l’Habitat. "La discrimination au logement des personnes qui bénéficient du CPAS ou qui sont au chômage est la première forme de discrimination. Les propriétaires cherchent des locataires qui ont un CDI et une bonne situation. Les autres se retrouvent en bas de la liste", atteste-t-il.
Et ce n’est pas tout, puisque "quand ils voient mes chiens, c’est un énorme frein", ajoute Simon. Mais est-ce légal de refuser un locataire à cause de son animal de compagnie ? Selon Test achat, "que ce soit en Flandre, en Wallonie ou à Bruxelles, la loi ne mentionne pas si le locataire peut détenir un animal de compagnie, mais il n’est pas dit non plus qu’un propriétaire peut l’interdire".
Dans le contrat de bail, le propriétaire peut cependant noter qu’il n’autorise pas les animaux, si et seulement si les raisons sont justifiées et raisonnables. En effet, il peut indiquer que la présence d’un animal contribuerait potentiellement à la dégradation du bien, mais tout dépend du type de bête.
En plus, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme définit, pour tous les citoyens européens, le droit au respect de la vie privée, familiale, et du domicile. Or, la détention d’animaux de compagnie peut être considérée comme faisant partie de ces droits.
Malgré les démarches effectuées auprès des services de logements sociaux et des propriétaires privés, le jeune homme risque, encore une fois, de se retrouver à la rue. "Il y a une vraie crise du logement. C’est très compliqué d’en trouver un sur le marché privé. Et sur le public, tout est bouché", explique Arnaud Bilande.
Simon ne sait plus quoi faire. "Ce qui est paradoxal, c’est que je travaille pour le CPAS et les personnes sans-abri. Je ne sais pas si c’est par fierté ou par peur de perdre mon travail, mais je n’ose pas aller voir mes chefs pour leur expliquer ma situation. Je risquerais de me retrouver au même endroit, mais en tant que bénéficiaire et plus en tant qu’éducateur", dit-il.
"Me retrouver seul en abri de nuit avec mes deux chiens et toutes les affaires que j’ai accumulées depuis 6 ans, c’est impossible". À bout de force, il n’a aucune famille pour l’aider. Son dernier recours : nous contacter et témoigner.