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L'écrivain franco-algérien de 80 ans, Boualem Sansal, a écopé hier de 5 ans de prison ferme. Un verdict qui, paradoxalement, laisse de l'espoir à sa famille et ses amis. Dans cette affaire, qui est plus politique que judiciaire, un accord entre Emmanuel Macron et le chef de l'État algérien pourrait déboucher sur une grâce présidentielle.
Boualem Sansal est un écrivain, mais aussi un symbole. Il représente un univers en voie de disparition, fait d'intellectuels algériens francophones, survivants d'une colonisation française qui a pris fin en 1962 après 8 ans de guerre. Depuis, les relations entre Paris et Alger sont celles d'un vieux couple de divorcés qui n'arrive pas à tourner la page.
À chaque crise politique ou économique à Alger, c'est la faute de la France. Et quand la délinquance explose dans l'Hexagone, c'est la faute de l'Algérie qui refuse de reprendre ses ressortissants condamnés.
Emmanuel Macron a envenimé les choses le 30 juillet dernier en soutenant la revendication du Maroc sur le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole située le long de la frontière algérienne. Cette question empoisonne la région depuis une cinquantaine d'années : le Maroc revendique ce territoire alors que l'Algérie soutient le mouvement indépendantiste des Sahraouis.
Paris avait jusqu'à présent observé une attitude relativement neutre. La déclaration d'Emmanuel Macron a rendu les Algériens furieux. Et cette colère est retombée en partie sur Boualem Sansal.
Délit extrêmement grave
Le 16 novembre, alors que l'écrivain qui vit désormais en France était retourné dans son pays natal pour régler des questions administratives, il a été arrêté et mis en prison. Une procédure pénale a été ouverte contre lui pour "atteinte à l'unité nationale". Un délit extrêmement grave. En cause, non pas un de ses livres, qui sont en vente libre en Algérie, mais une interview qu'il a donnée à un journal d'extrême droite française dans laquelle il soutenait la position du Maroc et expliquait qu'avant la colonisation française, toute la partie ouest de l'Algérie, y compris la grande ville d'Oran, était marocaine.
Comme l'a écrit un journaliste algérien, ça équivaudrait à dire en France que l'Alsace-Lorraine est allemande et ça se termine par la guerre de 1914. Résultat, le vieil écrivain s'est retrouvé en prison avec impossibilité de recevoir son avocat français. Et le sujet est devenu politico-diplomatique.
En France, les médias de droite reprochaient au gouvernement de ne rien faire pour la libération de Sansal, et organisaient des manifestations en sa faveur. Ce qui envenimait les choses, car avec Alger, Paris doit toujours jouer mezzo voce.
On ne sait pas exactement quelle fut la nature des transactions secrètes. Mais la semaine dernière, le président algérien a dit que son seul interlocuteur était Emmanuel Macron. On y a vu comme une ouverture, et la condamnation hier, relativement clémente de Sansal, en est un signe.
Une grâce présidentielle est désormais possible à l'occasion de la fin du Ramadan, elle mettrait un terme à la crise.
Juste pour l’anecdote, Sansal a grandi à Belcourt, le quartier algérois d’Albert Camus. Auteur de la chute, du Révolté et du Malentendu.