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RN, AfD, Fratelli d’Italia... Les partis d'extrême droites européens ont beaucoup en commun, mais ne sont pas d'accord sur tout

Une tendance ressort clairement des dernières élections européennes : l'extrême droite progresse. C'est le cas dans 14 des 27 pays de l'Union. Tous ces partis ont-ils le même programme et les mêmes priorités ? Au final, qu'ont-ils en commun ?

Déjà bien installée dans certains pays comme la Hongrie et l'Italie, l'extrême droite se rend de plus en plus populaire au travers du Vieux Continent. Le 10 juin, au lendemain des élections européennes, le constat est implacable : 14 pays de l'UE voient leur nombre d'élus d'extrême droite augmenter. C'est le cas en Allemagne, Autriche, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, France, Irlande, Lettonie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Roumanie.

En Italie, en Autriche, en Hongrie, en France et en Belgique, l’extrême droite termine même première du scrutin.

En France, le score historique obtenu par le Rassemblement national a poussé le président Emmanuel Macron à dissoudre l'Assemblée nationale et à convoquer de nouvelles élections législatives. Le résultat du premier tour de celles-ci confirme la tendance amorcée quelques jours plus tôt. 

Les arguments des extrémistes ont trouvé écho chez de très nombreux électeurs. Un argumentaire basé sur la peur et le rejet de l'autre. Cette recette, elle se retrouve de manière générale dans les autres partis d'extrême droite en Europe. Le site allemand de statistique Statista, donne la définition suivante : "Les nombreux partis et mouvements d’extrême-droite du continent européen présentent certes quelques différences, mais partagent tous des traits communs, notamment leur conservatisme social très marqué, leur rejet de l’immigration et leur nationalisme."

Politologue à l’Université de Liège et à HELMo, la Haute École Libre Mosane, François Debras souligne trois éléments, qui sont traditionnellement utilisés pour définir l'extrême droite. 

L'inégalitarisme 

"L'extrême droite va considérer que les individus sont biologiquement différents les uns des autres. Il existerait différentes prétendues 'races', cultures, religions… Ces critères vont déterminer les comportements des gens dans la société et certaines cultures seraient supérieures à d'autres. Le termes 'races' n'est plus directement évoqué aujourd'hui. On va plutôt se concentrer sur des religions ou des cultures, qui sont des termes qui ne sont pas condamnables."

Les extrémistes sont également partisans d'une préférence nationale, quelqu'un d'un groupe "national" sera prioritaire par rapport aux autres. Cela peut mener à une méthode de bouc émissaire, trouver un coupable pour tous les maux. "On utilise tous des boucs émissaires", poursuit François Debras. Il prend l'exemple d'un étudiant qui rate un examen et qui remet la faute sur son professeur. "Là où l’extrême droite diverge, c’est qu’ils utilisent cette logique pour toutes les situations."

"La logique de bouc émissaire peut changer en fonction du groupe d’extrême droite. Par exemple en Hongrie, on va retrouver une logique anti-Roms qui est beaucoup plus forte qu’en France ou en Belgique", ajoute le politologue.

L'expert note également une "défiance envers les groupes LGBTQIA+ ou les groupes de féministes qui remettent en question l’ordre instauré des sexes et des genres".

Et voir des femmes à la tête de ces partis, à l'instar de Marine Le Pen pour le Rassemblement national et Georgia Meloni pour Fratelli d'Italia, ne changerait rien à l'idéologie conservatrice de ces groupes. "Ils conservent un rejet des droits de l’égalité hommes-femmes. Le Rassemblement national s’est soit abstenu soit a voté contre différentes lois ou propositions de loi sur les questions d’égalité salariale et de sensibilisation aux violences sexistes par exemples", précise François Debras. 

Le nationalisme

"On retrouve toujours dans les discours de l'extrême droite un 'nous', qui est pur, contre un 'eux'. Ça fait appel à des logiques de valeurs, d’histoire, etc. Rien ne devrait être au-dessus de la nation. Il y a des critiques de tout ce qui est supérieur à la nation (traités internationaux, conventions internationales). Le cadre de référence, c’est la nation", détaille encore François Debras.

Encore que sur ce point, les opinions peuvent être très différentes d'un parti à l'autre, fussent-ils d'extrême droite. Nous y reviendrons plus loin dans cet article. 

Au niveau européen, cette tendance nationaliste peut s'avérer être un facteur de divergence. "Ce sont des partis qui ont, dans leur ADN, des volontés nationalistes. Au Parlement européen, il faut s’allier avec d’autres partis qui veulent défendre aussi leurs intérêts nationaux", rapporte Awenig Marié, chercheur au Cevipol et à l'ULB. 

Avec l'idée de mettre la nation avant tout, les partis d'extrême droite sont "historiquement en faveur de quitter l'Union européenne", rappelle François Debras. "Ils sont davantage eurosceptiques. Ils veulent donner moins de poids aux instances européennes et davantage aux pouvoirs nationaux", ajoute Awenig Marié. Les deux experts soulignent que cette volonté de quitter l'UE n'a plus le vent en poupe depuis le Brexit. "La mentalité évolue vers une volonté de faire changer l’UE de l’intérieur plutôt que de s’y opposer frontalement", souligne le politologue de l'ULiège et de HELMo. 

Le sécuritarisme

L'aspect de la sécurité est une thématique largement reprise par l'extrême droite. "Ils sont en faveur d’une police et d’une armée plus présentes. Ils veulent plus de contrôle, une justice plus rapide et sévère et avec une logique de peine annoncée = peine purgée. Qu'il n'y ait plus de réduction de peine ou d'arrangement avec la justice", poursuit François Debras dans son analyse.

"Ça peut se traduire aussi par une forme d’autoritarisme. Dans certains cas, on peut l'observer en Pologne ou en Hongrie, il y a une volonté de faire passer le pouvoir exécutif au-dessus des autres, notamment du judiciaire."

Une recette arrivée à maturité ?

Si auparavant les partis d'extrême droite étaient mis au ban de la société, la réalité est devenue toute autre. Ceci peut s'expliquer sur, au moins, deux facteurs. Le premier, c'est une évolution de la communication de ces partis. "On observe que depuis les années '90 et 2000, l’extrême droite colorise positivement son discours avec des termes connotés positivement (écologie, égalité hommes-femmes, laïcité, etc). Sauf que pour l’extrême droite, l’écologie, c’est la production locale pour des acteurs locaux, donc c’est une manière de maquiller le nationalisme", décrypte François Debras.

Une autre source de justification, c'est la progressive dédiabolisation de ces partis. Cela s'est fait avec une communication plus 'douce', comme expliqué, mais également par le biais des autres partis qui se sont inspirés d'idées provenant de l'extrême droite. Pour exemple, les termes de "grand remplacement", de "priorité nationale" et "de programme immigrationniste", sont fréquemment repris dans le débat politique, notamment français, et sont issus de l'extrême droite.

Pas toujours d'accord

Si les partis d'extrême droite prennent plus de place dans les différents pays européens, ils ne sont pas toujours alignés sur les différents thèmes. Le plus marquant est peut-être la politique étrangère. "Il y a des distinctions assez différentes", pointe Awenig Marié. "Le RN a par exemple une position plus complaisante par rapport à la Russie, contrairement au parti polonais PIS (lui aussi d'extême droite, ndlr) au vu des antécédents historiques entre ces deux pays. Fratelli d’Italia, de Georgia Meloni, a une position beaucoup plus 'atlantiste', ils sont nettement plus favorables à l’OTAN et aux États-Unis que le RN", ajoute-t-il. 

Le Rassemblement national français, qui avait contracté un prêt financier auprès de la Russie, aujourd'hui remboursé, a régulièrement affiché sa sympathie à Vladimir Poutine en votant contre les sanctions européennes qui visaient la Russie. "Depuis le début de la guerre en Ukraine, leur comportement a quelque peu changé et ils sont surtout dans l'abstention maintenant", précise encore Awenig Marié.

Autre point de divergence : les mesures économiques. Cela fait écho à ce que nous vous disions plus haut dans cet article, les positions nationalistes de ces partis n'aident pas pour s'entendre alors qu'ils font partie de mêmes familles politiques à l'Europe. "L'AfD (Allemagne), la Ligue du Nord (Italie) et le RN (France) n'ont tous les trois voté pour des mêmes directives et règlements économiques que dans 15 % des cas. Ça veut dire que dans 85 % des cas, ils ne votaient pas la même chose", rapporte le chercheur au Cevipol et à l'ULB.

Des idées, pas une fatalité

Pour conclure, François Debras note que si certaines idées sont reprises par l'extrême droite, les partager ne fait pas de vous des personnes d'extrême droite pour autant, c'est la combinaison des trois qui permet la définition. "Par exemple, une partie de l’argumentation de l’extrême droite se base sur le nationalisme, mais être nationaliste ne fait pas de vous systématiquement une personne d’extrême droite. L’extrême droite est pour un renforcement policier, mais être pour un renforcement policier ne fait pas de vous systématiquement une personne d’extrême droite."

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