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Devenir propriétaire de son habitation est un rêve qui devient de plus en plus difficile à réaliser pour les Belges. Face à l'augmentation constante des prix, les candidats acheteurs doivent trouver des solutions ou renoncer à leur rêve.
Un bon exemple vaut mieux qu'un long discours : en 1993, avec un salaire moyen, si vous consacriez tout votre salaire à l'achat d'une maison moyenne, il vous aurait fallu travailler pendant 6 ans et trois mois pour vous l'offrir. En 2023, c'est le double de temps qu'il vous faudra pour acquérir cette même maison.
L'exemple est encore plus frappant pour les appartements. Il y a 30 ans, ce logement représentait deux ans et demi de travail. Aujourd'hui, il vaut 11 ans et 3 mois de salaire. Le ratio a donc plus que quadruplé.
"Il faut faire des concessions", regrettait Augustin, un jeune acheteur que nous avions rencontré.
L'appel aux parents de plus en plus indispensable
Face à cette réalité implacable, les jeunes acheteurs, et ceux dont le portefeuille est le plus démuni, se retrouvent bien limités dans leurs possibilités d'achat. Une solution parmi d'autres, mais pas accessibles à tous non plus : demander de l'aide aux parents.
En fin d'année 2023, notre grand baromètre RTL info Ipsos Le Soir révélait que la majorité des Belges pensent que les jeunes ne peuvent plus acheter de bien immobilier sans l'aide de leurs parents. Un avis que partagent 76 % des Wallons et 71 % des Bruxellois.
"On le voit très bien dans les visites", constate d'ailleurs Christophe Hendrix, directeur d'une agence immobilière. "La belle-mère donne son avis, le père donne son avis. Parfois, ils participent aux négociations et ils assistent les jeunes parce que les fonds propres doivent être présents."
Le type de biens convoités évolue aussi. Au fil des années, les jeunes acheteurs se tournent davantage vers des habitations plus petites et/ou moins bien isolées, qui sont donc moins chères.
Vers une crise du logement ?
Les Belges sont aussi d'accord en majorité pour dire que les banques doivent diminuer les critères d'apport de fonds propres. C'est le cas pour 65 % et des Wallons et pour 60 % des Bruxellois.
Actuellement, pour un bien estimé à 350.000 euros, "on peut partir sur une enveloppe de 80.000 euros de fonds propres", détaille le notaire Edouard-Jean Navez. "C'est une somme conséquente que beaucoup de jeunes n'ont pas", reconnaît-il.
Lorsque l'aide de la famille (ou une autre solution) n'est pas possible, les jeunes préfèrent repousser leur achat ou jettent leur dévolu sur une bâtisse à rénover. Une pratique moins coûteuse.
En conséquence de toute cette situation, l'âge moyen du primo acquérant n'a jamais été aussi élevé : 34 ans. Il y a une quinzaine d'années, cet âge était de 28 ans. En ce sens, plusieurs experts du marché du logement ont publié une lettre ouverte pour dénoncer la situation. Selon eux, trouver un toit à des prix abordables sera de plus en plus compliqué. "Le constat est sans appel : nous nous dirigeons vers une crise du logement sans précédent", alertent-ils. En 2019, sept ménages wallons sur dix pouvaient acquérir un bien à 240 000 euros. Aujourd'hui, ce même bien coûte 312 000 euros. Seuls quatre ménages sur dix peuvent l'acheter.
"Ça veut dire qu'on a une diminution de l'accessibilité à la propriété de 30 %. Ça s'explique comment ? L'augmentation des matériaux de la construction, l'augmentation des taux d'intérêt qui est aussi extrêmement importante et aussi la difficulté d'obtenir des crédits hypothécaires aujourd'hui avec les banques qui resserrent un peu les vis derrière", analyse Hugues Kempeneers, directeur général d'Embuild Wallonie.
En attendant de pouvoir procéder à l'achat ou faute de pouvoir le faire un jour, les jeunes se tournent de plus en plus vers les locations. "Il y a de plus en plus de locataires", constate Thibaut Techy, agent immobilier. "Les gens se tournent vers une location en se disant qu'ils vont la garder pendant quelques années avant de peut-être se rediriger vers un achat".
Moins d'acheteurs, mais une demande qui augmente pour les locations, les tarifs de ces dernières s'en trouvent dopés. Dans la capitale, les loyers ont augmenté de plus de 8 % en 2023. Par exemple, pour louer un appartement à Bruxelles, il faut compter en moyenne 1.200 euros par mois. Pour diminuer les frais, les jeunes sont de plus en plus nombreux à se tourner vers la collocation.
Sans changement favorable de la situation, les signataires de la lettre ouverte craignent pour l'avenir de certains publics comme les jeunes, les célibataires, les personnes âgées ou encore les ménages déjà précarisés.