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Romain (nom d’emprunt) nous a contactés via le bouton orange "Alertez-nous". Depuis janvier, ce jeune étudiant en psychologie travaille dans un Delhaize. Alors que tout semblait bien se passer, il s'est retrouvé sans nouvelles de son employeur, malgré un contrat signé jusqu’en juin. Quelles sont les règles qui encadrent la rupture des contrats étudiants?
Romain (nom d’emprunt) et sa petite copine Lucie (nom d’emprunt), sont à la recherche d’un job étudiant afin d’arrondir leur fin de mois. La jeune fille décide de poster une annonce sur son Facebook. “J’ai demandé à mes amis s’ils connaissaient un endroit qui recherchait des étudiants”, explique-t-elle. Rapidement, l’une de leurs connaissances leur parle du Proxy Delhaize de Nimy, à Mons. "On nous a dit qu’il manquait d’étudiants là-bas", se souvient l’étudiante en psychologie. Le jeune couple décide donc d’aller déposer un CV ainsi qu’une lettre de motivation le soir même.
Quelques semaines plus tard, Romain et Lucie sont recontactés via WhatsApp par la patronne de l’établissement. "On nous a dit qu’on était pris, sans même avoir passé un entretien ou rencontré qui que ce soit", s’étonne le couple. Lors de leur premier jour, ils ne rencontrent pas la gérante. "J’ai dû donner mon contrat à l’une des employées car elle n’était pas là", se remémore Lucie. Comme tous les contrats étudiants, les trois premiers jours de travail sont considérés comme une période d’essai. "On m’a mise à la caisse avec à peine quelques explications, ce n’était pas vraiment une période d’essai", se désole l’étudiante.
Après leur période d’essai de 3 jours, les deux jeunes restent sans nouvelles. "On ne nous a pas dit si on était pris ou pas. C’est seulement en consultant l’horaire qu’on a compris que c’était bon", explique-t-elle. Autre constat surprenant, Lucie et Romain n’ont jamais reçu leur contrat signé. "Nous, on l’a signé, mais on n’a pas en notre possession le contrat signé par l’employeur", s’inquiète le couple.
Nous n'avons jamais reçu le contrat signé
Néanmoins, ils ont bien été payés pour les jours prestés. "On m’a dit que ce n’était pas parce qu’on ne l’avait pas reçu qu’il n’avait pas été signé. Mais c’est justement ça le problème. On n’a même pas de preuve", s’indigne-t-elle. Même constat du côté de son petit ami, le contrat n’a jamais été signé. "J’ai bien signé mon contrat, mais je n’ai jamais reçu l’exemplaire signé par l’employeur", ajoute Romain.
Pourtant, il s’agit d’une obligation de l’employeur. Selon Infor Jeunes. "Le contrat écrit doit être signé au plus tard au moment où l’étudiant commence à travailler. Une copie signée doit être envoyée à l’étudiant. Si ce n’est pas le cas, ce dernier peut exiger son exemplaire." L'organisme ajoute : "L’absence de contrat signé peut être une infraction aux obligations de l’employeur." Une information complétée sur le site du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale : "Si le contrat n’est pas écrit ou ne contient pas toutes les mentions obligatoires, (...) différents types de sanctions sont prévues."
Une mauvaise expérience
Rapidement, l’expérience de ce premier job étudiant tourne au cauchemar pour Lucie. "Dès le début, cette situation me mettait mal à l’aise et plusieurs éléments ont fait que je ne m’y suis vraiment pas sentie bien", confie-t-elle. En effet, lors de ses premiers jours, la jeune fille est stressée à l’idée de travailler seule. "J’avais peur de faire des erreurs ou de ne pas savoir répondre aux clients", avoue Lucie. Pourtant, l’étudiante est rapidement laissée à elle-même. "Ma collègue m’a laissée pour aller s’occuper de papiers dans le bureau. Quand je suis allée la voir pour lui poser une question, j’ai découvert qu’elle était en train de discuter avec une copine", s’indigne-t-elle.
Pour Lucie, c’est la goutte de trop. "J’ai décidé de démissionner. Il y a un manque de professionnalisme et de bienveillance envers les étudiants. Pour moi, ce n’est pas acceptable", soutient la jeune fille. L’étudiante ne digère toujours pas la situation. "Après tout ça, je me suis rendue compte qu’il manquait un jour dans ma paie. J’ai dû courir après la patronne et prouver que j’avais bien travaillé ce jour-là", déplore la jeune fille.
Silence radio
Son petit ami, Romain, décide de poursuivre l’aventure. "Je n’ai pas eu de problème personnellement, donc j’ai décidé de rester", explique-t-il. Mais très vite, le jeune homme se retrouve sans nouvelles de son employeur. "Je n’ai plus reçu mon horaire", indique l’étudiant. Malgré plusieurs relances, Romain reste sans nouvelles. L’étudiant demande alors des explications. "Quand j’ai demandé ce qui se passait, on m’a dit qu’ils n’allaient pas demander à des employés de prendre congé pour pouvoir donner des jours aux étudiants", s’offusque-t-il. Une situation qu’il considère comme mensongère. "Ce n’est même pas vrai. Je suis passé devant. Ce sont des nouveaux étudiants qui y travaillent", révèle Romain.
Pourtant, l’étudiant a signé un contrat de 6 mois au sein du Delhaize. "C’est un contrat étudiant qui a commencé le 18 janvier et qui doit se terminer le 30 juin. La durée de travail est également fixée à 7,50 heures par semaine", indique l’étudiant. Par ailleurs, le contrat précise que l’horaire de travail peut être variable et doit être communiqué selon les modalités prévues dans le règlement de travail. "Je n’ai jamais reçu ce règlement, on ne me l’a jamais montré", s’indigne-t-il. Il ajoute. "J’ai l’impression qu’ils veulent se venger du fait que ma copine ait démissionné."
Contactée, la porte-parole de Delhaize, Karima Ghozzi, précise: "Les contrats de nos collaborateurs, quels qu’ils soient, sont gérés par nos affiliés eux-mêmes." Elle ajoute : "Depuis que nous avons franchisé plusieurs magasins, nous relevons seulement 2 cas semblables."
Quant à la situation de Romain, la porte-parole a pu s’entretenir avec la gérante du Delhaize en question. "Notre affiliée affirme que le contrat signé se trouvait à disposition de l’étudiant, dans la farde du personnel ", certifie Karima Ghozzi. "Le règlement quant à lui est à disposition de tout le monde dans le réfectoire", mentionne la gérante. En effet, le règlement doit être accessible pour le travailleur dès son entrée en fonction. "L’employeur peut lui remettre un exemplaire, mais il peut également l’afficher dans l’entreprise", précise Infor Jeunes.
Les règles de rupture d'un contrat étudiant
La patronne confirme néanmoins les accusations du jeune. "Il est vrai que l’étudiant en question a reçu moins d’heures, mais c’est simplement parce que ses disponibilités ne coïncident pas avec les besoins", explique-t-elle. De plus, la gérante confie que Romain annulait régulièrement ses shifts à la dernière minute et avait peu de disponibilités. "Pour des questions d’organisation, cela devenait vraiment compliqué. Nous avons trouvé des étudiants plus disponibles et plus flexibles que Romain", ajoute-t-elle.
Mais alors, un employeur peut-il cesser d’attribuer des heures à un étudiant sans rompre formellement son contrat ?
Pour Infor Jeunes, "Si l’employeur a rompu le contrat de façon abusive en cessant de donner des heures tout en engageant d’autres étudiants, cela pourrait être considéré comme une rupture irrégulière." En effet, un contrat étudiant est soumis aux mêmes règles qu’un contrat de travail classique. Le contrat étudiant doit également être conclu pour une durée déterminée et peut donc prendre automatiquement fin à la fin de l’échéance du terme convenu.
Il existe deux situations pour rompre un contrat de manière anticipée. Durant la période d’essai, le travailleur et l’employeur peuvent rompre le contrat sans préavis ni indemnité. Après cette période, les délais de préavis sont fixés par la loi.
Durée du contrat | Préavis de l’employeur | Préavis de l’étudiant |
---|---|---|
Jusqu’à 1 mois | 3 jours | 1 jour |
Plus d’1 mois | 7 jours | 3 jours |
Infor Jeunes mentionne que plusieurs recours existent si l’employeur ne répond pas aux sollicitations de l’étudiant. "Il peut tout d’abord écrire une mise en demeure en demandant le respect du contrat et l’envoi d’horaires clairs", énonce l'association. L’étudiant peut également se tourner vers des syndicats étudiants ou vers le contrôle des lois sociales du SPF Emploi, Travail et Concertation Sociale.
Entre-temps, Romain a décidé de contacter un secrétariat social afin de faire part des problèmes rencontrés. La direction de Delhaize ainsi que les ressources humaines ont été mises en copie. Depuis, son contrat de travail a été rompu conformément aux normes en vigueur et il a pu toucher les indemnités auxquelles il avait droit.