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Faut-il limiter les écrans auprès des jeunes ? Le psychopédagogue Bruno Humbeek , directeur de recherche au sein du service des Sciences de la Famille de l’Université de Mons, a répondu aux questions de Caroline Fontenoy pour Capital santé.
EN DEUX MOTS :
- Les smartphones captent notre attention en permanence, changeant nos habitudes depuis leur démocratisation en 2010 et devenant omniprésents dans nos vies.
- Le scroll est devenu un réflexe incontrôlé, alimenté par des contenus personnalisés qui exploitent les failles de notre cerveau.
- Pour retrouver le contrôle, il faut imposer des règles claires d’usage, favoriser des moments sans écrans et encourager l'autodiscipline dès le plus jeune âge.
Ils sont devenus des objets indispensables de notre quotidien. Les smartphones occupent une place considérable dans nos vies, là où ils existaient à peine il y a 20 ans. Mais comment ont-ils fait pour ainsi s'imposer à nous? Pour tenter de répondre à cette question, Caroline Fontenoy a accueilli Bruno Humbeek, psychopédagogue, dans son magazine Capital santé.
Enfant comme adulte, il est facile désormais de passer une heure, deux heures voire plus devant notre smartphone sans voir passer le temps. "Le problème est devenu majeur à partir de 2010 quand on a vu apparaître ces petits couteaux suisses, ces smartphones, qui paraissaient au début anodins", souligne le chercheur. "On se disait 'C'est génial, on peut faire des photos, les stocker, discuter avec nos copains, recevoir ses mails..." Mais l'utilisation a changé. "Les entreprises ont utilisé ces plateformes pour capitaliser ce qui est leur objet de commerce principal: l'attention humaine", explique Bruno Humbeek. C'est à partir de ce moment-là que la société a eu "beaucoup de mal à se défaire de ce capteur d'attention permanent qui nous suit partout", alors qu'auparavant, les écrans restaient à la maison.
Mais que se passe-t-il dans le cerveau lorsque l'on scrolle? Si l'on pensait utiliser notre smartphone pendant quelques minutes, il arrive bien souvent de passer beaucoup plus de temps à l'utiliser. "Dans un ascenseur par exemple, les personnes qui ont un portable vont tout de suite se mettre à scroller", par automatisme cérébral, selon l'explication de Bruno Humbeek. "On ne réfléchit pas, on se met à scroller, tout simplement parce que des entreprises captent notre attention. Si vous aimez les petits chats qui dansent, vous aurez des petits chats qui dansent, et vous allez continuer à regarder. C'est la seule activité humaine qui n'a pas de début et pas de fin, et on ne sait pas la limiter de manière spontanée, il va falloir utiliser des mécanismes cérébraux pour le faire", autrement dit s'imposer une discipline.
Quelques conseils pour limiter l'utilisation
- Rationnaliser l'usage. Pour Bruno Humbeek, il est crucial de poser deux questions avant d'utiliser son smartphone : "Pourquoi est-ce que je vais sur cet écran ?" et "Combien de temps je compte l'utiliser ?". Une fois la durée fixée, il faut s'y tenir strictement.
- Éviter l'utilisation nocturne. "Ce n'est pas stopper le portable, c'est ne pas le prendre dans la pièce dans laquelle vous allez dormir." Même éteint, le cerveau reste en alerte près d'un smartphone.
- Créer des espaces et des temps sans écran. Il est essentiel d’avoir des moments de déconnexion, notamment lors des repas en famille ou en forêt. "Si vous prenez un portable avec vous, le cerveau se met automatiquement en position de vigilance."
- Encourager l'autodiscipline dès le plus jeune âge. L'autorégulation est accessible dès le plus jeune âge, à condition d'établir des règles claires. "Le temps familial est un temps négocié : si on décide en famille pas de portable à table, alors papa et maman n'ont pas de portable non plus."
- Limiter l'usage des écrans à l'école. L'interdiction des smartphones récréatifs à l'école est une mesure nécessaire, selon l'invité de Caroline Fontenoy, pour permettre aux enseignants de capter l'attention des élèves. "Un enseignant avait face à lui un concurrent absolu qui mobilisait l'attention de ses élèves."
- Trouver un équilibre. Le smartphone ne doit pas être diabolisé mais maîtrisé. "Il ne faut pas en faire un ennemi, mais un ami qui doit attendre qu'on l'invite."