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Toute cette semaine, RTL info revient sur les problématiques majeures dans les communes wallonnes et bruxelloises. Nous avons analysé les propos tenus par vos bourgmestres durant les "48h des bourgmestres." Le logement est l’une des cinq thématiques récurrentes. L'occasion de s'interroger sur la crise du logement que traverse actuellement la Belgique et sur ses mécanismes.
La Belgique fait face à une crise du logement majeure, qui touche toutes ses régions et pèse particulièrement sur les ménages les plus fragiles. Les files d’attente pour un logement social s’allongent, tandis que les prix de l’immobilier ont explosé ces 10 dernières années, rendant l'accès à la propriété de plus en plus difficile.
À Dison, malgré des efforts pour respecter les obligations en matière de logements sociaux, la demande reste largement supérieure à l'offre. À Chapelle-lez-Herlaimont, un projet de 66 logements sociaux, dont certains adaptés aux personnes âgées et à mobilité réduite, a été réalisé. De son côté, la commune d'Ottignies-Louvain-la-Neuve tente de maintenir un taux de 10 % de logements publics pour faire face à la demande croissante, soit un chiffre bien au-dessus de la moyenne régionale.
Pénurie de logements sociaux
Dans les trois régions du pays, les listes d'attente pour les logements sociaux s'allongent de manière préoccupante. À Bruxelles, ce sont plus de 52 000 ménages qui patientent, tandis qu'en Flandre et en Wallonie, les chiffres atteignent respectivement 176 000 et 98 000 personnes. Cette pénurie est d'autant plus criante que le parc de logements sociaux reste insuffisant, ne représentant que 7 % du parc immobilier à Bruxelles et 6,5 % en Wallonie.
"Il y a en effet une demande importante en matière de logements", reconnaît Daniel Pollin, porte-parole de la Société Wallonne du Logement. "Près de 43 000 ménages sont en attente d’un logement public en Wallonie." Avec environ 100 000 logements publics disponibles, le "taux de rotation" reste malgré tout très faible : "Chaque année, un peu plus de cinq ménages sur 100 quittent leur logement public", explique-t-il. "Il y a donc un manque de logements publics en Wallonie puisque l'offre ne rencontre pas la demande." Pour autant, la situation en Wallonie, bien que préoccupante, "n'est pas très différente de celle observée ailleurs en Europe", nuance-t-il.
Cette demande croissante s'explique par plusieurs facteurs, notamment la vulnérabilité économique de certains ménages et le resserrement des conditions d'accès aux prêts immobiliers. "Aujourd'hui, il est plus difficile d’obtenir un prêt à la banque pour acheter un logement, ce qui pousse ces ménages à se tourner vers la location, que ce soit dans le secteur privé ou public." Cependant, la location privée souffre aussi d'une inflation marquée, alors que "le loyer moyen dans un logement public est de 329 euros, bien inférieur à celui du privé."
Malgré ces difficultés, la situation tend peu à peu à s'améliorer en Belgique, puisque "les banques commencent à desserrer leurs conditions d’octroi de prêts", explique-t-il, citant l'exemple de la France, où des mesures similaires ont déjà été prises. En outre, d'autres solutions existent, à l'image de la réduction des droits d'enregistrement prévue pour 2025 en Wallonie, qui devrait faciliter l'accès à la propriété. "C'est l'objectif visé par le gouvernement", affirme-t-il.
Pour le porte-parole de la Société Wallonne du Logement, la problématique du logement public est avant tout une question d'engagement politique. "La plupart des logements publics sont financés par de l'argent public, ce qui nécessite des moyens colossaux pour répondre à la demande. Les gouvernements successifs, qu’ils soient de gauche ou de droite, ont choisi de concentrer leurs investissements sur la rénovation des bâtiments existants pour les rendre conformes aux normes énergétiques et environnementales."
En moyenne, 350 nouveaux logements sociaux sont créés chaque année, ce qui ne permet pas de combler la demande
S'il existe également des moyens alloués à la création de nouveaux logements, ceux-ci sont "moins importants", admet Daniel Pollin. "En moyenne, 350 nouveaux logements sociaux sont créés chaque année, ce qui ne permet pas de combler la demande."
En Wallonie, 78 % des bâtiments ont plus de 42 ans ; à Bruxelles, ce chiffre atteint 93 %, tandis qu'en Flandre, 66 % des bâtiments dépassent cet âge. Or, selon les obligations européennes, d'ici 2050, tous les bâtiments devront atteindre la neutralité carbone. "De manière générale, les habitations construites avant les années 80 sont de véritables passoires énergétiques. La majorité des logements privés nécessitent des investissements considérables pour être mis aux normes, des travaux que de nombreux propriétaires ne peuvent envisager faute de moyens", prévient-il.
225 000 logements supplémentaires d'ici 2030
Du côté d'Embuil, la fédération belge de la construction, on souhaite mettre en garde sur la nécessité de créer de nouveaux logements en Belgique d'ici 2030. "Il faudra 225 000 logements supplémentaires entre maintenant et 2030 pour répondre à la demande", prévient Sven Nouten, porte-parole d'Embuil. "Si rien n'est fait, la Belgique risque de faire face à une pénurie de logements. Cela dépend des ménages, mais aussi des communes et des villes." Selon lui, la solution ne repose pas uniquement sur de nouvelles constructions : "Cela peut aussi être des réaménagements, ou encore la démolition d'une maison pour en reconstruire deux ou trois à sa place."
Le porte-parole souligne une évolution sociologique qui contribue largement à cette crise. "Beaucoup de personnes vivent seules, il y a de plus en plus de familles monoparentales et de personnes âgées qui restent à domicile, se faisant soigner chez elles", précise-t-il. En outre, la population belge continue d'augmenter, avec une projection de 1,2 million d'habitants supplémentaires d'ici 2060. "Il faudra leur trouver des logements", insiste-t-il.
Comme dans de nombreux pays européens, la Belgique possède un parc immobilier comportant de nombreux logements vides. Selon une estimation révélée dans une étude de l'Université de Liège, la Wallonie compte ainsi plus de 100 000 logements inoccupés sur son territoire. À Bruxelles, d’après une étude menée par des chercheurs de l'ULB et la VUB, on compterait entre 17 000 et 26 400 "logements présumés inoccupés." Par ailleurs, les espaces vacants sur le territoire bruxellois représenteraient environ 6,5 millions de mètres carrés.
Les taux hypothécaires sont passés de 1 % à 3,5 % entre 2022 et 2023, ce qui augmente considérablement le coût d'achat ou de construction
Une autre raison de cette crise du logement réside dans la hausse des prix de l'immobilier. Une inflation qui s'explique par trois facteurs : "Les taux hypothécaires sont passés de 1 % à 3,5 % entre 2022 et 2023, ce qui augmente considérablement le coût d'achat ou de construction", détaille Sven Nouten. Ensuite, la guerre en Ukraine et la crise énergétique ont provoqué une flambée des prix des matériaux de construction : "En deux ans, entre 2021 et 2023, les prix des matériaux ont augmenté de 35 % en moyenne." Enfin, l'indexation des salaires, avec "une hausse de 10 % en 2023", a également contribué à alourdir les coûts de l'immobilier.
Dès lors, ces prix vont-ils se stabiliser ? "On ne sait pas vraiment. Il suffit d'un événement international comme on l'a vu avec la guerre en Ukraine pour que cela ait une influence sur les prix. Mais si tout reste comme aujourd'hui, les prix devraient se maintenir à un niveau stable", estime-t-il.
En mai dernier, plusieurs experts issus des secteurs du logement privé et social ont publié une lettre ouverte pour tirer la sonnette d'alarme. Selon eux, trouver un toit à des prix abordables sera de plus en plus compliqué. En 2019, 7 ménages wallons sur 10 pouvaient acquérir un bien à 240 000 euros. Aujourd'hui, ce même bien coûte 312 000 euros. Seuls 4 ménages sur 10 peuvent l'acheter, ce qui représente une diminution de l'accès à la propriété de 30 %.
Retrouvez l'intervention de votre bourgmestre en intégralité sur cette page dédiée au "48h des bourgmestre."