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Sarah Klawinski, sage-femme spécialisée dans le deuil périnatal, partage son expérience personnelle de cinq interruptions naturelles de grossesse. Elle souhaite sensibiliser et aider à libérer la parole sur ce sujet encore trop souvent tabou.
Sarah est sage-femme, elle a décidé de se "spécialiser dans l'accompagnement du deuil périnatal". Aujourd'hui, elle nous livre son témoignage.
"J'ai écrit tout récemment un livre sur ce sujet. J'ai choisi cette voie car j'étais bouleversée par le manque de lien et de proximité entre les professionnels de la santé et les parents en deuil, ce que j'ai pu observer durant mes études. "
Ce qui était initialement un choix professionnel est devenu un chemin de vie plus personnel pour Sarah lorsqu'elle a été confrontée à la perte de ses propres bébés. Cinq fois, elle a vécu ce drame qui marque une vie.
Un choc, puis la colère
"Les premières fois, c'était le choc et la sidération, car je ne m'y attendais pas. Les fois suivantes, c'était de la colère : pourquoi encore ? Qu'est-ce que je fais de travers ? Pourquoi moi ? "
Pour Sarah, les premières grossesses étaient particulièrement bouleversantes, découvrant qu'elle était enceinte uniquement à l'instant même où son corps rejetait la grossesse.
"J'ai toujours voulu être maman, et je me suis longtemps sentie coupable de ne pas avoir pu accueillir ces bébés dans mon corps . Pendant longtemps, je me suis demandé si je n'étais pas responsable du fait qu'ils étaient partis. Bien que je sache, d'un point de vue scientifique, que cela ne pouvait être de ma faute, dans le cœur d'une mère, c'est différent. "
Le parcours de la PMA
Les deux dernières grossesses de Sarah étaient le fruit de la procréation médicalement assistée (PMA). Si la première tentative s'est arrêtée au tout début, la deuxième a été plus difficile encore.
"Le cœur de mon bébé s'est arrêté à neuf semaines de grossesse. À ce moment précis, je l'ai senti. J'étais figée, et je savais que quelque chose s'était éteint en moi. Cette sensation a été confirmée le lendemain lors de l'échographie."
Le pouvoir de la parole et du soutien
Pour Sarah, ce qui l'a aidée à aller mieux, c'était de pouvoir en parler. "Pour les deux dernières grossesses, dès que j'ai su que j'étais enceinte, je l'ai dit à mes proches. J'avais peur que ces grossesses s'interrompent à nouveau, mais je savais que si cela arrivait, je ne serais pas seule pour traverser cette épreuve."
Ils n'évoquent plus ces bébés, comme s'ils n'avaient jamais existé
Les trois premières pertes, en revanche, Sarah les a vécues en silence. "J'ai pensé que, puisque le bébé était parti, il était inutile d'en parler"
Sarah partage également l'importance du soutien de ses proches : "Ils m'ont apporté à manger, ils sont passés à la maison, m'ont emmenée faire un tour, manger à l'extérieur, reprendre une vie normale. Cela m'a fait un bien immense. J'avais besoin qu'ils soient là, sans pitié ni apitoiement, juste présents."
Un message pour les proches
Elle insiste sur la difficulté que peuvent ressentir les proches face au deuil périnatal, souvent mal à l'aise, ne sachant pas comment réagir. "C'est quelque chose que je vois beaucoup dans mes accompagnements. Les parents me disent souvent que leurs proches n'évoquent plus ces bébés, comme s'ils n'avaient jamais existé, alors qu'eux continuent de porter la tristesse de leur perte."
Sarah conclut avec un message fort : "Osez parler, posez des questions. Demandez ce qui est bien pour ces parents endeuillés, ce dont ils ont besoin. Cela fait du bien d'être entendu, d'être écouté, et qu'une place soit faite à ces bébés perdus dans nos vies."
Avec son témoignage, Sarah Klawinski nous rappelle que chaque histoire, chaque bébé, même s'il n'est resté que quelques semaines, a une place, et que le deuil périnatal n'est pas à vivre en silence. Parler de ces épreuves, partager la douleur et le souvenir de ces bébés, c'est aussi une manière de leur rendre hommage.