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De Michel Platini, on a longtemps retenu ses coups francs lumineux ou ses réformes à l'UEFA. Mais déboires et affaires ont troublé l'image du triple Ballon d'Or sur la grande scène du football mondial, jusqu'à un premier acquittement vendredi devant la justice suisse.
Quand le 29 juillet 2015, Platini - alors président de l'UEFA - annonce être candidat à l'élection pour la présidence de la Fifa, il est donné grand favori.
Coup de théâtre: il est bientôt rattrapé par ce fameux paiement de 1,8 million d'euros de Sepp Blatter, président de la Fifa, au Français en 2011 pour un travail de conseiller achevé en 2002, sans contrat écrit prévoyant une telle somme.
Les deux hommes sont suspendus par la Fifa, perdent leurs postes et, après six ans d'enquête, seront renvoyés pour "escroquerie" devant un tribunal pénal suisse, à Bellinzone, où leur procès a eu lieu en juin.
Mais la justice s'est enfin prononcée vendredi et Platini (67 ans) et Blatter ont été acquittés.
Un immense soulagement pour l'ancien meneur de jeu des Bleus, qui vit aujourd'hui à Cassis (Bouches-du-Rhônes) retiré du monde du football mais reste combatif sur le plan judiciaire pour tenter de laver son image.
"Croyez-moi, passer à l'âge de 65 ans au statut de paria est très difficile à vivre, surtout lorsque cela vous tombe dessus de manière totalement injuste", a réagi Platini vendredi dans un communiqué.
- Trajectoire longtemps linéaire -
Il compte poursuivre son "combat contre l'injustice" dans d'autres dossiers, comme celui de l'attribution du Mondial-2022 au Qatar.
En octobre 2015, Sepp Blatter avait évoqué une "interférence gouvernementale de Nicolas Sarkozy", alors président de la République, qui aurait entraîné une volte-face de Platini pour voter en décembre 2010 en faveur de la candidature qatarienne.
Le Français sera placé en garde à vue en juin 2019 mais aucune charge n'a pour l'instant été retenue contre lui dans les investigations menées depuis 2016 par le Parquet national financier (PNF) pour "corruption privée", "association de malfaiteurs", "trafic d'influence et recel de trafic d'influence".
Quoi qu'il en soit, ces affaires ont terni l'aura de ce petit-fils de modestes immigrés italiens dont la trajectoire fut longtemps linéaire.
Et spectaculaire, de son enfance à Joeuf (est de la France) à la présidence de l'UEFA décrochée en 2007, en passant par la gloire avec la Juventus Turin, la victoire à l'Euro-1984 et trois Ballons d'Or, record pour un Français (1983, 1984, 1985), ou encore le Mondial-1998 en France dont il fut l'un des grands ordonnateurs. Seul bémol, un bilan mitigé en tant que sélectionneur de l'équipe de France de 1988 à 1992.
Même la tragédie du stade du Heysel, qui avait fait 39 morts le 29 mai 1985 à Bruxelles, n'avait pas entamé son amour du football. Platini avait joué et gagné la finale de la Coupe d'Europe des clubs champions contre Liverpool (1-0) juste après les scènes d'horreur, mais confié que cette finale ne l'avait "pas quitté" depuis.
- Légèreté -
Ses amis assurent que l'homme, marié depuis 44 ans, père de deux enfants et grand-père de trois petits-enfants, n'a jamais changé.
Seule la tignasse bouclée s'est clairsemée, blanchie, et un embonpoint de notable a alourdi sa silhouette. Tout en étant à l'origine de nombreuses réformes majeures à l'UEFA, comme l'introduction du "Fair-play financier" pour réguler les finances des clubs, "Platoche" - surnom qu'il déteste - a aussi conservé son côté potache, voire chambreur.
"Ce n'est pas parce que tu as tiré les boules que tu peux représenter la Fifa", a-t-il ainsi taclé l'actuel président de la Fifa, Gianni Infantino, qui fut son N.2 à l'UEFA et longtemps préposé aux tirages au sort en mondiovision.
Reste que cette affaire du paiement controversé a mis au jour une certaine légèreté dans son rapport à l'argent. A la barre en Suisse, il a raconté en ces termes la genèse du contrat avec Blatter: "Sepp m'a dit +un million de quoi ?+. Et moi, pour rigoler, j'ai dit +des pesetas, des lires, des roubles, des marks, c'est toi qui décides+. Il m'a dit: +OK, un million de francs suisses+", a raconté l'ex-capitaine des Bleus d'un ton espiègle, se disant pas très "concerné par l'argent".
A Saint-Etienne déjà, où il a été sacré champion de France (1981) après avoir remporté la Coupe de France avec Nancy (1978), son nom avait déjà été au coeur de l'affaire de la caisse noire qui servait à payer les salaires des meilleurs joueurs.
Platini fut aussi cité dans les "Panama Papers", grande enquête sur les paradis fiscaux. Il avait alors fait savoir à l'AFP "que l'intégralité de ses comptes et avoirs (étaient) connus de l'administration fiscale suisse".
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