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Dans son 12ᵉ roman, Les Renaissances, Agnès Martin-Lugand explore les zones de flou entre fiction et réalité à travers le personnage de Rebecca, une romancière en panne d’inspiration. Une œuvre miroir dans laquelle l’autrice confie s’être laissée littéralement "habitée" par ses personnages.
Agnès Martin-Lugand est l’une des romancières préférées des lecteurs francophones, avec plus de 5 millions de livres vendus. Son nouveau roman, Les Renaissances, n’est pas un livre comme les autres. C’est une plongée dans le doute, l’amour, la reconstruction… et surtout dans l’écriture elle-même. Car avec ce récit, l’autrice dit avoir franchi une frontière qu’elle s’était toujours promis de ne pas traverser : celle d’écrire sur une romancière.
"Rebecca m’est tombée dessus", confie-t-elle. "Je m’étais promis de ne jamais écrire sur une romancière ou un romancier, et là, non seulement je l’ai fait, mais j’ai aussi poussé le curseur plus loin en en faisant une ancienne psychologue, comme moi."
Une écriture "à quatre mains"
Ce qui rend "Les Renaissances" si particulier dans le parcours d’Agnès Martin-Lugand, c’est ce lien presque organique avec son héroïne. "C’était un jeu de miroirs permanent. J’ai rencontré mon double, mon double d’écriture. Et une fois qu’elle est née, je savais que je ne pourrais plus m’en détacher". Une relation fusionnelle qui a profondément transformé sa manière d’écrire. "Rebecca n’écrit pas comme moi. Je n’écris pas comme Rebecca. J’ai dû chercher un autre style, adopter une voix qui n’était pas la mienne. C’était comme une écriture à quatre mains".
Un processus bouleversant, jalonné de doutes. "J’ai cru très longtemps ne pas réussir à aller au bout. Et puis, quand j’ai mis le point final, j’ai compris qu’elle m’avait offert une forme de liberté nouvelle, une manière différente de dire les choses."
Si Agnès Martin-Lugand touche autant ses lecteurs, c’est aussi parce qu’elle s’abandonne totalement à ses personnages. "J’ai besoin de m’oublier à leur profit. Je ressens ce qu’ils ressentent, je découvre les révélations en même temps qu’eux." Cette immersion totale dans la fiction laisse des traces : "Je n’en sors jamais indemne. Mais c’est ce que je cherche. Je ne suis jamais la même personne entre le début et la fin d’un roman".
Dans "Les Renaissances", cette transformation prend une dimension presque mystique. Car au-delà de la fiction, c’est une introspection. Rebecca, qui doute, qui cherche, qui se reconstruit, agit comme un révélateur pour son autrice. "Elle m’a permis d’assumer pourquoi j’écris, ce que j’écris. Elle m’a offert une liberté supplémentaire. Et elle m’a aidée à mieux me connaître."
Un roman d’amour, de vérité et de transmission
Si son roman parle d’inspiration, d’identité, de filiation et de solitude, c’est avant tout un roman sur l’amour, sous toutes ses formes. L’amour conjugal qui se délite, l’amour retrouvé, l’amour parental qui évolue quand les enfants quittent le nid, l’amour des mots aussi. "Aimer est un art, il faut en prendre soin chaque jour. Et je crois qu’il y a autant de façons d’aimer qu’il y a d’êtres humains." Cette richesse des sentiments se reflète dans la complexité des personnages, notamment celui de Lino, homme blessé et taiseux, qui réveille malgré lui la flamme créative de Rébecca.
Un homme rugueux, qui ne sait plus parler qu’aux meubles anciens qu’il restaure. Et pourtant, c’est à cette inconnue, rencontrée par hasard, qu’il confie l’épisode fondateur de sa vie. "Parfois, il est plus facile de se confier à un étranger", note l’autrice. Et c’est précisément ce moment qui relancera l’envie d’écrire chez Rébecca.
Comme à son habitude, l’autrice accompagne son livre d’une playlist disponible sur les plateformes, bande-son intime de son processus d’écriture. Parmi les morceaux qui l’ont le plus marquée, l'"Adagio d’Albinoni". Une musique qui accompagne l’une des scènes les plus fortes du roman, dont elle préfère laisser la découverte au lecteur.