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Psychopédagogue et professeur à l’université de Mons, Bruno Humbeeck nous invite à redécouvrir l’émerveillement dans son dernier livre. Entre ralentir, contempler et cultiver la sensibilité, il livre des pistes concrètes pour raviver cette capacité, un art souvent oublié à l'âge adulte.
Pour Bruno Humbeeck, l’émerveillement est une aptitude innée. "C’est probablement un avantage évolutif : si vous avez tendance à vous émerveiller, vous aurez envie de grandir dans le monde", explique-t-il. Cependant, ce capital naturel est vite fragilisé par le rythme effréné de la société. "On dit plus souvent à son enfant 'Dépêche-toi' que 'Prends ton temps'. Or, l’émerveillement a besoin de lenteur et de contemplation".
Selon lui, nourrir l’émerveillement est un moyen d’équilibrer notre rapport au monde, souvent dominé par l’anxiété : "Ce que vous nourrissez grossit. Si vous nourrissez l’anxiété, elle grandira. Pour contrebalancer, il faut aussi nourrir la capacité de s’émerveiller".
Des piliers pour cultiver l’émerveillement
Dans son livre, Bruno Humbeeck propose quatre clés essentielles : la lenteur, la douceur, la sérénité et l’émerveillement lui-même. "La sérénité ne se décrète pas", précise-t-il. "Mais si l’on prend le temps de ralentir et de cultiver la douceur, on peut y accéder progressivement. Ce n’est pas une quête du bonheur parfait, mais un travail d’équilibre".
Il invite également à repenser nos attentes. "Dans notre société, on nous pousse à croire qu’il faut être constamment au sommet du bonheur, à 9 ou 10 sur une échelle de 10. Mais un 7, un bonheur stable, c’est très bien, car cela laisse la place à des moments inattendus, qui viennent sublimer ce bonheur de fond".
L’art et la nature comme chemins vers l’émerveillement
L’émerveillement peut être réactivé par l’art ou la nature, deux domaines qui favorisent la contemplation. Bruno Humbeeck cite des exemples comme Jules Verne et J.K. Rowling, qu’il qualifie de "maîtres du merveilleux". "Jules Verne nous montre une science balbutiante, loin de tout expliquer, tandis que Rowling brouille les pistes entre rêve et réalité, rouvrant les chemins de l’enfance".
Il évoque également les "bains de nature", pratiqués au Japon, où l’on apprend à ralentir et à écouter le silence. "Si vous allez dans une forêt avec des enfants, vous leur offrez une expérience durable. Même s’ils ne voient qu’un petit bout d’animal, ils garderont un souvenir marqué, grâce au silence et à la patience qu’implique l’affût".
Les écrans, ennemis de l’émerveillement
Un des grands obstacles à l’émerveillement moderne, selon Bruno Humbeeck, est notre usage des écrans. "Le scroll sur smartphone est une activité qui n’a ni début ni fin. On y perd la notion de temps, on accumule des informations superficielles et on prive notre cerveau de moments de contemplation". Il prend pour exemple les feux d’artifice : "Le 31 décembre, à Paris, un million de personnes filment les feux d’artifice au lieu de les regarder. L’écran réduit l’expérience et empêche de s’émerveiller pleinement".
Pour y remédier, il recommande une gestion consciente des écrans. "Ne diabolisez pas les écrans, mais posez-vous deux questions : pourquoi y aller et combien de temps y passer ? Si ce temps est défini à l’avance, il devient un moment de délassement qui n’empiète pas sur l’émerveillement", conclut-il.