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Maureen est institutrice en région bruxelloise. Comme bons nombres de ses collègues, celle-ci est à bout : en congé maternité, elle ne trouve pas de remplaçants. Elle est également pénalisée financièrement étant donné qu’elle n’est pas nommée. Elle dénonce sa situation via le bouton orange "Alertez-nous".
Maureen a choisi le métier qui a longtemps été considéré comme étant le plus beau du monde : institutrice. Mais aujourd’hui, elle fait face à certaines difficultés, qu’elle dénonce via le bouton orange "Alertez-nous". Enseignante à Bruxelles, elle est en congé maternité depuis début février : "Mes élèves sont toujours sans remplaçant. Nous avons commencé à chercher au mois de décembre, mais personne ne veut venir travailler à Bruxelles. Je reprends le mardi de la rentrée des vacances de printemps. Je ne vais pas pouvoir reprendre les cours sereinement. Je suis inquiète pour mes élèves, pour moi, qui allaite...", explique la jeune maman.
Pour la remplacer, son école a dû faire preuve d'ingéniosité. "Le lundi et le mardi, c'est une institutrice retraitée en mi-temps qui gère ma classe. Le reste de la semaine, c'est une logopède. Certes, qui fait très bien son travail, mais qui n'est pas qualifiée. On est en fin d'année, ce qui est synonyme de bilans, de réunions... J'aurais aimé que mes élèves soient mieux encadrés".
Depuis que je suis mère, je suis en colère. Je me sens abandonnée et démunie.
À ce stress, s’ajoute celui de sa situation personnelle et financière. N’étant pas titularisée, c’est la mutuelle qui la paie et non son employeur, comme les institutrices titulaires en congé maternité. "Je n'ai toujours rien perçu comme indemnités. Je dois me battre, téléphoner partout, envoyer des e-mails pour prétendre toucher un centime alors que je dois m'occuper de ma petite fille", indique Maureen. Désespérée, elle s’insurge contre cette situation, qui la pénalise deux fois : "Cela entraînera des conséquences sur mon traitement différé en juillet/août ainsi que sur ma prime de fin d'année. Ça ne donne pas vraiment envie de continuer à exercer ce beau métier...".
En effet, les enseignants qui ne sont pas titulaires touchent un salaire durant la période des grandes vacances, calculé selon le nombre de jours où ils ont travaillé. "Je suis institutrice depuis 9 ans et je n'ai toujours pas de nomination. Chaque année, je ne sais pas si je vais être reprise. Depuis que je suis mère, je suis encore plus en colère. Je me sens abandonnée et démunie".
Une double peine
Les enseignantes qui ne sont pas titularisées en congé maternité, cela arrive très fréquemment selon Joseph Thonon, président de la CGSP-Enseignement. "Être titularisé, cela prend du temps. L’âge auquel les femmes ont leur premier enfant coïncide rarement avec une titularisation".
Une situation qui concerne une majorité des contractuelles selon lui, qui doivent s’adresser à différents organismes payeurs. "Pour les indemnités liées au congé maternité, c’est vers la mutuelle qu’il faut se tourner. Pour la période de juillet-août, si on remplit les conditions, c’est vers le chômage. Elles touchent alors 70 à 80 % de leurs salaires, ce qui est plus bas que leurs collègues titulaires, qui perçoivent l’intégralité".
La pénurie, multifactorielle
Dans son interpellation, Maureen dénonce également la pénurie d’enseignants. "Mes collègues sont tous à bout à cause des nouveaux référentiels, du plan de pilotage, du pacte d’excellence... Tout le monde se dit qu'il ne finira pas sa carrière dans l'enseignement... Moi-même, je me pose la question".
Ces derniers temps, de nombreuses manifestations d’enseignants ont d’ailleurs évoqué ces problématiques. "Le métier ne fait plus autant rêver qu’avant. Parce que les jeunes ne se tournent plus vers l’enseignement, qui n’est pas bien mis en valeur et par un changement de mentalité", précise Jospeh Thonon.
Un autre problème émerge : plus la fin d’année approche, plus les enseignants temporaires se font rares. "Soit ils ont déjà trouvé une place, soit ils se sont réorientés parce qu’ils n’ont pas trouvé de poste intéressant plus tôt". Un constat partagé par Actiris : "Selon nos derniers chiffres, il n’y a que 768 personnes à Bruxelles qui déclarent être compétentes pour devenir enseignant, à tous niveaux confondus. C’est très peu", ajoute le porte-parole d’Actiris, Romain Adam.
Une fois qu’ils entrent dans la profession, faut-il encore qu’ils restent. "Il faut qu’il y ait une valorisation du métier et pas que financièrement", souligne Jospeh Thonon. Pour Romain Adam : "Il y a trop d’offres par rapport à la demande. De plus, beaucoup se reconvertissent comme enseignant, mais n'ont pas la formation nécessaire. Il manque de personnes dotées des compétences requises". Rien que sur le site de JOBécoles, il y a près de 400 offres d’emploi dans l’enseignement catholique.
Pour susciter les vocations, des journées de recrutement sont organisées, notamment par Actiris. Mais cela ne réglera pas le problème à court terme. "C’est une solution parmi d'autres dans un écosystème plus large", conclut Romain Adam.