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"Gros lard", "Collabo", "Je suis devant chez toi": les jeunes candidats aux élections communales, comme Saïd et Léa, de plus en plus victimes de violences

Said Ghali se présente pour la première fois aux élections communales de Forest. Léa Cristens, de son côté, se présente à Charleroi. Le point commun entre ce candidat des Engagés et cette candidate du Parti socialiste? La violence et le harcèlement dont ils sont victimes depuis leurs débuts en politique. Un fléau de plus en plus présent, même au niveau local, comment l'expliquer? Ces jeunes candidats sont-ils préparés à cela?

"Pédophile", "Gros lard", "Raciste"… Voici le type de messages que reçoit Said Ghali depuis qu'il est inscrit sur les listes Engagés à Forest pour les élections communales à venir. "Je ne m'attendais pas à ça, je suis surpris de voir autant de haine. Je me suis lancé en politique pour aider les citoyens, pourquoi est-on contre moi?", réagit le principal intéressé.

Dans son cas, l'histoire va même plus loin: "On a utilisé mon identité pour soutirer de l'argent à des personnes (…) On est venu chez moi. Je n'ai pas peur mais si mes enfants avaient été là, c'est embêtant", raconte encore cet éducateur et DJ.

Insultes, fake news…

Autre jeune candidate, autre parti, autre commune… mêmes problèmes. Léa Cristens est étudiante en science politique et se présente sur les listes PS pour les élections communales de Charleroi.

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Elle raconte: "J'ai fait des publications sur Instagram et Facebook, mais là ce sont les amis et la famille donc je recevais plutôt des commentaires constructifs. Après, quand j'ai annoncé sur TikTok que j'étais candidate, j'ai reçu des commentaires d'inconnus. Il y avait même des Français qui n'ont rien avoir avec la politique belge qui ont commencé à m'insulter, à mettre des fake news."

Ainsi, la jeune fille a reçu des remarques désobligeantes sur son physique, certains l'ont également taxée de "collabo".

Des formations pour se préparer

Nouveau point commun entre les deux candidats que nous avons rencontrés: ils refusent de jeter l'éponge. Pour autant, ces menaces pourraient facilement décourager certains jeunes profils. Avec l'émergence des réseaux sociaux, entre autres, on remarque que les violences envers les candidats ne touchent plus uniquement que les personnages politiques les plus médiatisés, les plus "installés".

Dès lors, la plupart des partis organisent des formations pour préparer les candidats: "En interne, on est préparés à recevoir des attaques. On reçoit des formations sur la communication où on apprend à ne pas répondre de manière agressive", explique Léa Cristens.

Les réseaux sociaux, le principal fléau?

Pour mieux comprendre ce phénomène, nous nous sommes adressés à Pierre Verjans, politologue à l'université de Liège. Il explique qu'il y a "un rapport à la violence intrinsèque au politique", mais que "maintenant, on a l'impression que ça augmente parce qu'il y a moins de contrôle social".

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Et cela serait dû à la présence des réseaux sociaux qui "amplifient les réactions émotives et pas du tout les réactions de réflexion": "Ça a toujours existé des gens qui n'étaient pas d'accord avec telle ou telle option. Ils le disaient parfois de façon civilisée, parfois de façon brutale. Avec les réseaux sociaux, il n'y a plus de tri. Auparavant, dans ce qu'on appelait le café du commerce, où les gens échangeaient des idées, il y avait des personnes qui disaient "on va se calmer". Et donc, il y avait un contrôle social. Maintenant, ça n'existe plus, les gens sont seuls devant leur écran", précise le spécialiste.

Avant, c'était beaucoup plus rare pour les jeunes candidats

Concrètement, il explique que cette situation pourrait également faire passer à l'acte certaines personnes: "Le risque dans un système où les gens se parlent moins en direct c'est que leur colère monte dans un tourbillon et qu'ils passent à l'acte, même de manière symbolique."

La proximité, une lame à double tranchant

Pierre Verjans précise également que la volonté des politiques d'être en contact avec les gens et les technologies qui rendent cela possible, les rendent quelque part vulnérables: "Les personnes savent comment les contacter et peuvent le faire tout de suite. Dans les années 80, 90, il fallait écrire une lettre. Les hommes politiques importants recevaient des lettres anonymes, y compris de menace. C'était tout-à-fait classique. Mais c'était beaucoup plus rare pour les jeunes candidats qui montaient sur une liste."

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