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Violée par son père à 14 ans puis par un autre homme, Anne a dû avorter en secret aux Pays-Bas: "Si je ne me taisais pas..."

Victime d'inceste par son père, Anne a ensuite été violée par un autre homme qui l'a mise enceinte. À 16 ans, elle a dû se faire avorter en secret aux Pays-Bas, car personne dans sa famille ne la croyait. Des années plus tard, elle raconte son histoire. 

Anne avait 14 ans lorsque l'impensable se produit. Elle sort à peine de sa douche que son père entre dans sa chambre. "Lui s'est assis sur mon lit et moi je me suis retrouvée assise sur ses genoux. Et là, il a levé une main qu'il a posée sur un de mes seins. Et puis il m'a dit 'tu deviens vraiment une très belle jeune fille'. Et puis après c'est le trou noir", raconte-t-elle. 

S'en suivent des années d'inceste. 

Pourtant presque directement, Anne demande de l'aide à sa plus proche alliée : sa maman. "Je l'ai trouvée, je la vois encore, j'étais sur sa gauche", se souvient notre témoin, "et je lui dis : 'Maman, papa est entré dans ma chambre et il m'a touché la poitrine'. Et elle m'a dit que ce n'est pas possible. Et elle n'a plus jamais rien dit par rapport à ça par la suite."

Ma soeur ne m'a pas cru

C'est là que tout s'accélère. Le rejet de la famille s'intensifie et les agressions se multiplient. "J'avais compris que je n'avais qu'à me taire. Que si je ne me taisais pas, j'aurais été rejetée encore plus. Donc à un moment donné vous vous taisez pour quand même pouvoir vivre un peu des choses.

Quelques années plus tard, Anne est violée par un autre homme et, une nouvelle fois, elle se retrouve seule. "Ma soeur ne m'a pas cru. C'était un ami à elle donc elle a défendu son ami, mais pas moi". À seulement 16 ans, Anne part sans accompagnement pour les Pays-Bas afin d'y avorter en secret. "Cela avait coûté 10 000 francs à l'époque (près de 250 euros, ndlr). Une somme colossale pour la jeune fille que j'étais.

"Le fait de ne pas être crue, c'est comme si les liens autour de vous, ceux de la famille, se rompent d'un coup. Ce n'est pas une douche froide, c'est un iceberg qui vous tombe dessus", raconte-t-elle encore. 

Sans personne à qui se confier, Anne décide de tout raconter dans un petit journal intime. À l'intérieur, l'adolescente qu'elle était a écrit et dessiné ce qu'elle vivait. "Trop supporté, trop longtemps. Le père, la famille, le rejet, l'amour destructeur, l'avortement."

carnet
©RTL info

Aujourd'hui, grâce notamment aux affaire #metoo et du procès des viols de Mazan, la parole s'est libérée. Un long chemin a été parcouru depuis l'époque où les viols étaient encore tabou. "Je trouve très illustrant, au procès Pélicot, le nombre de panneaux 'On te croit'", souligne le psychologue Patrick De Neuter. "Parce qu'on vient d'une période où la société avait tendance à ne pas croire. Il y avait une sorte de banalisation du viol et des effets pathogènes sur les femmes. Pathogènes au niveau de leur sexualité et même au niveau physique. Par exemple, il y a un lien statistique étroit qui a été constaté entre la boulimie et le viol."

De l'aide pour les victimes, mais aussi leurs familles

Pour permettre aux victimes de se décharger de leur fardeau, certaines asbl proposent une oreille attentive. C'est le cas de Brise le silence, à Mons. Des personnes pair-aidantes sont là pour accompagner les victimes, mais aussi leurs familles, qui ne savent pas toujours comment régir face à l'annonce d'une telle nouvelle. "C'est un vrai cataclysme au niveau des familles. On n'est jamais préparé à recevoir ce genre d'informations. Ça va vraiment impacter le quotidien de la personne, mais aussi de la famille et de ses proches", affirme Ingrid Poetter, qui est aussi coordinatrice administrative de l'asbl, en plus de son rôle de pair-aidante. 

Les proches sont parfois les victimes collatérales d'une agression. Eux aussi doivent apprendre à vivre avec cette culpabilité de ne pas avoir pu protéger la personne qu'ils aiment. "Ils sont complètement démunis face à leurs propres émotions", assure Véronique Baumans, elle aussi pair-aidante à l'asbl. "C'est pour ça qu'ils viennent souvent nous contacter pour savoir comment ils peuvent dialoguer et montrer qu'ils comprennent leurs proches."

Ça, c'est mon plus grand espoir

Pour Anne, le fait d'avoir pu construire sa propre famille et d'avoir noué des amitiés fortes a été salvateur. "Je suis entourée d'amis et de proches, de mes enfants. Ils sont formidables. Ils ont vraiment cheminé avec moi. Ils ne m'ont jamais lâchée. Ils ont cru en moi. Ils m'ont crue. Alors c'est merveilleux. C'est ça les cadeaux de la vie en fait. Et je suis fière de cette femme qui est là, assise à ma place (elle-même, ndlr)."

Si elle est aujourd'hui aimée et soutenue, la relation avec le reste de sa famille reste compliquée. Mais elle ne perd pas espoir qu'un jour, ils acceptent la vérité. "Je me dis peut-être qu'un jour, quand je ne serai plus là, quelqu'un prendra la peine de lire [mon journal] et quelqu'un peut-être un jour dans ma famille me croira. Ça c'est mon plus grand espoir."

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