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"C’est la plus grosse erreur de ma vie ": Esther doit rembourser 80.000€ pour un emprunt qui n’est pas le sien

"Je ne sais plus à qui m’adresser pour faire comprendre l’injustice dont je suis victime", déplore Esther (prénom d’emprunt). Cette mère de famille se voit obligée de rembourser un prêt dont elle n’a pas reçu le moindre centime. À bout de ressources, elle nous raconte ce qui lui est arrivé. 

Esther, enseignante primaire dans l’enseignement spécialisé depuis 15 ans, est mère de trois enfants. Divorcée depuis 2017, elle travaille à temps plein pour subvenir aux besoins de sa famille. 

Deux ans après son divorce, la femme rencontre un homme qui devient rapidement son ami le plus proche. Il est divorcé et père de plusieurs enfants, comme elle.

Confiance et confidences 

"Au fil de nos conversations, il me fait des confidences sur sa situation financière compliquée", se rappelle la trentenaire. En août 2021, son ami lui explique devoir acheter une nouvelle voiture, mais ne pas avoir les fonds nécessaires. 

Il m'a demandé si j'étais d'accord de me porter garante pour lui

"Il m’a demandé si j’étais d’accord de me porter garante pour lui afin qu’il puisse faire un prêt personnel, dans le but de regrouper ses crédits en cours et faire l’acquisition d’un nouveau véhicule", raconte-t-elle.  

Généreuse, mais également naïve, la jeune femme accepte. Son ami s’engage à rembourser intégralement ce nouveau crédit, et souscrit même à une assurance-vie pour qu’elle soit protégée en cas de décès inopiné. Esther signe.  

L’homme semble sincère. La mère de famille se souvient:"Il avait les larmes aux yeux, il m’a dit que je lui avais sauvé la vie". 

Le début des problèmes 

En janvier 2023, elle reçoit un courrier stipulant que la mensualité liée au prêt effectué par son ami resterait impayée depuis deux mois. Celui-ci la rassure, et paie ce qui était convenu. Mais le mois suivant, il avoue ne plus s’en sortir financièrement et demande de l’aide au CPAS, qui lui suggère de recourir à un règlement collectif de dettes (RCD).

Une médiatrice du CPAS recommande à Esther de payer les mensualités du crédit à la place de son ami, en attendant que son RCD soit accepté. Elle lui propose même de l’ajouter parmi les créanciers du dossier, afin qu’elle puisse faire partie des personnes que l'homme devra rembourser par la suite, pour les mensualitsé qu'elle aura avancées. 

"Depuis mars 2023, je verse donc une mensualité de 900 euros. Heureusement que je ne paie pas de loyer, sinon ça m’aurait été impossible", explique la femme, qui est retournée vivre chez sa mère. Mais en juillet, une partie du salaire de l’enseignante est subitement prélevée, sans qu’elle n’en ait été avertie au préalable.  

Signer sans vérifier 

C'est à ce moment que la jeune femme consulte une avocate, et tombe des nues. "J’ai été surprise de constater que personne ne m’a informé que j’avais signé en tant que co-débitrice, et pas en tant que garante", s’insurge-t-elle.  

Au vu de la situation, la mère de famille envisage de recourir, elle aussi, à un règlement collectif de dettes. C’est alors qu’on l’informe qu’il lui est impossible d’en faire la demande, puisqu’étant déjà reprise dans la liste des créanciers de son ami, un conflit d’intérêt viendrait s’interposer dans le dossier. 

Je suis redevable de l'entièreté du capital

En décembre 2023, Esther est citée à comparaître devant la justice de paix. "L’organisme prêteur se tourne vers moi pour récupérer l’argent. Je suis redevable de l’entièreté du capital emprunté et des intérêts, à savoir près de 80.000 euros", résume-t-elle.  

La trentenaire tente de faire appel, mais rien n’y fait. En mars 2024, le verdict tombe: même si elle n’a bénéficié d’aucun euro emprunté, l’enseignante doit rembourser la totalité des crédits de son ami. En plus de ceux qu’elle avait déjà contractés personnellement… 

"Il travaille au Luxembourg et gagne plus de 3.000 euros par mois, mais on ne lui prélève que 145 euros grâce à son RCD. Pendant ce temps-là, on me retire plus de 1.000 euros sur mon salaire à moi, pour payer ses dettes à lui!", s’exclame-t-elle.  

Dommage collatéral 

Au début du mois d’août, la mère de famille reçoit un courrier la prévenant de la saisie prochaine de ses meubles. Pourtant, elle vit maintenant chez son compagnon, et ne possède quasiment aucun bien au sein de la demeure.  

"S’il n’arrive pas à prouver que l’entièreté de la maison est à lui, ils vont tout saisir. C’est un dommage collatéral de toute cette histoire et s’il craque, je serai à la rue. Avec les 1200 euros qu’il me reste, je n’aurais pas assez d’argent pour payer un loyer et assumer mes enfants", dit-elle.  

S'il craque, je serai à la rue

À l’heure actuelle, Esther ne sait plus quoi faire. "J’ai déjà perdu plus de 10.000 euros", confie-t-elle. Selon son avocate, la loi est écrite de manière telle qu’il n’existe aucune solution pour elle.  

"Je n’ai pas compris, au moment où j’ai signé, que j’autorisais l’organisme du crédit à se servir directement dans mon portefeuille. Aux yeux de la loi, mes arguments ne sont pas valables et je ne peux pas me décharger de l’emprunt, je dois le payer", déplore-t-elle.  

La loi, c’est la loi

Aurore Baraillon, juriste, le confirme:"Si deux personnes signent un crédit, elles s’engagent toutes les deux à rembourser le prêt de manière solidaire et indivisible. En cas de problème, le créancier va se tourner vers la personne la plus solvable. Le fait que madame ait signé quelque chose qu’elle n’a pas compris n’est pas valable juridiquement", explique-t-elle.  

Le créancier va se tourner vers la personne la plus solvable

L'experte conseille de se renseigner auprès d’un service de médiation de dettes, ou d’attendre que le règlement collectif arrive à terme "pour intenter une action en justice, et que monsieur rembourse au moins la moitié de la somme. Elle peut aussi expliquer qu’elle n’a pas touché le moindre centime et demander qu’il rembourse la totalité, mais c’est très compliqué", précise-t-elle.

Fichée comme mauvaise payeuse à la banque nationale, l’enseignante de 38 ans ne peut plus non plus emprunter de l’argent. "Je sais que la loi, c’est la loi. Mais c’est la plus grosse erreur de ma vie. Je ne sais pas ce que je peux faire pour sortir de cette situation, à part espérer un miracle", conclut-elle.  

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