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De nombreuses questions demeurent sans réponse après le vif échange entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky. La principale: que va-t-il se passer maintenant? Analyse de Chantal Monet, notre spécialiste des questions internationales.
On assiste à ce qui ressemble à une rupture entre les États-Unis et l'Ukraine. Est-ce synonyme d'une rupture entre les États-Unis et l'Europe?
Oui. Henry Kissinger, un fameux chef de la diplomatie américaine dans les années 70 disait: "Être un ennemi de l'Amérique est dangereux, être un ami de l'Amérique est fatal." C'est vrai que c'est un virage tout à fait stupéfiant parce que la Russie était l'ennemie historique des Américains. On sait que Donald Trump a des relations parfois troubles avec la Russie depuis des décennies. Il a été, à plusieurs reprises, sauvé de la faillite par des oligarques russes, certains liés à la mafia.
Entre ses deux mandats, il a gardé contact avec Vladimir Poutine qu'il admire, qu'il respecte. Tout comme il admire et respecte le dictateur nord-coréen Kim Jong-un. Il avait dit "on est tombé amoureux" après avoir échangé des lettres avec ce dernier.
On voit que Donald Trump est dans un rapport de force, de puissance, de domination. Il ne supporte pas les losers et il considère que les démocraties européennes sont faibles. Que les Européens sont des losers. Son vice-président (J.D. Vance) est venu nous le dire il y a deux semaines à Munich.
Lundi dernier, on a assisté à un fait marquant: les Américains ont voté au Conseil de sécurité des Nations Unies, non pas avec les Français et les Britanniques, mais avec les Russes et les Nord-Coréens. L'Amérique de Trump est passée dans l'autre camp, celui des autocrates. C'est un basculement tout à fait historique.
Le sommet de ce dimanche à Londres est-il important (NDLR: un sommet réunissant une quinzaine de dirigeants européens ainsi que le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, au sujet de la sécurité de l'Europe et du soutien à l'Ukraine)? Et quelles sont les prochaines échéances?
Le sommet de Londres est crucial. Certains experts disent que c'est la réunion la plus importante depuis la conférence de Yalta. C'était il y a 70 ans, une conférence qui coupait l'Europe en deux, entre l'Est et l'Ouest.
Ensuite, il y aura jeudi 6 un sommet extraordinaire des 27 États membres de l'Union européenne à Bruxelles. Avec deux questions essentiellement: comment soutenir l'Ukraine sans les Américains? Et comment assurer notre propre défense face aux menaces de la Russie alors que Donald Trump est en train de nous dire, 'débrouillez-vous'?
Le coût d'une défense européenne est estimé à 250 milliards d'euros par an. Est-ce que les Européens sont prêts ? Est-ce que les opinions européennes sont prêtes ? Des questions auxquelles il faudra répondre très très rapidement car on se rend compte qu'on a déjà perdu beaucoup de temps. Il en va de la mort ou du sursaut de l'Europe.