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Chapelle coupée en deux, maisons éventrées: des habitants du hameau alpin de La Bérarde, victime il y a une semaine d'une gigantesque coulée de laves torrentielles, sont restés sans voix vendredi, quand ils sont revenus pour récupérer leurs affaires.
"Je ne trouve même plus de vocabulaire pour m'exprimer. Un profond désarroi, j'ai les bras ballants", lâche Jacky Trignat, un bénévole de la Fédération française des clubs alpins français (FFCAM), venu inspecter l'état du chalet qui accueillait ses adhérents à La Bérarde.
Perché dans une étroite vallée à 1.700 mètres d'altitude dans le massif de haute montagne des Ecrins, entre Isère et Hautes-Alpes et surnommé "La Mecque des alpinistes", le petit village a subi de plein fouet, dans la nuit du 20 au 21 juin, la fureur d'une crue exceptionnelle de la rivière Vénéon.
A l'entrée de ce qui fut le village, la route s'est transformée en torrent et des coulées de pierres, boue et débris mêlés ont dévalé tout un pan de la montagne, dévastant ou ensevelissant une partie des maisons au passage.
Ici, un mur complètement écroulé laisse voir l'intérieur d'une cuisine.
Plus loin, un lampadaire penché émerge d'une immense traînée de grosses pierres roulées par les eaux.
Sur la centaine de bâtiments répertoriés par les sapeurs-pompiers, six ont tout bonnement été avalés par le pierrier ou emportés par le courant. D'autres à l'inverse sont intacts.
Les causes du désastre n'ont pas encore été établies scientifiquement mais de l'avis des spécialistes, ce phénomène inédit a probablement été provoqué par la conjonction de fortes pluies, de la fonte d'importants stocks de neige et l'effondrement d'une vaste poche d'eau glaciaire en altitude sur fond de réchauffement climatique.
- "Désastre" -
Une centaine de personnes avait pu être évacuée en urgence par hélicoptère de La Bérarde dans la nuit. A ce jour, aucune victime n'a été recensée selon la préfecture de l'Isère qui a coordonné les opérations avec l'aide des services de secours en montagne et boucle le secteur depuis.
Vendredi, une quarantaine de ces habitants sont revenus dans le cadre d'une opération strictement encadrée pour éviter tout accident sur le site bouleversé.
"Le gros oeuvre est intact, mais alors à l'intérieur c'est un vrai désastre. Les cuisines sont inutilisables, le mobilier c'est tout en dessous", soupire Jacky Trignat.
"C'est une page qui se tourne, une époque qui se termine. Ceux qui sont encore sceptiques face au réchauffement climatique, on devrait faire des convois à la Bérarde pour les convaincre", se désole-t-il.
Pour lui, le "symbole" le plus poignant de la catastrophe est la vieille chapelle du centre du hameau, laissée "éventrée" par les laves, dont il ne reste que la moitié des murs sous un toit intact mais en équilibre précaire.
- "Millions de mètres cubes" -
Olivier Bruguet, chef de section sapeur pompier en charge des risques bâtimentaires, ne se montre guère plus optimiste quant à l'avenir de la petite église: il juge "probable que lors d'une prochaine crue, suite à un orage ou à une fonte nivale importante, il y ait un effondrement de l'ensemble de la partie restante de la chapelle".
Pour répondre à l'urgence, les sapeurs pompiers ont eu recours aux mêmes techniques d'évaluation des risques que lors des séismes avec "un code couleur qui répond à un niveau de danger" pour chaque bâtiment, explique-t-il.
"Face à moi, là, il y a des millions de mètres cubes de pierres avec des hauteurs qui vont de 6 à 10 mètres qui ont totalement modifié le paysage", relève-t-il désignant l'immense coulée venue des vallons d'altitude.
Le département de l'Isère a annoncé vendredi la création d’un fonds d’aide d’urgence auquel il a déjà abondé 5 millions d'euros. Plusieurs autres initiatives et cagnottes ont également été lancées ces derniers jours pour venir en aide aux habitants de la vallée.
Jeudi, le président du Parc national des Ecrins Arnaud Murgia, également maire de Briançon, avait appelé à l'aide de l'Etat face à cette "catastrophe écologique, climatique et surtout humaine".