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Le mois janvier est le mois jour signé de plusieurs attentats en France: dans la rédaction de Charlie Hebdo, le 7, puis dans une imprimerie de Dammartin-en-Goële, tous deux perprétrés par les frères Kouachi. Le lendemain, c'est à Montrouge qu'un de leurs proches, Amedy Coulibaly, va abattre une policière avant de prendre en otage une supérette casher, à Paris. Quatre personnes y perdront la vie.
Il est l'une des figures emblématiques de ce macabre mois de janvier 2015. Celui pendant lequel le terrorisme islamique a frappé de plein fouet la France, celui pendant lequel tous les Français ont été Charlie.
François Molins, désormais en dehors des circuits de la justice, est alors procureur général de Paris. Sur les écrans de télévision, il apparaît heure après heure, jour après jour. Il est la voix qui rapporte les événements aux journalistes, aux voisins, aux curieux. Il est écouté, parfois critiqué, mais toujours respecté.
Des "menaces récurrentes"
Dix ans plus tard, François Molins évoque une journée qu'il "n'oubliera jamais", celle du 7 janvier 2015. Le procureur est en réunion lorsqu'il reçoit un appel. "Il doit être 11h30, ou dans ces eaux-là", se souvient-il. Au bout du fil, le directeur de la police judiciaire. "Il m'avise qu'il y a eu des coups de feu dans les locaux de Charlie Hebdo et qu'il pourrait y avoir un mort."
Sans hésiter une seconde, François Molins décide de se rendre sur place. Il connaît les pressions qui planent sur la rédaction du célèbre journal satirique. "C'est quelque chose qui va me parler tout de suite. On sait que Charlie Hebdo fait l'objet de menaces récurrentes depuis longtemps qui se sont parfois concrétisées", explique-t-il. Et pour cause: en 2011, par exemple, les locaux du journal sont la cible d'un jet de cocktail Molotov, à la suite de la publication d'un tirage intitulé "Charia Hebdo". Suite à cet incendie criminel, l'immeuble parisien est placé sous protection policière. Deux en plus tard, alors que des caricatures de Mahomet sont publiées dans Charlie Hebdo, la branche d'Al-Qaïda en péninsule arabique (AQPA) appelle, entre autres, s'en prendre à Charb, l'un des auteurs de dessins controversé.
En arrivant sur place, ce 7 janvier, François Molins constate l'horreur. "Je vais avoir l'occasion assez vite en montant dans les lieux avec le directeur de la PJ de voir un bilan victimaire qui est beaucoup plus important puisqu'en fait il y a 12 morts à Charlie Hebdo." Les années ont passé, mais les images, elles, sont toujours claires dans l'esprit du procureur de l'époque. Celle qui reste la plus marquante, "c'est certainement l'image de la salle de crime de Charlie et l'image de cette salle de rédaction au deuxième étage avec tous ces corps enchevêtrés les uns sur les autres avec des projections corporelles partout."
Et si les scènes de crime sont monnaie courante pour François Molins, celle-ci a un goût particulier. "C'est une vision particulièrement difficile, auquel on n'est pas habitué (...) C'est vraiment une scène que je n'oublierai jamais, qui m'a profondément marqué."
"Une sorte de pic"
Cette attaque à la liberté de la presse représente "un moment charnière dans l'histoire du terrorisme djihadiste", pour l'ex-procureur général de Paris qui l'analyse comme "une sorte de pic dans l'intensité de l'installation du terrorisme djihadiste en Europe et particulièrement en Europe de l'Ouest". Le premier d'une sordide série, avant les attentats de Bataclan, le 13 novembre 2015, ou encore le double attentat de Bruxelles, le 22 mars 2016.