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Dix ans après l'attentat islamiste qui a frappé Charlie Hebdo, le caricaturiste Nicolas Vadot s'est exprimé au micro de notre journaliste Dominique Demoulin et répond à la question: la liberté d'expression a-t-elle reculé ces dernières années?
Douze personnes ont perdu la vie le 7 janvier 2015 dans l'attaque par les frères Kouachi de l'hebdomadaire Charlie Hebdo, cible de menaces jihadistes depuis la publication de caricatures du prophète Mahomet en 2006.
Ce jour-là, le dessinateur de presse franco-britannico-australien Nicolas Vadot s'est dit "stupéfait". Dans un entretien accordé à RTL info, il décrit ce qu'il a ressenti.
"C'était la stupéfaction, car tout à coup, on est passé d'observateur à acteur, voire à cible en un clin d'oeil. Sur le moment, je n'ai pas eu peur, car j'étais dans l'action. La liberté d'expression est la première de toutes les libertés. Cette liberté a été attaquée le 7 janvier, mais le 13 novembre 2015 à Paris, on a attaqué les autres libertés: la liberté de se réunir entre amis, la liberté d'aller voir un match de football, la liberté d'aller à un concert. Bref, tout ce que les islamistes détestent."
La liberté d'expression a reculé à tous les niveaux
10 ans après, qu'est-ce qui a changé? La liberté d'expression a-t-elle reculé? "Oui, elle a reculé à tous les niveaux. Ce qui est étonnant, c'est que la liberté d'expression était avant cela attaquée par la droite. Maintenant, elle est également attaquée par la gauche. C'est ce qui est terrible. On est dans une société de la victimisation. C'est le curseur de la liberté d'offenser ou d'être offensé qui a malheureusement énormément baissé. Je suis offensé tous les jours, quand je vois Cnews, par la bien-pensance d'où qu'elle soit. Mais tant que ça reste dans le cadre de la loi, on a le droit de m'offenser. Si on prend la question du ressenti, on ne s'en sort plus. Quand un feu est rouge, vous n'avez pas le droit de traverser. Si votre ressenti était que le feu était orange ou vert, et que vous traversez, vous risquez de mettre quelqu'un et vous-même en danger. C'est ce qu'avait dit Coco (dessinatrice rescapée de l’attentat de Charlie Hebdo), juste après les attentats. Le seul curseur doit être le respect de la loi. Être Charlie, ce n'est pas forcément être tolérant. C'est accepter que d'autres gens ne pensent pas comme vous. C'est une nuance par rapport à dire qu'on est tolérant."
Charlie Hebdo célèbre ses disparus dans un livre
A l'approche du 10e anniversaire de l'attentat islamiste ayant décimé sa rédaction, le journal satirique français Charlie Hebdo a par ailleurs rendu hommage à ses "disparus" dans un livre poignant, destiné à "faire mentir les terroristes" qui se réjouissaient, le 7 janvier 2015, d'avoir "tué" le journal.
Douze personnes ont perdu la vie dans l'attaque menée par les frères Kouachi contre l'hebdomadaire satirique, cible de menaces djihadistes depuis la publication de caricatures du prophète Mahomet en 2006.
Parmi elles, huit membres de la rédaction: les dessinateurs Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski, la psychiatre et psychanalyste Elsa Cayat, l'économiste Bernard Maris et le correcteur Mustapha Ourrad.
Publié le 5 décembre aux éditions Les Echappés, "Charlie Liberté, le journal de leur vie" célèbre leur travail à travers une sélection de dessins, de textes et de témoignages sur plus de 200 pages.
"Charlie Liberté" inaugure ainsi les commémorations des dix ans des attentats de janvier 2015 contre le journal, une policière de Montrouge et l'Hyper Cacher, qui ont fait 17 morts.
L'hebdomadaire sortira également en janvier un numéro spécial de 32 pages, comprenant les meilleurs dessins du concours international de caricatures #RiredeDieu qu'il a lancé jusqu'à mi-décembre pour dénoncer "l'emprise de toutes les religions" sur les libertés.
Il y retracera aussi l'emballement autour des caricatures de Mahomet, à l'origine de violentes manifestations dans les pays musulmans, initialement publiées en 2005 par le quotidien danois Jyllands-Posten et reprises par l'hebdomadaire en 2006.
Charlie Hebdo avait republié ces dessins en 2020, "pièces à conviction" à la veille de l'ouverture du procès des attentats de janvier 2015, de même que la couverture conçue en 2006 par Cabu, "délibérément mal comprise" par ses détracteurs, selon M. Biard.
Cette Une, dans laquelle Mahomet "débordé par les intégristes" juge que "c'est dur d'être aimé par des cons", figure dans "Charlie Liberté".
En 2015, une semaine après la tuerie, le journal avait représenté le prophète tenant une pancarte "Je suis Charlie", sous le titre "Tout est pardonné".