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Voilà 10 jours que les Belges se sont rendus aux urnes pour les élections régionales et fédérales. Maintenant, place à la formation d'un gouvernement. Mais comment ça fonctionne? Et quel est le rôle du roi Philippe dans tout ça? Pierre Vercauteren, politologue à l'UMons, nous éclaire. Décryptage.
Il y a 10 jours, les Belges se sont rendus aux urnes pour élire un nouveau gouvernement régional, mais aussi, fédéral. Depuis, on entend parler de négociations politiques. On a vu les présidents et présidentes de chaque parti se succéder au Palais royal. Mais concrètement, quel est le rôle du Roi dans tout ça ?
Une monarchie constitutionnelle
Pour comprendre le rôle du Roi, il faut reprendre les bases. En Belgique, comme dans la majorité des royaumes en Europe, il y a ce qu'on appelle une monarchie constitutionnelle. Ça veut dire que le pouvoir du Roi est encadré par une constitution. Concrètement, ce texte précise que le roi ou la reine ne peuvent pas diriger le pays. Cette mission revient au Premier ministre.
Mais ça ne veut pas dire pour autant que le Roi n'a pas un rôle politique à jouer.
Quand intervient politiquement le Roi?
Dans notre pays, le Roi détient un rôle important, surtout dans la formation du gouvernement fédéral. C'est lui qui nomme les ministres, qui viendront ensuite lui prêter serment. Mais le Roi possède aussi un rôle plus informel : celui de guider les partis, sans influencer. C'est lui qui ouvre les discussions pour parvenir à la formation d’un gouvernement de coalition, un peu comme un chef d'orchestre.
Le Roi a un rôle très important dès le lendemain des élections
Et son rôle débute une fois les élections finies. Concrètement, afin de parvenir à faire avancer les négociations et pouvoir former une coalition rapidement, le Roi rencontre d'abord tous les présidents de partis afin d’établir un premier état des lieux.
Le Roi désigne d'abord un informateur: quel est son rôle?
C'est pourquoi dès le lendemain, nous avons assisté à un véritable ballet politique au Palais royal. "Le Roi entame des consultations avec chaque président ou présidente de parti politique, généralement dans l’ordre des résultat obtenus aux élections. Et c’est sur base de ces consultations que le Roi nomme un informateur. Il a donc un rôle très important, dès le lendemain des élections", précise Pierre Vercauteren, politologue à l'UMons.
L'informateur, c'est la personne qui est chargée d'informer le Roi sur les coalitions possibles entre les partis. Mathias El Berhoumi, professeur en droit constitutionnel, précise: "C'est une personnalité politique qui va être chargée de voir quelles sont les formules de gouvernement possibles, compte tenu de la nouvelle composition de la Chambre des Représentants. Il va aussi consulter la société civile. Voir quelles sont les grandes attentes par rapport au prochain gouvernement fédéral".
Au terme de ce travail, l’informateur doit effectuer un rapport pour le Roi. Et pour y parvenir, il doit discuter avec les différents partis politiques et tenter de faire évoluer leur position.
Dans le cadre de ces élections, le Roi a désigné Bart De Wever comme informateur. Il a d'ailleurs rendu son premier rapport ce mercredi. Et ensuite?
Quel est le rôle exact du Roi dans les négociations?
Dans notre pays, pour la formation d'un gouvernement fédéral, il y a deux acteurs clés: l'informateur, et le formateur. Tous deux sont désignés par le Roi. "C’est un rôle très important dans la désignation des personnalités. Mais son rôle s’arrête là", précise Pierre Vercauteren. Car le Roi ne participe pas aux négociations entre les partis, il est seulement chargé de désigner des personnalités.
Concrètement, une fois que l'informateur a rendu son premier rapport au Roi, il existe deux possibilités. Si la tâche s'avère trop compliquée, le Roi peut décider d'accorder du temps supplémentaire à l'informateur. C'est d'ailleurs le cas pour Bart De Wever qui devra rendre un nouveau rapport au Roi le 26 juin prochain.
"A ce moment-là, ce sont d’autres personnalités, du monde politique encore, et d’autres familles politiques que celle de l’informateur, qui vont entrer en scène et essayer de voir si, malgré tout, il n’y a pas une marge de manœuvre pour trouver un accord", explique Mathias El Berhoumi.
Le Roi désigne ensuite un formateur: quel est son rôle?
Si cela ne fonctionne toujours pas au bout de plusieurs semaines, le Roi peut alors nommer un nouvel informateur. Par contre, si un accord est trouvé, le Roi nomme alors ce qu'on appelle un formateur. C'est lui qui sera chargé de former le gouvernement fédéral.
"Le formateur devra réunir un certain nombre de partis qui, idéalement, disposent d’une majorité à la Chambre des Représentants. Avec ces partis, il va négocier un nouveau programme de gouvernement. Les grands axes de la politique qui sera suivie pendant les 5 prochaine années, ainsi que la répartition des postes ministériels entre les futurs partis de cette coalition", ajoute le professeur en droit constitutionnel.
Dans la plupart des cas, le formateur devient ensuite Premier ministre. Mais pas toujours, nuance Pierre Vercauteren: "Ça a souvent été le cas dans le passé. Mais au cours de ces 10 dernières années, on a pu observer que ça ne se passait pas toujours comme ça. Le Roi peut parfois nommer un deuxième informateur voire d’autres personnalités pour avancer dans cette mission. Et ça peut prendre du temps".
Ça avait d'ailleurs été le cas suite aux élections de 2010, où il n'y a pas eu de gouvernement pendant 542 jours, et celles de 2019 avec 495 jours sans gouvernement.
Comment le Roi fait-il ses choix?
Mais concrètement, comment le Roi fait-il ses choix? Pourquoi décide-t-il de nommer telle ou telle personne? "Le Roi est un homme qui s’informe en permanence. Il est informé en rencontrant tout au long de l’année le Premier ministre et tous les autres ministres, ainsi que toutes les personnalités qu’il juge nécessaire qui peuvent être issues de la société civile. Il a alors, au fil des années, une connaissance de la vie politique belge importante", détaille le politologue.
En Belgique, le Roi et le Premier ministre entretiennent une relation étroite: ils ont rendez-vous chaque semaine tout au long de la législature. Mais le Roi ne prend pas ses décisions tout seul, il est bien évidemment aussi épaulé par son directeur de cabinet qui le conseille régulièrement.
Ce qui l'aide aussi dans sa prise de décision, ce sont les différentes consultations avec les présidents de partis qui ont lieu dès le lendemain des élections. "Il peut consulter le gouvernement sortant ainsi que les responsables des partis politiques, et c'est sur cette base qu’il désigne telle ou telle personnalité", ajoute Pierre Vercauteren.
C’est déjà la 3e fois que le Roi Philippe participe à la formation du gouvernement fédéral. Une première en 2014, tout juste un an après son intronisation, et une seconde fois en 2019 lors d’une élection délicate.