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L'Espagne, touchée par des inondations meurtrières, peut compter sur l'aide... spatiale. Comme dans de nombreux cas de catastrophes naturelles, "Copernicus" est activé, avec un impact qui peut être très concret pour les autorités.
Les images des inondations en Espagne sont impressionnantes au sol, mais aussi depuis le ciel. Dans la nuit du 29 au 30 octobre, des pluies diluviennes ont provoqué des crues dévastatrices, menant à la mort de plus de 150 personnes. En regardant depuis l'espace, l'ampleur des dégâts ne fait aucun doute. De grandes zones brunâtres ont, très visiblement, envahi la côte espagnole.
Ce ne sont que les premières images, prises par les Sentinel, satellites du système Copernicus. Géré conjointement par l'Agence spatiale européenne et la Commission européenne, ce programme a été initié à la fin des années 1990 pour observer la Terre de manière continue. Il sert aussi, régulièrement, lors de catastrophes naturelles.
Le 30 octobre, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l'annonçait : "Les équipes de secours travaillent sans relâche pour sauver le plus grand nombre possible et l’Europe est prête à aider. Nous avons activé notre système satellite Copernicus pour aider à coordonner les équipes de secours et nous avons déjà proposé d'activer notre mécanisme de protection civile."
Le service Copernicus de gestion des urgences (CEMS) a été activé à 17 h 40, le 29 octobre. Il s'agit de la composante qui s'occupe des catastrophes naturelles. Contacté par la rédaction, Simone Dalmasso, chef d'équipe au CEMS, explique le fonctionnement de son service : "La composante de cartographie à la demande est un élément qui est demandé, en Europe, par les États membres chaque fois qu'il y a une catastrophe. Lorsque cela se produit, le service acquiert immédiatement une image satellite et analyse ces données dès que possible afin de fournir des informations opportunes pour soutenir la capacité nationale pendant la crise."
Ces images satellite sont actuellement analysées par nos experts
Dans ce cas précis, ce sont "des informations et des images satellitaires optiques à très haute résolution" qui ont été acquises par l'équipe de Copernicus. "L'acquisition a eu lieu aujourd'hui dans l'après-midi. Ces images satellite sont actuellement analysées par nos experts. Dans quelques heures, si ce n'est plus tôt, nous aurons une idée précise de l'étendue de l'événement et de la zone touchée," dévoile Simone Dalmasso.
Ces images couvrent une zone bien plus large qu'une image aérienne ou prise par un drone. Trois types de cartes peuvent être créés, à la demande des autorités, pour les aider durant une catastrophe naturelle :
- Des cartes de références, qui sont basées sur l'imagerie satellitaire acquise avant la catastrophe et sont souvent utilisées à des fins de comparaison, comme base de référence pour la création de produits post-urgence.
- Les cartes de délimitation, qui indiquent l'étendue de la zone touchée par l'événement.
- Des cartes d'évaluation des dégâts (estimant l'impact sur les infrastructures et les populations)
"L'idée est de fournir des informations les plus précises possible au service d'intervention, comme une cartographie précise des zones touchées, de la situation au niveau des infrastructures par exemple, ou de l'importance de la population dans la zone impactée. Ces informations sont fournies le plus rapidement possible aux services de secours via des systèmes de transfert de données," complète Anne Orban, responsable du laboratoire de traitement de signal au Centre spatial de Liège.
Grâce aux différentes cartes fournies, les autorités peuvent évaluer l'ampleur de la catastrophe, mais aussi mieux planifier et coordonner les efforts de réponse. Il faut cependant du temps pour que ces données soient disponibles.
Ce soir, jeudi 31 octobre, les autorités espagnoles n'ont pas encore pu voir les images de Copernicus : "Il faut du temps pour que les satellites survolent la zone et pour que l'équipe d'experts l'analyse et fournisse les informations," justifie Simone Dalmasso, en précisant que la zone couverte est de 30 000 kilomètres.
Il s'agit de quantifier l'impact sur les infrastructures et les biens
Mais une fois obtenues, les informations de Copernicus seront particulièrement utiles : "Normalement, au début d'une activation pour des inondations en particulier, la première donnée importante à comprendre est l'étendue de l'événement, sa magnitude. C'est ce que le service de cartographie à la demande de Copernicus fournit actuellement. Demain, nous effectuerons également d'autres vols avec la composante aérienne, à très haute résolution, afin d'évaluer les dégâts. Il s'agit de quantifier l'impact sur les infrastructures et les biens," précise encore l'ingénieur.
Les images de Copernicus sont suffisamment précises pour observer l'ampleur des dégâts sur chaque immeuble ou infrastructure d'une zone donnée.
Les activités de Copernicus
Le Copernicus Emergency Management Service (CEMS) ne s'occupe, bien sûr, pas seulement des inondations, mais d'un large éventail de situations d'urgence résultant de catastrophes naturelles ou d'origine humaine, notamment les tremblements de terre, les tsunamis, les glissements de terrain, les tempêtes violentes, les incendies, les accidents industriels, les éruptions volcaniques et les crises humanitaires.
Ce service est disponible 24 h sur 24 pour tous les États membres de l'Union européenne, mais aussi pour la communauté internationale. Il est ainsi régulièrement activé lors de catastrophes de grande ampleur ou moyenne ampleur. C'était notamment le cas lors des inondations en Belgique en juillet 2021. Cette année, le "Rapid Mapping" a été activé 60 fois, dont 27 fois pour des inondations.
En dehors des situations de crise, le CEMS peut identifier et cartographier les zones à risque, élaborer des plans de prévention et de réduction des risques ou mettre en place des systèmes d'alerte précoce. "La composante de cartographie à la demande peut être activée pour la préparation à la crise, pendant la crise ou après la crise à des fins de post-catastrophe et de reconstruction," précise encore Simone Dalmasso.
Il est important de noter que les données et informations récoltées et partagées par Copernicus sont disponibles sur internet à tous et ce, gratuitement, dans certaines conditions et limites. Cela permet à des scientifiques, des entreprises ou des entités publiques de pouvoir facilement récupérer ces données.
Copernicus a, en tout, six services : la surveillance de l’atmosphère, la surveillance des milieux marins, la surveillance des terres et de l’agriculture, la surveillance du changement climatique, la gestion des urgences et la sécurité.
D'autres leviers pour aider l'Espagne
En plus de Copernicus, l'Europe a d'autres moyens d'aider les régions sinistrées par les catastrophes naturelles, comme les inondations. Ursula von der Leyen a notamment annoncé, au même moment, l'activation du mécanisme de protection civile de l'Union européenne (MEPC). Ce dispositif, créé en 2001, permet de coordonner l'aide des pays participants (10 pays qui ne sont pas membres de l'UE en font partie) pour aider un État qui ne peut pas faire face, seul, à une situation d'urgence de grande ampleur.
Ce système a, notamment, été activé en Ukraine ou en Turquie. Ce mécanisme peut permettre d'apporter une assistance matérielle, des expertises ou encore des équipes sur le terrain.
Certains pays touchés par des catastrophes naturelles majeures bénéficient également du Fonds de solidarité de l'Union européenne, qui permet de financer une partie des coûts des opérations d'urgence et de reconstruction, comme la réparation des infrastructures endommagées, la sécurisation des infrastructures préventives, la protection du patrimoine culturel et les opérations de nettoyage.
L'Espagne va-t-elle pouvoir en bénéficier ? Patience, il ne s'agit pas d'un outil permettant de réagir rapidement à des situations d'urgence.