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Entre 20 et 30.000 euros par mois, c'est le salaire confortable qui attend Hadja Lahbib, ministre des Affaires étrangères sortante, pour son prochain rôle de commissaire européenne. Mais, au fait, de quoi s'agit-il ? Quel sera son travail au sein de la Commission européenne ?
L'annonce se sera fait attendre, mais la candidate belge au poste de commissaire européenne est désormais connue. C'est la ministre sortante des Affaires étrangères, Hadja Lahbib qui a été choisie par les négociateurs au niveau fédéral.
"Le MR a proposé Hadja Lahbib comme candidate à la fonction de commissaire européen", a écrit Georges-Louis Bouchez sur X. "Cette désignation traduit une volonté de féminisation et de renouveau tant au niveau du parti que des structures publiques. Elle marque aussi la reconnaissance du brillant travail effectué par Hadja (Lahbib) dans la gestion de la présidence (du Conseil) de l'Union européenne par la Belgique."
Mais concrètement, quel est le rôle de commissaire européen, endossé depuis 2019 par Didier Reynders ?
Qu'est-ce qu'un commissaire européen?
Il s'agit d'un responsable, nommé par chaque État de l'Union européenne pour siéger au sein de la Commission européenne. "C'est à peu près l'équivalent d'un ministre", complète Quentin Michel, professeur ordinaire à l'ULiège. "C'est quelqu'un qui est en charge d'exécuter des décisions qui sont prises par le Parlement et le Conseil des ministres, donc c'est une forme d'exécutif, une sorte de gouvernement".
Chacun des 27 commissaires européens est responsable d'un domaine, qu'on appelle "portefeuille". Par exemple, Didier Reynders était commissaire européen à la Justice.
En plus de la fonction exécutive, le commissaire européen peut proposer de nouvelles lois et politiques pour l'UE: "Il a un pouvoir d'impulsion, de venir avec de nouvelles idées qui sont décidées collégialement par la Commission européenne. Après, elles partent vers le Parlement, et ou, vers le Conseil pour être adoptées et validées. Enfin, elles seront renvoyées vers la commission pour leur mise en œuvre", explique Quentin Michel.
Le poids d'un commissaire européen en tant que tel n'est pas énorme
Pour rappel, le Parlement européen, composé des 720 eurodéputés exerce le pouvoir législatif et représente les citoyens. Le Conseil de l'Union européenne, composé des ministres des gouvernements de chaque État membre, représente les gouvernements nationaux. La Commission représente les intérêts de l'UE dans son ensemble.
"Le poids d'un commissaire européen en tant que tel n'est pas énorme", nuance le professeur. "Toutes les décisions sont prises à la majorité simple par l'ensemble des commissaires, donc il faut la majorité d'entre eux pour que les décisions soient prises, mais c'est quand même le commissaire qui est à la base et qui initie la décision".
Un commissaire européen a également un troisième devoir, celui de veiller au respect des lois européennes par les États membres.
Pour toutes ces responsabilités essentielles, un commissaire europé
en est payé environ 23. 000€ brut par mois. À ce chiffre, il faut ajouter une indemnité mensuelle de représentation de plus de 600€, une indemnité de résidence de plus de 3400€, ainsi que des avantages comme des allocations familiales.Comment un commissaire européen est-il choisi ?
Chaque pays membre de l'Union européenne propose une personne pour le rôle de commissaire. Mais ce n'est pas tout. Hadja Lahbib n'est, en fait, pas encore tout à fait assurée d'être nommée.
La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, est chargée de choisir parmi les candidats pour constituer une équipe de 27 commissaires. Cela ne devrait pas être compliqué, les candidats ne sont pas nombreux cette année : "La Présidente avait demandé, et ça n'a pas été fait, que chaque État membre propose un homme et une femme pour qu'elle puisse choisir. Malheureusement, à part la Bulgarie, tous les États ont posé un seul nom", rapporte Quentin Michel.
Une fois que les candidats ont été choisis, Ursula von der Leyen leur proposera un portefeuille avant la dernière étape, celle de l'audition devant le Parlement européen : "C'est souvent un jeu de questions-réponses. Le Parlement va auditionner chaque candidat pour voir si, effectivement, il connaît les dossiers pour lesquels il va être chargé", complète le professeur. Enfin, le Parlement votera l'approbation de la Commission.
En 2019, les candidats hongrois et roumains à la Commission avaient été rejetés par les eurodéputés en raison de soupçons de conflits d'intérêts.
Je serais étonné qu'elle ne passe pas
Théoriquement, Hadja Lahbib pourrait ne pas être élue. En pratique, pour Quentin Michel, ce serait peu probable : "Je serais étonné qu'elle ne passe pas. D'abord, parce qu'effectivement, je pense que c'est quelqu'un qui a une certaine expérience en la matière. Deuxièmement, de manière peut-être un peu plus cynique, c'est une femme. Comme Mme von der Leyen se plaignait qu'elle n'a pas eu un nombre suffisant de propositions de femmes comme futur commissaire, j'imagine mal que c'est elle qui pourrait être écartée de premier bord", analyse le spécialiste.
Sait-on, à l'heure actuelle, quel portefeuille sera attribué à la future commissaire européenne ? Non, cette information n'est pas encore connue. Cependant, son passé de ministre des Affaires étrangères pourrait avoir son importance. "Si on regarde par le passé, il faut évidemment qu'il y ait une sorte d'adéquation entre les connaissances de la personne, ce sur quoi elle a travaillé, et le portefeuille qu'on lui a attribué", répond Quentin Michel.
Toutefois, impossible de faire des pronostics : "Aujourd'hui, il est très difficile d'imaginer ce que madame von der Leyen réserve pour la future commissaire belge. Est-ce qu'elle hériterait du même portefeuille que son prédécesseur (la Justice, ndlr) ? C'est possible, mais il n'y a pas de chances gardées, en tout cas pas pour la Belgique".
Désormais, la présidente de la Commission européenne a une dizaine de jours pour constituer son équipe, avant le passage devant le Parlement. L'objectif est que sa Commission soit constituée pour le 1er novembre prochain.
L'ascension fulgurante d'Hadja Lahbib, trop rapide ?
Rappelez-vous, Hadja Lahbib était, il y a quelques années encore, journaliste à la RTBF, après être passée par RTL tvi. Présentatrice du journal, la journaliste est aussi envoyée dans diverses régions du monde, en particulier les Proche et Moyen-Orient ainsi qu'en Afghanistan.
Le destin d'Hadja Lahbib prend un tournant lorsqu'elle est promue en 2022, à la surprise générale, ministre des Affaires étrangères pour remplacer Sophie Wilmès.
Guerre en Ukraine, libération d'Olivier Vandecasteele détenu en Iran, guerre dans la Bande de Gaza,… Hadja Lahbib n'a pas manqué de dossiers brûlants et compliqués.
Malgré tout, l'expérience de deux ans d'Hadja Lahbib sera-t-elle suffisante pour remplir, au mieux, le rôle de commissaire européenne ? Didier Reynders avait déjà été ministre quatre fois, depuis 1999, avant d'arriver à l'Europe en 2019.
La plupart des commissaires européens sont des gens qui ont, par le passé, touché de près ou de loin en tout cas, au pouvoir politique
Pour être un commissaire européen, certaines compétences sont importantes : "Il faut d'abord une connaissance fine du système de fonctionnement des institutions européennes. C'est complexe, parce qu'il y a beaucoup d'enjeux. Il faut savoir, d'une certaine manière, où on met les pieds, comment la machine institutionnelle fonctionne, quels sont les limites dont on dispose", répond Quentin Michel.
"Il faut avoir un bon réseau. C'est la Commission qui propose, donc il faut que s'il mette quelque chose sur la table, il obtienne l'appui d'une majorité, et en général de l'unité, de l'ensemble des commissaires. Et lorsqu'on regarde, la plupart des commissaires européens sont des gens qui ont, par le passé, touché de près ou de loin en tout cas, au pouvoir politique, que ce soit interne, à l'État, ou souvent dans les institutions européennes".
Alors, Hadja Lahbib a-t-elle ces compétences requises ? "Je lui souhaite", répond le professeur. "Elle a déjà une certaine connaissance, puisque par définition, elle a siégé au Conseil des ministres, puisqu'il y a le Conseil des affaires étrangères, qui est un conseil particulier", rappelle-t-il.
Mais la future commissaire devra jouer un tout autre rôle: "Ce qui va être, peut-être, difficile pour elle, c'est de changer de rôle. Elle passe du rôle d'État membre qui défend le point de vue d'un État membre, au rôle de commissaire qui va devoir soutenir l'intérêt général, l'intérêt de l'Union européenne, et non plus l'intérêt de la Belgique".
L'essentiel pour la Commission va être de pouvoir continuer à être considérée comme légitime
Hadja Lahbib aura aussi certains défis importants, en rapport avec le contexte général de l'Union européenne. "Le plus gros défi pour la Commission aujourd'hui, c'est justement de faire face à la manière dont les États membres évoluent et dont certains remettent de plus en plus en question le rôle de la Commission, voire même le rôle de l'Union européenne", affirme Quentin Michel en citant les Pays-Bas, la Hongrie ou la Pologne par le passé. "L'essentiel pour la Commission va être de pouvoir continuer à être considérée comme légitime, de pouvoir continuer à défendre l'Union européenne et ses avancées".