Accueil Actu Décryptage RTL info

Élections 2024: combien dépensent les partis sur les réseaux sociaux?

Depuis le début de la campagne électorale, quels sont les partis qui ont le plus investi en publicités ciblées sur Facebook et Instagram ? Xavier Degraux, spécialiste des réseaux sociaux, a récolté l'ensemble des montants dépensés par les différents partis politiques entre le 10 février et le 9 mai.

D'après cette étude, c'est le Vlaams Belang qui sort du lot avec 299.446 euros de dépenses en publicité ciblée Meta (Facebook et Instagram), depuis le 10 février dernier, soit le début de la période de "prudence". Une période qui commence quatre mois avant les élections, pendant laquelle les partis sont limités dans leurs dépenses électorales. Le PVDA arrive en seconde position avec 176.637 euros, alors que Les Engagés complètent le podium avec 117.133 euros. Attention, ces dépenses concernent uniquement les comptes officiels des différents partis.

Edition numérique des abonnés

À tous ces montants, il faut encore rajouter les dépenses liées aux communications publiées sur les comptes Meta des présidents et présidentes de partis. On ne parle donc plus ici des comptes officiels des partis, mais des pages "personnelles" des présidents et présidentes. Avec des montants loin d'être négligeables. Le président du Vlaams Belang Tom Van Grieken remporte la mise avec pas moins de 77.219 euros dépensés, suivi par Raoul Hedebouw est ses 56.849 euros, et enfin Melissa Depraetere avec 32.995 euros. "Depuis 15 ou 20 ans, il y a une tendance forte à la personnification du parti par son président ou son leader de fait. De manière générale, la vie politique, c'est à la fois personnifier et présidentialiser. Cette dynamique est plus importante dans le chef de certains partis comme c'est le cas de Tom Van Grieken au Vlaams Belang", explique Pascal Delwit, professeur en science politique à l'ULB.

Edition numérique des abonnés

Pourtant, le président auquel le parti consacre proportionnellement le plus de dépenses n'est autre que Georges-Louis Bouchez, avec 65 % de dépenses utilisées pour ses profils Facebook et Instagram officiels comparativement à celles dépensée pour les pages officielles du MR. Le chiffre descend à 35 % pour Raoul Hedebouw et 25 % pour Tom Van Grieken. "Quand on le compare aux autres, Georges-Louis Bouchez incarne beaucoup plus" détaille Xavier Degraux, expert en communication digitale et auteur de l'étude. "On investi au niveau de parti beaucoup plus sur le président qu'ailleurs. C'est une stratégie tout à fait atypique par rapport aux autres partis, mais surtout par rapport aux partis beaucoup plus extrêmes qui ont l'habitude d'incarner fortement, comme le Vlaams Belang ou le PTB."

Pour Pascal Delwit, le président du MR bénéfice d'une "personnification et d'une présidentialisation" poussées à leur paroxysme. "Non seulement dans les posts sponsorisés sur Instagram et Facebook où Georges-Louis Bouchez est au cœur, mais aussi dans la communication du parti en général. Si on analyse les posts du MR, cela concerne essentiellement l'activité et les propos de Georges-Louis Bouchez. On n'avait jamais eu au MR un tel niveau de personnification et de présidentialisation, malgré des présidents relativement forts par le passé, tels que Charles Michel, Louis Michel ou encore Didier Reynders", explique-t-il.

Les extrêmes plus dépensiers

Si l'on prend en compte les dépenses publicitaires réalisées sur Facebook et Instagram par le Vlaams Belang et le PTB/PVDA, et ce, sur leurs pages nationales et celles de leurs présidents, on arrive à un chiffre de 675.643 euros. Cela représente 47,2 % des dépenses totales sur les réseaux sociaux, tout partis confondus (1.428.737 euros). "Il y a deux raisons principales à cela", analyse le professeur de l'ULB. "La première, c'est que ce sont très souvent des partis d'opposition, soit des partis qui ont tendance à dénoncer un certain nombre de choses. Les réseaux sociaux se prêtent bien à la dénonciation plutôt qu'à la proposition. L'autre raison provient du fait que les réseaux sociaux se prêtent également à une communication réduite à sa plus simple expression. Les messages postés sur Facebook postés par le Vlaams Belang et le PTB/PVDA sont très courts et percutants. Ce sont des messages qui font peu appel à la nuance et au développement. Certains scientifiques estimes d'ailleurs que les réseaux sociaux sont des canaux de communication qui appellent à un discours poujadiste, populiste, voire démagogique." La N-VA arrive en troisième position avec 8.7 % des dépenses, alors que Les Engagés, s'ils occupent la quatrième place au niveau national avec 8.4 % des dépenses, constitue le mouvement le plus dépensier côté francophone.

Edition numérique des abonnés

Effet de "mimétisme"

Si l'on compare avec le dernier trimestre de 2023, soit la période de pré-campagne électorale, le Vlaams Belang accuse une légère baisse de ses dépenses Meta de 3.5 %, passant de 390.012 euros à 376.675 euros alors que le PTB/PVDA ont vu passer leurs dépenses Meta de 172.341 euros à 298.978 euros, soit une augmentation de 73.48 %. Pourtant, c'est bien le Parti socialiste qui sort du lot, leurs dépenses au dernier trimestre de 2023 étant passées de 16.283 euros à 107.001 euros entre le 10 février et le 9 mai, ce qui représente un bond colossal de 557% ! "Le Parti socialiste, comme les autres, a décidé d'investir dans les réseaux sociaux, bien que cela reste en deçà de ce que font le Vlaams Belang et le PTB. Paul Magnette a toujours été plutôt rétif à sponsoriser sur Meta, il le faisait assez peu. Aujourd'hui, on voit clairement qu'une part non-négligeable du budget de campagne y a été dédiée", expose Pascal Delwit, qui n'hésite pas à parler d'un "effet de mimétisme" suscité par les dernières élections. "Il y a une dynamique qui s'est créée en 2019 avec le Vlaams Belang et le PTB qui ont massivement investi sur Facebook, suite à quoi ils ont gagné les élections. Il y a eu une interprétation mécanique laissant entendre que ceux qui investissent sur Facebook gagnent les élections. Et donc tout le monde a décidé de faire la même chose", indique le politologue, pour qui ne pas investir sur les réseaux sociaux "n'est pas une option pour les candidats et les candidates qui souhaitent obtenir des voix de préférence."

Il est important de souligner que les montants révélés par cette étude représentent environ 80 à 85 % de l'ensemble des dépenses électorales consacrées aux pages officielles des partis ainsi que celles des présidents et présidentes. Ils ne prennent pas en considération les publicités issues d'autres pages "locales" des différents partis, ainsi que des mouvements associatifs qui gravitent autour de ces partis, plus difficiles à identifier. Certaines publicités politiques ne sont pas labellisées comme telles et sont "probablement passées sous les radars de Meta." Enfin, bien que cette étude dessine certaines tendances, il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions définitives. "Si un parti a prévu d'accélérer ses communications dans la dernière ligne droite à l'approche des élections, cela peut entraîner dans son sillage d'autres partis qui vont vouloir contre-attaquer. Ce qui chamboulerait le classement. On ne peut donc pas conclure que les trois premiers mois de campagne vont déterminer le dernier mois", conclut Xavier Degraux.

 

À lire aussi

Sélectionné pour vous