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Décryptage - Qu'est-ce que le "Projet 2025", le plan des alliés de Donald Trump qui pourrait provoquer des "violences de masse"?

Le 5 novembre prochain, le destin des États-Unis d'Amérique pourrait bien basculer. Entre montée des extrêmes et tensions internes, un dangereux cocktail semble se préparer et l'un des ingrédients fait parler de lui : un plan en cas de victoire de Donald Trump élaboré par ses fidèles soutiens.

Les élections américaines se rapprochent à grands pas. Le 5 novembre prochain, la première puissance mondiale se choisira un nouveau leader, ou pas. Joe Biden, candidat à sa propre succession, pourrait rempiler pour un second mandat, à pratiquement 82 ans (il les aura le 20 novembre). Pour ce faire, il devra vaincre dans les urnes son adversaire revanchard de 2020 : Donald Trump.

Alors que les primaires des partis républicains et démocrates ne sont même pas encore officiellement terminées, un sujet fait parler de lui avec de plus en plus d'insistance : The Project 2025.

Une menace ?

Ce "Projet 2025", est l'œuvre d'un groupe de pensée très influant dans le camp républicain, l'Heritage Foundation.

Le magazine Society définit ce 'think tank' comme "le centre d'influence numéro 1 du conservatisme depuis les années Reagan (qui fut président de 1981 à 1989, ndlr)". Il regroupe les plus grosses associassions ultraconservatrices du pays et est dirigé depuis 2021 par Kevin Roberts. Avant d'arriver à la tête de l'Heritage Fondation, Roberts s'est fait remarquer, alors qu'il était président du Wyoming Catholic College de 2013 à 2016, en interdisant aux étudiants et professeurs LGBTQ+ d'accéder à l'établissement. 

Selon le New York Times, le Projet 2025 vise à doter Trump d'un arsenal à même de déployer un "mandat de la terreur". Une vision assumée par le directeur du projet, Paul Dans : "Il s'agit d'élaborer un plan global de déconstruction de l'État administratif".

Les mots sont judicieusement choisis. Il s'agit bien de faire la guerre à "l'État profond". Cette notion, devenue un nouvel argument préféré de Donald Trump dans ses discours, vise principalement les fonctionnaires qui ne changent pas avec les présidents. Le site de Radio Canada détaille plus précisément cette notion. "Au-dessous de ces hauts dirigeants de la fonction publique, qui passent par les portes tournantes de Washington à chaque nouvelle présidence, se trouvent environ 2 millions de personnes qui bénéficient de solides protections en matière d'emploi afin qu'il soit plus difficile pour un nouveau président d'un parti politique différent de les virer". 

"Ce sont en fait des protections, inscrites dans la loi, qui permettent d’avoir une fonction publique censée être apolitique. On parle ici de fonctionnaires fédéraux dotés d’une expertise institutionnelle grâce à de longues carrières au service de présidents républicains et démocrates", ajoutent nos confrères canadiens. 

Le programme

Pour remplir ses presque 1000 pages, le Projet 2025 s'appuie sur quatre piliers principaux :

  1. Un programme politique de 920 pages établi avec une centaine d’organisations à la pointe de toutes les luttes ultra-conservatrices.
  2. Une série de lois et de décrets pour les six premiers mois d’une nouvelle administration Trump.
  3. Une base de données de personnes qui pourront prendre la place de fonctionnaires de l’Etat profond qui vont se faire limoger
  4. La création de la 'Presidential Administration academy', qui aura pour but d’enseigner aux futurs fonctionnaires pro Trump comment ils devront travailler

Selon le magazine Society, le quatrième pilier serait actuellement en train de former 10.000 personnes. Paul Dans, le directeur du projet, les décrit comme "une nouvelle armée de conservateurs alignés, entraînés et armés, prêts à livrer batailler à l'État profond". 

À l'image de ce vocabulaire très guerrier, les lignes du Projet 2025 sont remplies d'une vive agressivité. En guise d'exemple, Society souligne que le verbe "éliminer" est utilisé 260 fois dans ce recueil. 

Les personnes derrière ces recommandations sont toutes issues d'une orientation politique très conservatrice. Cela se ressent dans le texte qui prescrit l'interdiction des pilules abortives et qui invite le prochain président à "maintenir une définition du mariage et de la famille fondée sur la Bible", ainsi que revenir sur les lois interdisant les discriminations basées sur "l'orientation sexuelle et l'identité de genre". 

"Le Projet 2025 est très clairement sur la voie du nationalisme chrétien et de l'autoritarisme. Il rejette la séparation constitutionnelle de l'Église et de l'État, privilégiant plutôt les croyances religieuses sur les lois civiles", condamne dans un rapport le Global Project Against Hate and Extremism (GPAHE). 

Tous les points cités précédemment sont clairement indiqués dans les lignes du Projet. Mais d'après une enquête réalisée par le Washington Post, l’objectif caché de ce programme serait d’instaurer aux États-Unis un régime autoritaire ou au mieux semi-autoritaire en cas de victoire de Donald Trump en 2024. Cela passera par museler ou châtier en "toute légalité" opposants et critiques, ou encore pour déployer préventivement la garde nationale, autrement dit l'armée, dans toutes les grandes villes américaines en cas de risque de manifestations hostiles à leur politique, et cela, en imposant au besoin la loi martiale. 

Le journal américain affirme encore que Trump aurait déjà dressé une liste de personnalités qu'il souhaite faire poursuivre ou faire l'objet d'une enquête.

Pas une première

C'est en 1973 que l'Heritage Foundation a vu le jour. À l'époque, le but du fondateur, Joseph Coors, était d'armer les républicains sur le plan intellectuel. En 1980, juste avant les élections remportées par Ronald Reagan, le think tank élabore un guide pour les candidats de droite. Les mesures étaient moins extrêmes qu'aujourd'hui, mais demandait une réduction des impôts et un doublement du budget militaire, entre autres. 

Après son élection, Reagan aurait fait distribuer ce guide à tous ses ministres et se tourne même vers l'Heritage Foundation pour recruter et organiser son administration. À la fin de la première année de son mandat, 60% des 2000 idées du guide étaient mises en œuvre, rapporte encore le magazine Society. 

Bien des années plus tard, Donald Trump a eu le même recourt à cette organisation pour nommer des gens à des postes importants de sa présidence. 

Depuis, l'influence du groupe de pensée n'a cessé de grandir. "Grâce à l'Heritage Foundation, nous étions devenus le seul parti à produire des idées nouvelles", se souvient Mickey Edwards, un des cofondateurs. "A tel point que même la gauche s'inspirait de nous". Aujourd'hui, Edwards a pris ses distances avec le groupe et soutien même les démocrates. "Ils se sont mis à utiliser la religion pour justifier toutes les dérives, à sacrifier l'intellect au profit des bas instincts des gens, et ce n'était pas le deal au départ. L'Heritage Foundation était censée être un think tank, rien d'autre".

L'Amérique tremble

Interrogés par Romuald Sciora, directeur de l'Observatoire politique et géostratégique des États-Unis de l'IRIS (institut de relations internationales et stratégiques), plusieurs experts se sont alarmés de l'avenir si Donald Trump devait être réélu. 

Même s'il venait à perdre une nouvelle fois les élections, Donald trump pourrait semer le chaos, redoute Fiona Hill ancienne assistante adjointe de Trump durant son mandat. Selon elle, il y a un vrai risque de voir l’ancien président contester tout résultat des urnes qui lui serait défavorable et tenter, s’il perd, de reconquérir le Bureau ovale via un nouveau coup de force. "Et là, s’il réussit, il faudra attacher sa ceinture, car il nous entraînera dans une cascade de crises constitutionnelles", avertit-elle.

Même son de cloche chez Robert Kagan. Le chef de file des néoconservateurs affirme que "Donald Trump se prépare activement à assurer sa victoire par tous les moyens nécessaires" et que s'il y parvient "les États-Unis se dirigeraient alors vers leur plus grande crise politique et constitutionnelle depuis la guerre de Sécession avec […] des perspectives crédibles de violences de masse et de division du pays".

Enfin, Reed Brody, ancien substitut du procureur de l’État de New York et devenu avocat spécialisé dans la défense des victimes des régimes dictatoriaux assène : "Si Trump redevenait président, la démocratie américaine ne serait rapidement plus qu’un souvenir."

Alors le "Projet 2025" verra-t-il le jour le 20 janvier 2025, date d'entrée en fonction du prochain président ? La réponse dépendra du résultat des urnes.

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