Accueil Actu Belgique Société

Le seuil des 13.000 détenus atteint en Belgique: "Il n'y en a jamais eu autant dans le pays"

Face à une situation de plus en plus critique dans les prisons belges, la ministre de la Justice et le SPF Justice annoncent des mesures d'urgence pour tenter de contenir la crise.

Ce week-end, la Belgique a franchi un seuil symbolique : plus de 13.000 détenus sont actuellement incarcérés pour seulement 11.040 places disponibles au sein des 38 établissements du pays, maisons de détention et de transition comprises.

Malgré les mesures d’urgence déjà mises en place ces derniers mois, la surpopulation carcérale continue de s’aggraver.

Des détenus à même le sol

Au total, 13.018 détenus sont aujourd'hui sous les verrous, auxquels s'ajoutent plus de 700 condamnés en congé pénitentiaire prolongé (CPP) et plus de 3.000 personnes dont la peine est suspendue dans l’attente d’une future incarcération.

"Il n'y a jamais eu autant de détenus en Belgique", avoue l'administration pénitentiaire. La situation est telle que 267 détenus dorment actuellement sur un matelas posé à même le sol, malgré une répartition optimale des prisonniers dans les différentes infrastructures du royaume.

"On est à côté du projet initial de l’emprisonnement"

Pour Claudine Coupienne, secrétaire permanente justice pour la CSC, cette situation est le résultat d’une dérive qui dure depuis trop longtemps.

"On n'arrête pas de tirer la sonnette d'alarme par rapport à cette surpopulation qui n'en finit pas. C'est plus grave aujourd'hui que par le passé parce qu'on a déjà boosté la capacité des prisons à leur maximum", nous explique-t-elle.

Selon elle, l’occupation des prisons dépasse largement les limites acceptables : "On a mis des lits superposés partout où on pouvait en mettre, les matelas à terre, on occupe toutes les cellules, même peut-être certaines qui ne devraient pas être occupées...".

La façon dont on fait exécuter les peines aujourd'hui n'a pas un effet positif

Elle précise : "On en arrive à 13.000 détenus pour une capacité opérationnelle de 11.020 normalement, mais qui est déjà un chiffre boosté. Donc on n'a plus de solution alternative…".

Claudine Coupienne insiste sur le fait que les conditions de détention actuelles nuisent à la mission première des prisons : "La façon dont on fait exécuter les peines aujourd'hui n'a pas un effet positif. Ce n'est pas dans de bonnes conditions. Les gens qui ressortent d'une détention pareille ne sont pas améliorés, ne sont pas réinsérés".

Un avant-projet de loi pour désengorger les prisons

Face à cette urgence, Annelies Verlinden, ministre de la Justice, propose un avant-projet de loi contenant plusieurs mesures temporaires. Parmi celles-ci : la libération provisoire et la surveillance électronique pour les condamnés à des peines allant jusqu’à trois ans, ainsi qu’une libération anticipée de six mois avant la fin de peine.

Mais pour Claudine Coupienne, ces mesures ne résoudront qu’une partie du problème : "Ça peut être une solution, mais très limitée. On a déjà joué avec les congés pénitentiaires, mais ça ne suffit pas, puisque malgré que ces mesures-là sont déjà en place, on dépasse les 13.000 détenus. C'est un problème qui est systémique et qui doit vraiment être fait en profondeur".

C'est beaucoup plus que 2.000 places qu'il manque dans les prisons

Elle souligne également que le manque criant de places va bien au-delà des chiffres officiels : "Si on veut respecter 9-10 mètres carrés par individu avec certaines conditions de détention, une préparation à la réinsertion, etc., c’est beaucoup plus que 2.000 places qu'il manque dans les prisons".

Un plan pour renforcer la sécurité dans les prisons

Le SPF Justice élabore un plan d’action articulé autour de plusieurs axes :

  • Prévenir les menaces des détenus contre le personnel.
  • Placer les détenus les plus agressifs dans des cellules sécurisées avec un encadrement adapté.
  • Lutter contre les communications illégales et le trafic d’objets (drones, téléphones, etc.).
  • Déployer des dispositifs de détection de drogue, y compris des chiens spécialisés.
  • Anonymiser les badges du personnel de surveillance et renforcer la sécurité des parkings.
  • Former le personnel à la détection de trackers GPS.
  • Intensifier les contrôles à grande échelle en collaboration avec les forces de l’ordre.

Un comité supérieur de concertation s’est réuni ce lundi pour discuter de ces mesures, dans un climat d'inquiétude partagée.

Le gouvernement sous pression

En parallèle, le comité de direction du SPF Justice a adressé une lettre au Premier ministre pour l’alerter sur l'urgence de la situation et réclamer un entretien.

La problématique de la surpopulation et de la sécurité dans les prisons est désormais au cœur des débats gouvernementaux.

Dans les semaines à venir, l’objectif est clair : mobiliser et obtenir l’adhésion autour de solutions urgentes et durables pour enrayer une crise qui atteint aujourd’hui son point culminant.

À la une

Les plus lus