Partager:
Le procès de Gérard Depardieu pour agressions sexuelles a été marqué par de vives tensions mardi. L'avocat de l'acteur a cherché à déstabiliser les plaignantes. Une tactique qui a montré des faiblesses mercredi, Gérard Depardieu s'est lui-même emmêlé les pinceaux.
Au troisième jour du procès de Gérard Depardieu pour agressions sexuelles, l'acteur et Sarah, la seconde plaignante, ont livré mercredi des versions différentes devant le tribunal correctionnel de Paris, lui niant l'avoir touchée, elle se remémorant "sa main sur (sa) fesse".
"Je l'ai peut-être frôlée avec le dos dans le couloir, mais je ne l'ai pas touchée !", affirme à la barre Gérard Depardieu, niant une nouvelle fois toute agression sur le tournage du film "Les Volets verts" de Jean Becker. La veille, il avait déjà nié s'en être pris à l'autre plaignante.
"Je n'ai pas fait d'agression sexuelle, une agression c'est plus grave que ça je crois", ajoute l'acteur. "Plus grave que quoi?", l'interpelle l'avocate de Sarah (prénom modifié), Me Claude Vincent. "Plus grave qu'une main aux fesses. Enfin, je n'ai pas mis de main aux fesses!", s'empresse d'ajouter l'acteur.
Gérard Depardieu, 76 ans, raconte n'être jamais seul sur un tournage, toujours accompagné de son équipe : habilleuse, maquilleuse, garde du corps. Ce n'est pas ce dont se souvient Sarah, troisième assistante sur le film, chargée, le 1er septembre 2021, d'accompagner l'acteur de la loge vers le plateau.
On est parti des loges, il faisait nuit
"Ce soir-là, son équipe n'est pas là", décrit la jeune femme. "On est parti des loges, il faisait nuit et au bout de la rue, il a mis la main sur ma fesse, il l'a posée tranquillement", a mimé Sarah, debout à la barre, à quelques mètres de Gérard Depardieu. Sarah, 34 ans, indique avoir été agressée ensuite à deux reprises, touchée sur les fesses et sur les seins. Les deux dernières fois, assure-t-elle, "j'ai dit non !", passée la sidération.
L'assistante explique avoir d'abord gardé ces épisodes pour elle par peur des conséquences sur son travail, avant d'en parler à sa responsable. C'est cette dernière qui aurait contacté la production du film pour demander des excuses à Gérard Depardieu.
Un enfer
Il s'est excusé "de façon assez énervée", se souvient Sarah, ajoutant qu'ensuite, il lui a fait vivre un enfer, la traitant "de balance", "de folle" et refusant de travailler avec elle. "Je ne voulais pas que des jeunes femmes viennent près de la loge parce que je suis grossier !", se défend l'acteur pour expliquer son comportement. "J'ai dit : arrêtons avec les personnes choquées, puisqu'un rien choque. Je préfère que ce soit un homme."
"Mais M. Depardieu, elle ne dénonce pas que vos mots, mais aussi des gestes !", intervient le président du tribunal. "Je suis vulgaire, grossier, ordurier, je veux bien ! Mais je ne suis pas que ça ! Je respecte les gens !", s'indigne-t-il. "Je ne touche pas."
Dans l'après-midi, une dizaine de témoins seront appelés à la barre, dont Fanny Ardant, soutien de Gérard Depardieu.
Des attaques personnelles lors du procès mardi
Mardi, au procès de Gérard Depardieu pour agressions sexuelles, l'avocat de l'acteur a cherché à déstabiliser les plaignantes et leurs conseils, faisant monter la tension à son paroxysme dans la salle bondée du tribunal correctionnel de Paris.
"Quand on a la vérité, quand on connait son histoire, il n'y a aucune raison de s'énerver. Je n'ai pas peur de Gérard Depardieu mais je pense qu'il n'est pas très sincère, il rame un peu", estime Amélie.
La décoratrice et plaignante, estime que le Gérard Depardieu qui est assis au tribunal, n'est pas celui auquel elle a été confronté : "Il a été sage, je l'ai trouvé très calme par rapport à ce que j'avais comme souvenir. Je pense qu'il a quand même pris conscience de la gravité de la situation et qu'il est en train de changer", pense Amélie.
Abject, stupide
"Arrêtez de le cuisiner pendant une heure ! C'est tellement abject ! Ça n'a pas de sens, c'est stupide", s'emporte Me Jérémie Assous, alors que Gérard Depardieu est interrogé par l'avocate d'Amélie, une des plaignantes.
"C'est insupportable de vous entendre", ajoute l'avocat de Gérard Depardieu, allant jusqu'à se moquer de la voix de sa consoeur, Me Carine Durrieu Diebolt.
Les avocates des parties civiles, traitées d'"hystériques" par Me Assous, se lèvent et protestent.
Dans la salle d'audience bondée, le public retient son souffle. A la barre Gérard Depardieu, vêtu tout de noir, observe la scène tout comme les deux plaignantes, Amélie et Sarah.
Après un rappel à l'ordre du président, les questions ont repris sans que l'acteur de 76 ans ne change de version. Selon ses souvenirs de ce jour de tournage en septembre 2021, il a seulement pris Amélie par les hanches "pour ne pas glisser" de son tabouret alors qu'il l'attaquait sur la décoration du film. A de nombreuses reprises, Gérard Depardieu avoue ne pas se rappeler, ne comprend pas la question, demande de répéter, de mieux articuler.
Dans la matinée, le prévenu a contesté l'agression sexuelle à la barre: "Il y a des vices que je ne connais pas", a-t-il expliqué, au deuxième jour de son procès. "Je ne vois pas pourquoi je m'amuserais à peloter une femme, des fesses, des seins, je ne suis pas un frotteur dans le métro", a-t-il lancé, assis sur un tabouret face au président du tribunal.
C'est quoi, graveleux ?
Interrogé dans la matinée sur les propos grossiers qu'il aurait tenus à l'encontre de la décoratrice, Gérard Depardieu s'est emporté: "C'est quoi, graveleux ? C'est dire 'chatte' ? 'Chatte', mais ça m'arrive tout le temps de le dire, même à moi-même, je trouve ça drôle !".
Dans la salle, assise au premier rang à côté de l'autre plaignante, Amélie, 54 ans aujourd'hui, a écouté attentivement celui qu'elle accuse avant de prendre sa place pour donner une version complètement différente.
Sur le tournage selon elle, Gérard Depardieu "gesticule", "grogne". "Ce n'est pas du tout le monsieur qu'on a là aujourd'hui", poursuit-elle, qualifiant l'acteur de "fauve".
J'aime la féminité
La décoratrice a raconté avoir évoqué le décor du film avec Gérard Depardieu et sa recherche de parasols des années 70 pour la suite du tournage dans le sud de la France.
Cheveux blonds mi-longs, Amélie a raconté doucement la suite: "Il referme alors les jambes, il m'attrape les hanches", mime-t-elle à la barre. "Il m'avance, il me coince, il a beaucoup de force et il malaxe", poursuit Amélie, se remémorant "son gros visage", "ses yeux rouges, très excités" et les propos de Gérard Depardieu: "Viens toucher mon gros parasol, je vais te le mettre dans la chatte !".
Pendant au moins trente minutes, l'avocat de Gérard Depardieu a interrogé la décoratrice sur la disposition de l'appartement, assurant en brandissant un plan que l'agression ne pouvait pas avoir eu lieu. La voix calme et posée, la mère de famille a maintenu sa version.
Humiliation
Concernant sa plainte contre Gérard Depardieu, déposée après trois ans, Amélie a expliqué qu'elle n'avait pas envie d'en parler, qu'elle se sentait "humiliée", précisant avoir eu beaucoup de mal à trouver du travail dans le cinéma une fois cet épisode connu dans le milieu.
"Moi ça fait trois ans !" a réagi plus tard Gérard Depardieu. "C'est horrible ce qu'on me fait en me refusant des contrats !", s'est-il écrié. "A chaque fois que j'ai essayé de chanter, j'avais une vingtaine de folles avec des pancartes qui m'attaquaient", a-t-il ajouté, faisant référence à ses concerts de reprises de Barbara perturbés par des manifestations féministes. "Je défends la liberté de parole, j'aime la féminité mais pas les femmes qui sont dans l'hystérie", a insisté le comédien.
Figure du cinéma français connue dans le monde entier, Gérard Depardieu a été accusé de comportements identiques par une vingtaine de femmes mais plusieurs procédures ont été classées pour cause de prescription des faits.
La comédienne française Charlotte Arnould, présente dans la salle depuis le début du procès, a porté plainte pour viol en 2018. Le parquet de Paris a requis un procès à l'encontre de l'acteur.