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Des changements dans les primes pour les rénovations à Bruxelles sont une source d’inquiétude pour ceux qui réalisent des travaux. Dans un premier temps, les autorités politiques ont annoncé qu’il n’y avait plus d’argent. Désormais, on annonce que les primes seront honorées jusqu’à la fin de l’année 2024. Ce qui crée une incertitude totale, notamment pour Gérard, qui nous a contactés via le bouton orange Alertez-Nous. Il a rénové son toit. Mais on lui annonce qu’il ne touchera finalement pas de prime. Tout le secteur est impacté par ces changements de mesures.
La transition écologique est devenue une source de frustration pour de nombreux citoyens en Belgique. En raison du nombre de demandes, la Région bruxelloise a indiqué durant l'été ne plus être en mesure de verser les primes à la rénovation et aux investissements dans l'économie d'énergie.
Lancées en 2022, les primes Renolution à disposition des habitants de la capitale pour soutenir leurs travaux de rénovation et d'économie d'énergie ont rencontré un grand succès et leur nombre n'a cessé d'augmenter.
Le budget qui leur a été consacré par le gouvernement bruxellois est ainsi passé de 22 millions en 2019 à 69 millions en 2024. Sous cette législature 2019-2024, plus de 250 millions leur ont été réservés.
Les autorités régionales ont alors annoncé être "dans l'obligation de suspendre dès le 16 août la possibilité d'introduire de nouvelles demandes de primes Renolution auprès d'urban.brussels et Bruxelles Environnement, dans l'attente d'une décision du futur gouvernement bruxellois quant à l'octroi de moyens budgétaires supplémentaires".
Début septembre, des membres de la probable future majorité à Bruxelles ont finalement annoncé que les travaux terminés en 2024 pourront bel et bien bénéficier de primes.
Des annonces chaotiques qui ont plongé Gérard dans l'incertitude. Convaincu par les primes proposées par la Région, l'habitant de Watermael-Boitsfort a investi près de 30.000 euros dans des travaux pour rénover sa toiture. Il espère récupérer 6.000 euros de primes, mais il a reçu un mail lui faisant penser qu’il n'allait rien toucher. "Mon dossier a été introduit au mois de mars, et les travaux ont été terminés en janvier. Le mail que j’ai reçu dit qu'il n’est plus possible de recevoir de prime pour l’instant", regrette Gérard, qui s'est senti quelque peu trahi par les autorités.
Ce mail envoyé à Gérard démontre la période d’incertitude politique. Les promesses de l’ancien gouvernement bruxellois seront-elles tenues par la probable future majorité ? Concernant l'année 2024, les travaux terminés pourront donc bénéficier de primes, mais que va-t-il se passer en 2025 ? "Je pense qu’il faut pouvoir assurer la continuité de ce que le président du gouvernement avait promis. C’est ce qu’on s’engage à faire aujourd’hui", avait déclaré David Leisterh, négociateur (MR) pour la formation du gouvernement bruxellois. "En 2025, il faudra un nouveau modèle qui continue à garder cet objectif, qui soit soutenable financièrement", avait ajouté Ahmed Laaouej (PS).
Cette situation génère de la colère chez Gérard. "Une fois de plus, en tant que citoyen, on essaie d’apporter sa pierre à l’édifice. Par contre, au niveau des politiques, on est intéressé par les effets d’annonce de ces primes, mais après, quand il s’agit de les gérer, il n’y a plus de budget". Gérard avait même prévu d’autres travaux pour rénover sa façade, mais ces projets sont désormais suspendus.
Une incertitude qui pèse également sur les entreprises
La situation est tout aussi "inquiétante" pour les entreprises du secteur de la construction. Laurent Schiltz, secrétaire général d’Embuild (la fédération de la construction), exprime les inquiétudes de ses membres. "On avait été très inquiets de l’annonce qui avait été faite fin juillet concernant la suspension des primes vers la mi-août, car cela allait provoquer pas mal de problèmes très concrets pour les particuliers, pour les propriétaires qui avaient déjà entamés des travaux de rénovation, et donc indirectement pour les entreprises qui allaient les réaliser."
L'incertitude engendrée par la suspension des primes a conduit des clients à annuler ou à reporter leurs projets, obligeant les entreprises à réorganiser leurs calendriers. "Clairement, pour l’entrepreneur, ce n’est pas gai d’aller au conflit potentiel avec des clients qui disent qu’ils vont avoir besoin d’étaler le paiement. Ce sont des soucis dont on aurait pu se passer", ajoute Laurent Schiltz.
Pour le secrétaire général d’Embuild, les primes ont un effet incitatif "indéniable" sur la rénovation énergétique. "Si on les enlève, il va y avoir des changements de comportement. Des changements sur la manière dont on rénove, et surtout sur le timing auquel on va rénover. Notre grande crainte, c’est que les personnes ne vont pas anticiper les travaux comme elles sont en train de le faire aujourd’hui. Les obligations concernant la transition écologique arrivent à l’horizon 2032-2033. Si tout le monde attend ce moment-là, le secteur ne sera pas en capacité de répondre à toutes les demandes. Alors que si, grâce à des primes, des personnes anticipent leurs travaux, cela permet au secteur de monter en capacité, et d’autres part, d’avoir le temps de répondre à toutes les demandes en temps et en heure."
On attend d’avoir vraiment quelque chose de concret
Benoît Cozannet, Sale Manager d’une entreprise de construction, explique également les conséquences qu'ont eu les annonces des autorités sur son travail.
"Ce qui s’est passé dernièrement et la date limite du 16 août pour déposer les derniers projets, cela a été problématique. Cela a créé beaucoup d’incertitude au niveau de nos projets, pour les copropriétaires, pour les syndics. En tant qu’entrepreneurs, ça nous a posé pas mal de soucis, surtout durant une période de congés du bâtiment. Cela a été très compliqué", témoigne-t-il. "Aujourd’hui, l’incertitude vient du fait de savoir si ces primes vont pouvoir être touchées. Sur la période 2024, on a un signal positif des politiques. On est très content, mais on attend d’avoir vraiment quelque chose de concret par rapport à ça."
Et d'ajouter: "Avant le 16 août, des personnes ont mis sur pause leur projet de transformation et de rénovation, car les primes étaient incertaines. Ils attendent maintenant de voir comment ce système renolution va évoluer en 2025. Cela va avoir un impact car les primes étaient quand même un élément déclencheur pour commencer à réaliser des transformations, de l’isolation et d’autres travaux. Créer de l’incertitude repousse les échéances. (...) On a bon espoir que tout puisse être remis en ordre pour continuer à isoler les bâtiments bruxellois. Sans renolution, il y aurait eu un frein au développement et à la rénovation du bâtiment à Bruxelles."