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"Je le voyais rarement et il était souvent tout seul". A Evreux, dans le quartier de la Madeleine, les voisins du Russe tchétchène qui a décapité un enseignant vendredi dans les Yvelines brossent le portrait d'un jeune homme "discret", "plongé dans la religion" depuis trois ans.
Au lendemain de l'attentat à Conflans-Saint-Honorine et d'une série de perquisitions au domicile familial d'Abdoullakh A., le calme régnait samedi dans les rues voisines de la maison d'arrêt de la capitale de l'Eure, à une centaine de kilomètres à l'ouest de Paris.
Devant l'immeuble de quatre étages dans lequel vivait l'assaillant de 18 ans, de jeunes enfants passent à vélo, une poignée de voisins sortent faire leurs courses ou promener leur chien. Les volets des fenêtres du premier étage, où vivait la famille, sont à moitié fermés.
C'est un coin familial
Dans la nuit, l'appartement de la famille A. a été visité par les policiers du Raid et de la Sous-direction antiterroriste (Sdat). L'opération s'est soldée par l'interpellation, "sans heurts" selon une source policière, des parents, du grand-père et du petit-frère de l'assaillant.
"Je suis choqué", confie un voisin de 44 ans, qui n'a pas souhaité donner son nom. "On a beau être voisin, on ne peut pas connaître la vie des gens, ici c'est juste 'bonjour au revoir', ça s'arrête là". "Après c'est un coin paisible, ce n'est pas le coin le plus malfamé de la Madeleine", ajoute-t-il, "c'est un coin familial, il n'y a pas un bruit et c'est tout le temps comme ça".
C'était rare qu'il se mélange aux autres
Assise avec une amie sur des marches d'escalier non loin de là, Sofia, 23 ans, abonde. L'agresseur, "je le voyais mais c'était rare, je voyais plus ses petits frères". "Ma mère l'a vu il y a trois ou quatre jours, il était tout seul mais c'était souvent le cas. C'était rare qu'il se mélange aux autres", ajoute la jeune femme, en évoquant une famille très "discrète".
Abdoullakh A. a été tué par la police vendredi soir après avoir décapité un professeur d'histoire-géographie qui avait montré début octobre des caricatures de Mahomet à ses élèves.
Il s'était bien calmé
Connu pour des antécédents de droit commun, il ne l'était toutefois pas des services de renseignement pour radicalisation. C'était "un jeune sans souci", qui "a été scolarisé à Evreux jusqu'au lycée et qui ne présentait pas de signe avant-coureur de radicalisation", confirme un élu local. "Il n'y avait aucun souci avec cette famille".
Au volant de sa voiture, un jeune en doudoune noire et sweat à capuche gris décrit son voisin, qui était dans le même collège que lui, comme quelqu'un "qui ne sortait plus trop". "Avant, il était impliqué dans des bagarres, mais ces deux, trois dernières années, il s'était bien calmé" et s'était "plongé dans la religion", raconte-t-il, "il faisait ses prières, il n'était pas trop dehors, il parlait poliment".
"Je ne sais pas ce qui s'est passé dans la tête de ce garçon", s'interroge Albert, 40 ans, qui habite un bloc d'immeubles plus loin. "Je suis choqué, je n'aurais jamais imaginé ça. Une bagarre entre bandes de quartiers, comme à Dijon (théâtre d'expéditions punitives de jeunes tchétchènes en juin - ndlr)? Ça, peut-être. Mais quelque chose par rapport à la religion, c'est très étrange parce que tout le monde est calme ici".
Une grosse cité avec toutes ses déviances
Une source policière tempère. "Le quartier de la Madeleine, c'est une grosse cité avec toutes ses déviances, de la radicalisation, des points de deal". Mais la communauté tchétchène, estimée à 200 personnes à La Madeleine sur 12.000 habitants, "ne pose pas de problème particulier", ajoute-t-elle.
Cette communauté s'inquiète désormais d'être victime de stigmatisation après l'attentat. "Tous les Tchétchènes ne sont pas des terroristes", insiste un jeune du quartier. "Je ne sais pas ce qui lui est arrivé, il a dû être manipulé ou regarder trop de vidéos, mais ça n'a rien à voir avec notre communauté".
Dans le centre ville d'Evreux, les drapeaux de l'Hôtel de Ville ont été mis en berne en hommage au professeur décapité.