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Il y a près de cinq semaines, la Belgique accueillait le pape. Le Souverain Pontife avait suscité la polémique chez nous avec ses propos sur l’avortement et le statut des femmes.
Conséquence: aujourd’hui, plusieurs centaines de Belges souhaitent se faire débaptiser. Pourquoi prendre une telle décision ? Que représente la démarche aux yeux de l’Église ?
Près de cinq semaines se sont écoulées depuis la visite papale, et Stéphane a encore du mal à accepter les propos du souverain pontife sur l’avortement. "Les médecins qui pratiquent l'avortement, pardonnez-moi l'expression, sont des tueurs à gages", avait déclaré le pape à la fin du mois de septembre. D’autres remarques ont également surpris, notamment celles sur le rôle des femmes en Belgique. "La femme est accueil, fécondité, soin et dévouement vital, donc la femme est plus importante que l'homme. Mais c'est triste quand la femme veut imiter l'homme, car elle reste une femme", avait affirmé le pape à l'UCLouvain.
Je suis tombé de très haut
"Je suis tombé de très haut par rapport à cette personne, surtout après toutes les promesses qu'il avait faites lors de son accession au trône pontifical il y a quelques années. C’est une immense déception et une grande colère. Je me suis dit que le pape n’avait pas compris le pays où il se trouvait", explique Stéphane. Baptisé dès son enfance, il a grandi dans une famille qui allait à l'église pour des événements marquants, mais sans être pratiquante régulière. "C’était pour le baptême, le mariage, des moments de vie importants avec la famille, mais on n’était pas du tout une famille pratiquante", poursuit-il.
De nombreuses personnes se débaptisent
Suite aux propos du pape, Stéphane a décidé de se débaptiser. Il a aussi rédigé une lettre ouverte qui a recueilli des centaines de signatures de citoyens voulant suivre la même démarche. Parmi les 525 signataires, une femme se présente anonymement sous le nom de Valérie et se décrit comme "assistante de tueuses à gage". Psychologue, elle accompagne au quotidien des femmes qui envisagent l’avortement. "Pour celles qui ressentent de la culpabilité par rapport à leur religion ou qui craignent d’être jugées, c’est une situation catastrophique. Certaines femmes craignent également le jugement de leur communauté ou de leur famille. Certaines en parlent ouvertement, d'autres gardent tout pour elles", précise Valérie.
Le baptême n’avait jamais posé problème à Valérie jusque-là, mais les déclarations du pape François ont créé un point de rupture. "C’était une idée qui me trottait dans la tête, il y a des démarches à faire et j’avais laissé passer. Mais après ces propos, il m’était impossible de continuer à être associée à l’Église d’une manière ou d’une autre", dit-elle.
Depuis septembre, le Centre d'Action Laïque reçoit des centaines de courriels de citoyens cherchant à s’éloigner de l’Église. "Il est difficile de quantifier précisément, car ce ne sont pas des sondages officiels. Mais nous recevons des messages de catholiques pratiquants heurtés par les déclarations du pape. Ils ne se reconnaissent pas dans un tel conservatisme", explique un responsable du centre.
Un acte vraiment utile ?
Concrètement, pour se débaptiser, les personnes doivent rédiger une lettre indiquant le lieu et la date de leur baptême ainsi que les noms de leurs parents. Elles envoient ensuite ce document à l’évêché ou à la paroisse où elles ont été baptisées. Leur nom n’est pas effacé du registre des baptêmes, mais une mention est ajoutée précisant que la personne a formellement demandé à quitter l’Église catholique. L’évêché envoie ensuite une confirmation au demandeur.
Selon l’abbé Juan Carlos, il s’agit d’un geste symbolique qui n’a aucune portée religieuse. Pour les catholiques, il est impossible d’annuler un baptême. "C’est un fait qu’on ne peut pas effacer. C’est quelque chose qui a vraiment eu lieu. C’est comme votre lieu de naissance, vous pouvez déménager plusieurs fois dans votre vie, mais vous serez toujours né à cet endroit. Le baptême est un fait historique. Vous avez été baptisé."
C'est évidemment douloureux
Cependant, ces cinq dernières années, la Belgique a connu plusieurs vagues de débaptisation, notamment en 2021 après que le Vatican a refusé de bénir les couples homosexuels, ou encore en 2023 après la diffusion d’un documentaire sur les abus sexuels au sein de l’Église. "Dans l'Église, nous nous considérons comme une famille. Quand quelqu'un nous dit qu'il ne veut plus appartenir à cette famille, c'est évidemment douloureux. C'est triste, mais nous respectons profondément les convictions personnelles", ajoute l'abbé Juan Carlos.
Une question persiste : la débaptisation pourrait-elle avoir un impact sur les finances de l’Église catholique ? "Le nombre de baptisés ou de débaptisés n’a pas d’effet sur le financement des cultes. Le soutien public au culte est lié à la liberté de croire ou de ne pas croire, et le nombre de fidèles n’affecte pas les salaires des prêtres, que l'église soit pleine ou vide."
En se débaptisant, les citoyens renoncent à une série de sacrements : plus de mariage religieux, plus d’obsèques à l’église, et ils ne peuvent plus devenir parrain ou marraine. Mais ces restrictions n’inquiètent pas Stéphane. "En faisant ce geste, je me sens en accord avec mes convictions et mes valeurs. Pour les sacrements, on s’en passera", conclut-il.
Comme plusieurs centaines de Belges, Stéphane est bien décidé à s’éloigner de l’Église catholique.