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L'attaque de l'Iran contre Israël, dans la nuit du samedi au dimanche, n'a finalement fait que des "dégâts mineurs". Les 300 drones lancés ont presque tous été interceptés. L'Iran s'est-il volontairement limité cette nuit-là ? C'est ce que suggèrent Chantal Monet et Didier Leroy, chercheur à l'École Royale Militaire et à l'ULB.
Au-delà du chiffre de 300 drones et missiles, au-delà des images spectaculaires de ce week-end, cette attaque n'était-elle pas, finalement, diplomatiquement correcte ?
Chantal Monet : "Disons qu'elle était calibrée. Parce que l'Iran a lancé 110 missiles, il en a environ 3000, donc il aurait pu taper plus fort. Son relais au Liban, le Hezbollah, en a des dizaines de milliers, et a lancé deux salves de roquettes. L'Iran a lancé ses drones, du Shahed, du bas de gamme. Ça vole à plus ou moins 200 km/h. Il faut huit heures pour arriver, donc ça donne le temps de les voir venir et de les abattre.
D'autant que les Iraniens avaient prévenu les Américains et d'autres acteurs dans la région trois jours à l'avance, presque en leur donnant le plan d'action.
Donc, on voit que l'Iran a voulu frapper et devait frapper. C'est un grand coup symbolique, historique. Mais militairement, le coup est quand même plus bridé, sans doute pour éviter ce scénario de la guerre totale".
L'Iran espérait quand même faire plus de dégâts que ça. Il n'y en a quasiment pas eu, en fait.
Didier Leroy: "Oui, c'est certain. La manière dont cette attaque a été composée, pensée, construite, suggère quand même que l'Iran espérait faire plus de dégâts et certainement sur la base aérienne qui se trouve dans le désert du Negev et qui était la cible principale d'où les avions du 1er avril avaient décollé.
Ici, vu le taux important d'interception des projectiles, ce n'est pas une prouesse qui est récupérable en victoire diplomatique, politique, malgré les grandes déclarations des Gardiens de la révolution".
Les missiles et drones ont quasiment tous été interceptés. Ça reste une prouesse technologique. Comment ça se réalise dans les faits, ce genre d'opération, pour intercepter 300 missiles et drones quasiment en même temps ?
Didier Leroy : "C'est une technologie dans laquelle Israël est passé maître dans l'art. On connaît évidemment le célèbre dôme de fer, mais qui n'est qu'un volet d'un système de défense antiaérienne. Il est multicouche en fait, avec la fronde de David, avec le système Arrow 2 et 3.
Il ne faut pas oublier non plus que dans ce cas présent, les Américains, les Britanniques, les Français et les Jordaniens ont dû s'y mettre. Donc, en effet, je rejoins madame Monet, l'Iran aurait pu envoyer deux fois plus de projectiles et augmenter ses chances. Ici, le taux d'interception est de 99%, c'est énorme.
Mais en même temps, on peut difficilement imaginer ce qui se serait passé si Israël avait été concrètement isolé. Là, on réfléchirait au conditionnel passé, ce n'est jamais fructueux. Mais en attendant, il y a quand même toute une série d'interrogations qui planent".
Quelles pourraient être les suites de cette attaque ? Riposte par riposte, quels sont les scénarios les plus probables actuellement ?
Chantal Monet : "Honnêtement, pas grand monde ne peut vraiment prédire ce qui va se passer. Il y a d'ailleurs de fortes dissensions au sein même du gouvernement israélien.
Alors, riposte ? Oui, sans doute. Cela dit, entre frapper un site de manière ponctuelle, entre des assassinats ciblés, des cyberattaques et la grande guerre ouverte et frontale, la palette des ripostes est très vaste.
Ce qui est clair, c'est que, on l'a entendu, le monde entier appelle à calmer le jeu et fait pression pour éviter cette aventure incontrôlable".
Est-ce qu'Israël a les moyens de riposter ? Elle est déjà engagée dans la guerre à Gaza et doit tenir son front nord aussi au niveau du Liban avec le Hezbollah. Est-ce que c'est possible qu'Israël entame un nouveau front vers l'Iran ?
Didier Leroy : "Tout est possible. Seuls les Israéliens savent ce qu'ils vont décider. Ils ont les moyens. Ils ont des moyens militaires et économiques extrêmement importants. Tout le monde le sait. Ils ont le soutien des Américains, en dépit des déclarations rhétoriques de Joe Biden. Si ça claque, les Américains seront derrière Israël. Ça, c'est clair. Tout le monde le sait.
Donc, on reste dans tout ce champ des possibles. Certains Israéliens, membres du cabinet de guerre, prônent sans doute la retenue qui permet de capitaliser sur le fait qu'Israël sort de son isolement. C'est important. Et de l'autre côté, certains acteurs prônent une riposte extrêmement dure pour fondamentalement changer l'équation sécuritaire et permettre à Israël de réinstaurer une nouvelle forme de dissuasion que l'Iran ne transgresserait plus".