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Tanzanie: la police arrête des leaders de l'opposition, qui prévoyait une manifestation

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ERICKY BONIPHACE

La police tanzanienne a arrêté lundi 14 personnes, dont les deux dirigeants du principal parti d'opposition qui avaient appelé à braver une interdiction des autorités et à manifester dans la capitale économique Dar es Salaam contre la disparition de militants.

L'important déploiement depuis samedi de forces anti-émeutes a dissuadé tout rassemblement et l'activité était largement normale lundi dans la principale ville du pays.

Chadema avait appelé à une manifestation après le meurtre d'un de ses dirigeants, Ali Mohamed Kibao, enlevé par des hommes armés et retrouvé mort le 7 septembre.

Ils accusent les forces de sécurité d'être impliquées dans ce meurtre, ainsi que dans la disparition récente de cinq de ses responsables, dont l'un d'eux a réapparu, cinq semaines après sa disparition, devant un tribunal qui a refusé une libération sous caution.

Un total de 14 personnes ont été arrêtées lundi, a annoncé le commandant de la police Jumanne Muliro.

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ANDRES MARTINEZ CASARES

"Nous avons interdit la manifestation après avoir relevé des signaux de violence, mais ces personnes ont continué et ont encouragé les autres", a-t-il affirmé.

- "Le prix de la démocratie" -

Parmi les premiers arrêtés lundi matin figurent le président du parti Freeman Mbowe et le vice-président Tundu Lissu, deux figures de l'opposition au parti Chama Cha Mapinduzi (CCM), au pouvoir depuis l'indépendance en 1961 de ce pays d'Afrique de l'Est.

M. Mbowe a été arrêté alors qu'il s'adressait à des journalistes dans le quartier de Magomeni, l'un des points de départ prévus pour la manifestation, selon une vidéo postée par Chadema sur les réseaux sociaux.

"Manifester est notre droit constitutionnel mais nous sommes surpris de l'ampleur de la force utilisée par la police pour menacer les gens et supprimer notre liberté", déclarait-il.

"Voici le prix de la démocratie dans notre pays", a-t-il ensuite lancé alors que des policiers l'emmenaient.

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ERICKY BONIPHACE

Un peu plus tôt, Chadema avait annoncé l'arrestation de son vice-président Tundu Lissu, dont la maison dans la banlieue de Dar es Salaam avait été encerclée par la police.

Le principal parti d'opposition - qui compte 20 députés au parlement, contre 365 au CCM - dénonce une répression croissante à son égard à quelques mois des élections locales de fin novembre, qui seront suivies l'an prochain d'élections présidentielle et législatives.

Il accuse la présidente Samia Suluhu Hassan de revenir aux pratiques autoritaires de son prédécesseur John Magufuli, après avoir donné des signes d'ouverture démocratique à son arrivée au pouvoir en mars 2021, en rouvrant rapidement, par exemple, des médias interdits.

En janvier 2023, elle avait levé l'interdiction des rassemblements politiques d'opposition. Tundu Lissu était rentré dans les jours suivants de plus de cinq ans d'exil en Belgique.

- Inquiétude -

Des ONG et pays occidentaux (Etats-Unis, UE, Grande-Bretagne, Norvège, Suisse...) se sont inquiétés d'un durcissement du climat politique dans le pays ces derniers mois.

En août, un rassemblement, déjà interdit par la police mais maintenu par Chadema, avait vu 520 dirigeants et sympathisants du parti, dont Freeman Mbowe et Tundu Lissu, arrêtés à travers le pays, puis libérés quelques jours plus tard.

Après le meurtre de M. Kibao, l'ambassade américaine en Tanzanie a notamment demandé "une enquête indépendante, transparente et rapide", estimant que "les meurtres et disparitions, ainsi que les détentions, passages à tabac et autres tentatives (...) visant à priver les citoyens de leurs droits civiques avant des élections, ne devraient pas avoir leur place dans une démocratie".

"Nous n'avons pas à recevoir des directives sur ce que nous devons faire dans notre propre pays", a rétorqué Samia Suluhu Hassan mardi dernier: "Nous avons une constitution, des lois, des directives, des coutumes et des traditions, tout cela nous guide sur ce que nous devons faire".

"Après le bon travail des réformes, nous ne tolérerons aucun acte qui provoquerait des troubles dans notre pays", a-t-elle lancé.

Selon un collectif d'avocats, la Tanganyika Law Society, 83 personnes ont été enlevées ou ont disparu entre 2016 et 2024.

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