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Des pertes économiques "d'un million d'euros par semaine": dans les Pyrénées-Atlantiques, après de violentes intempéries en vallée d'Aspe, la fermeture pour plusieurs mois du col frontalier du Somport pénalise les entreprises locales, françaises comme espagnoles.
Les pluies diluviennes tombées dans la nuit du 7 au 8 septembre ont détruit vingt-cinq maisons, de nombreux véhicules mais aussi une partie de la RN 134, axe frontalier qui relie l'Espagne à la France par le col du Somport. Les travaux pour combler cette brèche, débutés le 11 octobre, doivent permettre de rouvrir la route à la circulation en janvier, espère la préfecture des Pyrénées-Atlantiques.
D'ici là, le Col et son tunnel éponymes, situés sur un axe qui relie Pau à Saragosse, resteront fermés.
Chaque jour, entre 400 et 500 camions et environ 800 véhicules légers empruntent cette voie pyrénéenne dite "centrale", alternative aux passages majeurs que sont Biriatou, côté atlantique, et Le Perthus, côté méditerranéen.
Cette fermeture est synonyme d'un "important handicap", pour le secteur de la logistique, estime Octavio López, élu à la logistique et à la cohésion territoriale du gouvernement d'Aragon et président d'un groupement transfrontalier d'élus.
- Noeud logistique -
A moins de 200 kilomètres du col du Somport, Saragosse abrite sur plus de 13 kilomètres carrés le plus grand centre logistique d'Europe.
On y retrouve notamment le groupe Inditex, propriétaire de Zara, qui y a implanté son premier centre de distribution il y a 21 ans, mais aussi des entrepôts de Decathlon, sur 51.000 m2.
Depuis la plateforme, près de 600 entreprises expédient des marchandises et "beaucoup d'entre elles ont des connexions avec la France", dit encore l'élu.
Le Somport concentre aussi les flux touristiques entre les deux vallées frontalières d'Aspe et de Canfranc, et "alimente l'économie de nombreux commerces de villes aragonaises et du nord de la province de Huesca".
Depuis septembre, les élus espagnols ont estimé les pertes à un million d'euros par semaine, affirme Octavio López, qui s'inquiète de "la survie de nombreux commerces".
Ángel Gil, responsable d'un cluster logistique aragonais, baptisé Alia, juge que la situation "affecte gravement les entreprises tributaires de routes efficaces pour maintenir des opérations régulières".
Le détour par l'échangeur autoroutier de Biriatou, à 300 kilomètres de là, fait "grimper les coûts" et "génère des perturbations importantes à cause des retards que cela entraîne", notamment pour l'alimentation ou le transport de céréales.
"Là où les transporteurs pouvaient faire cinq voyages par semaine, ils n'en font plus que trois", résume Angel Gil.
- Convois agricoles -
Pressé des deux côtés de la frontière, le Département des Pyrénées-Atlantiques a mis en place des convois agricoles par la vallée voisine d'Ossau et son col secondaire du Pourtalet.
Sur cette route départementale, qui demeure interdite aux poids lourds, deux convois quotidiens sont organisés depuis dix jours, pour permettre la livraison de paille et de fourrage en provenance d'Espagne aux agriculteurs de la vallée et du piémont oloronais.
"Sans cette solution, il n'y aurait pas eu de livraison, parce que les transporteurs auraient tout simplement renoncé au trajet, au regard du coût supplémentaire du détour. Il n'était pas non plus supportable par les éleveurs", explique Guillaume Narbaïs Jaureguy, salarié de la Chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques.
"On ne peut pas les laisser tomber", renchérit Clément Servat, conseiller départemental. Après la paille et le fourrage, suivront des livraisons de maïs et des convois d'animaux, envoyés pour être engraissés en Espagne, précise l'élu.
Mais "les coupures de cet axe côté français sont courantes durant l'hiver, ce qui limite la portée de cette alternative", tempère l'Aragonais Octavio López.
Depuis plusieurs décennies, certains élus de deux côtés de la frontière militent pour la création de la Traversée centrale des Pyrénées (TCP), projet serpent de mer qui visait à créer un tunnel ferroviaire dédié au fret.
Clément Servat estime que cette "catastrophe" va peut-être permettre de "changer de paradigme" sur cet axe européen, liaison de montagne soumise aux aléas naturels, qui nécessite chaque année 6 millions d'euros d'entretien, injectés par l'Etat.