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Le chef du Labour britannique Keir Starmer s'apprête à entrer à Downing Street vendredi, mettant fin à 14 années dans l'opposition pour les travaillistes, après leur victoire sans appel face aux conservateurs lors de législatives marquées aussi par la percée inattendue de la droite dure.
"Raz-de-marée": le verdict s'affiche vendredi en Une des quotidiens britanniques, unanimes pour qualifier le tournant politique du Royaume-Uni, après 14 années de pouvoir conservateur.
Si la défaite des conservateurs était annoncée depuis des mois par les sondages, leur déroute s'avère historique, confirmant le désir de changement des Britanniques, exaspérés par la succession des crises, du Brexit à l'envolée des prix en passant par la valse des Premiers ministres ces dernières années.
Selon les projections des télévisions britanniques, le Labour remporterait 410 sièges sur les 650 de la Chambre des Communes, juste un peu moins que le score historique de Tony Blair en 1997 (418).
"Le Royaume-Uni en rouge", la couleur du Labour, titre l'influent tabloïd The Sun qui avait appelé à voter travailliste.
Le parti conservateur du Premier ministre sortant Rishi Sunak est désavoué avec son pire résultat depuis le début du XXe siècle: 131 députés élus, contre 365 il y a cinq ans sous Boris Johnson.
Alors que l'extrême droite est susceptible d'accéder au pouvoir en France et que Donald Trump semble bien placé pour retourner à la Maison Blanche, les Britanniques ont choisi massivement un dirigeant modéré de centre-gauche.
Keir Starmer, un ancien avocat spécialiste des droits humains de 61 ans, sera chargé vendredi par le roi Charles III de former un nouveau gouvernement. Il ne s'est pas encore exprimé, attendant notamment son propre résultat dans une circonscription du nord de Londres.
Les électeurs "réclament le changement" et "c'est à nous de répondre à cette confiance", s'est réjouie Rachel Reeves, qui devrait devenir la prochaine ministre des Finances dans le gouvernement travailliste et a été réélue dans sa circonscription.
Mais elle a prévenu que le futur gouvernement devra s'attendre "à des choix difficiles" face à "l'ampleur du défi".
Les libéraux-démocrates (centristes) se renforceraient avec 61 députés, redevenant la troisième force du Parlement. Mais la surprise du scrutin vient surtout du parti anti-immigration et anti-système Reform UK: il gagnerait 13 sièges, entrée bien plus fracassante que prévu pour la formation de la figure de la droite dure Nigel Farage.
L'ancien héraut du Brexit a salué le début d'une "révolte contre l'establishment", alors qu'il devrait lui-même être élu pour la première fois au Parlement.
En Ecosse, les indépendantistes du Scottish National party subissent un sérieux revers, pressentis pour n'emporter que 10 des 57 circonscriptions.
Les tout premiers résultats ont confirmé les prévisions, avec 12 victoires pour le Labour, et Reform UK en deuxième place dans de nombreux cas.
- Soif de changement -
Neuf ans seulement après être entré en politique et quatre ans après avoir pris la tête du Labour, le nouveau Premier ministre sera confronté à une aspiration considérable au changement.
Le Brexit a déchiré le pays et n'a pas rempli les promesses de ses partisans. L'envolée des prix des deux dernières années a appauvri les familles, plus nombreuses que jamais à dépendre des banques alimentaires.
Il faut attendre parfois des mois pour des rendez-vous médicaux dans le service public NHS. Les prisons risquent de manquer de places dès les jours qui viennent.
- Campagne calamiteuse -
Dans une ambiance de luttes fratricides permanentes chez les conservateurs, les scandales politiques sous Boris Johnson et les errements budgétaires de Liz Truss, qui n'a tenu que 49 jours au pouvoir, ont fini d'exaspérer les électeurs.
En 20 mois à Downing Street, leur successeur Rishi Sunak, cinquième Premier ministre conservateur depuis 2010, n'est jamais parvenu à redresser la barre dans l'opinion.
L'ancien banquier d'affaires et ministre des Finances de 44 ans avait tenté un coup de poker en convoquant ces élections en juillet sans attendre l'automne comme beaucoup le pensaient, mais sa campagne a été calamiteuse.
Face à la défaite inévitable, son camp en était réduit ces derniers jours à mettre en garde sur le risque d'une "super majorité" laissant le Labour sans contre-pouvoirs.
En face, Keir Starmer a mis en avant ses origines modestes - mère infirmière et père outilleur - contrastant avec son adversaire multimillionnaire, et promis le retour de la "stabilité" et du "sérieux", avec une gestion des dépenses publiques très rigoureuse.
- Sommet de l'Otan -
Peu charismatique mais déterminé, il promet de transformer le pays comme il a redressé le Labour après avoir succédé au très à gauche Jeremy Corbyn, le recentrant sans état d'âme sur le plan économique et luttant contre l'antisémitisme.
Il assure vouloir relancer la croissance, redresser les services publics, renforcer les droits des travailleurs, réduire l'immigration et rapprocher le Royaume-Uni de l'Union européenne -- sans revenir sur le Brexit, sujet tabou de la campagne.
Dès la semaine prochaine, le nouveau Premier ministre, qui devrait dans l'ensemble poursuivre la politique étrangère britannique actuelle, fera ses premiers pas sur la scène internationale à l'occasion du sommet des 75 ans de l'Otan à Washington.