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Année après année, smartphone après smartphone, le géant chinois poursuit sa stratégie pour réaliser son rêve: devenir le N.1 mondial de ce secteur très dynamique, mais très concurrencé.
Une stratégie utilisée par de nombreuses autres entreprises: pénétrer le marché avec des smartphones à bas prix pour faire connaître la marque, puis monter en gamme au fur et à mesure tout en débloquant des budgets de marketing et de communication.
En 5 ans, Huawei est passé du statut d'inconnu à celui de N.2 mondial (y compris en Belgique). Ça ne veut pas dire pour autant que l'entreprise née à Shenzhen, la silicon valley chinoise, gagne beaucoup d'argent avec ses smartphones. En effet, ses ventes sont principalement liées à l'entrée et au milieu de gamme, comme Samsung, là où les bénéfices sont moindres.
Et n'oublions pas que le volume est différent de la valeur: si on vend 1.000 smartphones avec 10€ de marge, on gagne autant d'argent qu'en vendant 100 smartphones avec 100€ de marge. Vous l'avez compris: Huawei a beau être N.2 mondial devant Apple, la marque à la pomme reste le maître incontestable en matière de rentabilité financière dans le petit monde du smartphone, très loin devant la concurrence.
Désormais, Huawei prétend dépasser Apple au niveau matériel sur de nombreux points
Les nouvelles règles du jeu
Huawei est dans la cour des grands, et doit donc se plier aux règles du jeu. Un peu comme en Formule 1, les acteurs majeurs du secteur doivent rouler des mécaniques en sortant, généralement deux fois par an, un flagship. Un smartphone haut-de-gamme dont le développement, la fabrication et la commercialisation coûte bien souvent plus d'argent qu'il n'en rapportera au final.
Fin 2015, le Mate 8 osait dépasser la barre des 500€, ce qui pour Huawei était tout un symbole. Cet automne, le Mate 20 Pro dépasse la barre des 1.000€ (dans certains pays, car en Belgique il coûte 999€). Un doublement de prix en trois ans qui cristallise les ambitions débordantes du chinois: il doit désormais fabriquer des appareils très haut-de-gamme, aussi chers que ceux de Samsung et (presque) que ceux d'Apple. C'est une question d'image de marque…
Des courbes et ici, le dégradé de la version 'Twilight'
Plus beau, plus fort… et le roi de la photo
Mais on a quoi, avec un smartphone à 999€ signé Huawei ? Tout d'abord, un design définitivement premium. Certains diront que le Mate 20 Pro a des airs de Samsung Galaxy Note 9, avec ses faces avant et arrière courbées sur les tranches. C'est le premier écran incurvé de Huawei, ce qui explique la comparaison. Le cerclage est en métal et l'arrière en verre un peu spécial, breveté par Huawei: il glisse moins malgré son aspect très lisse, et prend (un peu) moins les traces de doigts. Une bonne chose.
Sous la robe Twilight (bleu > mauve > noir) de notre modèle de test, il y a du lourd. Une grosse fiche technique, donc. Le nouveau processeur Kirin 980 avec deux puces neuronales dédiées à l'intelligence artificielle (et l'adaptation du smartphone à votre comportement), 6GB de RAM, 128 GB de stockage interne, un trio de capteur photo à l'arrière signé Leica, un capteur d'empreinte dissimulé sous l'écran (voir photo ci-dessous), deux petits haut-parleurs, le 'Face Unlock' à la sauce chinoise, un superbe écran OLED qui peut être 4K (il y a une gestion automatique de la résolution, par défaut, pour consommer moins d'énergie) et qui occupe la majeure partie de la face avant, une énorme batterie de 4.200 mAh qui promet deux jours d'autonomie, le chargeur très rapide (max 40W !) et la charge sans fil (qui peut même être inversée).
Bref, il est plus beau, il est plus fort. Et on a ce sentiment, inédit chez Huawei jusqu'à présent, de tenir en main un objet très précieux, très haut-de-gamme.
Impossible de ne pas en dire plus sur la partie photo. Le grand-angle de 40 MP, l'ultra grand-angle de 20 MP, le téléobjectif de 8 MP, la stabilisation optique et le flash double LED font des miracles. On peut prendre des photos dans la pénombre, zoomer 5X: tous les clichés sont réussis. Et ce mode 'super macro' qui permet de se rapprocher à 2 cm d'un objet: bluffant. Le tout géré automatiquement par l'intelligence artificielle qui reconnait la scène (super macro, nuit, portrait) et adapte ses réglages, choisit le bon capteur. On ne trouve pas mieux sur le marché en 2018…
Le mode super macro, une fonction inédite et diablement maîtrisée...
Plus qu'un feu d'artifice ?
Belle démonstration de Huawei, donc. Mais on ne peut s'empêcher de penser que le géant chinois des télécoms a adopté en 2018, malgré lui, les défauts des constructeurs premium, alors qu'il est "historiquement" le symbole du bon rapport qualité/prix.
Certes, la configuration est musclée, mais c'est davantage un feu d'artifice de maîtrise technique qu'un smartphone vraiment différent de la concurrence, même si quelques nouvelles fonctionnalités sont intéressantes. Or, c'est le plus cher de l'histoire de Huawei.
Difficile d'innover tous les 6 mois, me direz-vous, après un P20 Pro en mai dernier qui avait inauguré le triple capteur photo à l'arrière. Mais alors, faut-il continuer à augmenter les prix ? On sent que Huawei ne peut plus faire marche arrière, et doit mener cette "guerre" contre Samsung et Apple. Une guerre qui passe par la fabrication du meilleur smartphone possible, peu importe son prix, ses éventuelles innovations…
Les gestes pour naviguer, une option pas toujours convaincante...
Quelques (très) petits défauts
Le Mate 20 Pro est un appareil qui excelle dans tous les domaines, on vient de le dire. Mais on regrette un manque d'audace sur la partie logicielle, sur l'interface de Huawei (EMUI): il n'y a visuellement que très peu de changement en 4 ans, et beaucoup de fonctionnalités nouvelles viennent d'Android. Comprenez-nous bien: on n'a rien à lui reprocher, à cette interface EMUI 9.0, qui est stable et performante. Mais son immobilisme graphique commence à faire long…
La reconnaissance faciale est beaucoup plus sécurisée que sur le P20 Pro, ce qui explique les capteurs supplémentaires à l'avant qui élargissent considérablement l'encoche. Hélas, elle est aussi beaucoup plus capricieuse. Nous avons réenregistré deux fois notre visage et rien n'y fait, ça ne fonctionne pas assez vite, pas assez régulièrement. Préférez le capteur d'empreinte caché sous l'écran, qui est très pratique (même s'il est un peu moins rapide que les anciens capteurs physique).
Notez aussi que le grand écran occupant pratiquement toute la face avant se prête bien à la navigation par gestes inaugurée par Huawei sur son Mate 20 Pro. A la place des traditionnels boutons Android virtuel dans le bas de l'écran, on peut choisir de balayer certaines zones de l'écran de telle ou telle manière pour les actions 'accueil', 'retour' et 'multitâche'. Une manière originale de naviguer, plutôt pratique dans l'ensemble, si ce n'est l'action 'retour' qui s'effectue en balayant du pouce les bords courbés de l'écran: quand on serre le smartphone à deux mains, c'est un geste peu intuitif.
On remarque enfin, mais ce n'est pas un défaut à proprement parler, un manque de constance dans le design (aucune similarité entre les Mate 9, 10 et 20). Cela a pour conséquence l'absence de reconnaissance de la marque par le grand public: personne ne vous dira en 2018 "Ah, tu le nouveau Huawei", alors que c'est le cas avec Apple et Samsung.
Conclusion: le Mate 20 Pro vaut-il ses 1.000 euros ?
Un smartphone comme le Huawei Mate 20 Pro coûte assez cher à produire. L'écran OLED incurvé et ultra haute définition, la finition premium, la grosse batterie, la certification d'étanchéité, le capteur d'empreinte dissimulé sous l'écran, les trois capteurs photos à l'arrière, la recharge sans fil, l'ingénierie pour faire tenir tout ça dans un smartphone de 6,3" : le luxe n'est pas donné, vous l'imaginez bien.
Donc, oui, le Mate 20 Pro, au vu de toutes ces fonctions et options, vaut les 999€ demandés par le chinois, si on le compare au Note 9 de Samsung ou à l'iPhone X. Bien entendu, Huawei s'assure une marge confortable de quelques centaines d'euros sur chaque appareil vendu, mais il n'en vendra pas des dizaines de millions, et il n'est pas acquis que l'opération sera finalement rentable.
On ne peut cependant s'empêcher de penser que cette démonstration technique est très stratégique: pour atteindre la place de N.1 convoitée par le chinois très ambitieux, il faut sortir des smartphones aussi chers que les deux concurrents principaux, Samsung et Apple. Dès lors, on ne vous conseille pas spécialement de foncer acheter le Mate 20 Pro: attendez quelques mois et son prix baissera rapidement. Ou contentez-vous du Mate 20 (799€), qui fait l'impasse sur les options les plus coûteuses: pas de déverrouillage via empreinte sur l’écran et reconnaissance du visage, 4 GB de RAM (au lieu de 6 GB), un écran LED de moindre qualité, capteurs photos plus basiques, batterie légèrement moins robuste, pas de recharge sans-fil.
La seule chose qui est vraiment unique (et très utile) au Mate 20 Pro, par rapport à toute la concurrence, c'est la qualité des photos et la polyvalence inégalable des trois capteurs. A eux seuls, pour les plus exigeants d'entre nous, ils justifient les 1.000€…