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La Belgique refuse le visa médical à Viviane qui a besoin d'une opération chirurgicale importante: "Attendent-ils qu'elle meure?"

Une Ivoirienne de 35 ans souffre d'une grave infection de sa prothèse de hanche selon Alain, son frère qui vit en Belgique. Celui-ci estime, ainsi que des médecins, qu'elle nécessite une opération chirurgicale dans notre pays. Grâce à une cagnotte mise sur internet, il a pu recueillir 30.000 euros qu'il a déjà versés aux cliniques Saint-Luc. Mais l'Office des étrangers a rejeté par deux fois la demande d'un visa médical.

"Attendent-ils que ma sœur meure ?", s’inquiète Alain Sawadogo résidant à Saint-Mard en province du Luxembourg, via notre bouton orange Alertez-nous. Sa sœur Viviane souffre de la drépanocytose. Cette maladie génétique touche les globules rouges responsables du transport de l’oxygène dans le corps et peut impacter plusieurs organes. Dans le cas de cette Ivoirienne de 35 ans, la maladie a attaqué ses os. En 2016, elle a été contrainte de subir une opération chirurgicale à Abidjan, capitale de la Côte d'Ivoire où elle réside, afin de recevoir une prothèse de hanche.


Deux opérations à la hanche

Après l’opération, des complications sont apparues. Plusieurs infections au niveau de la prothèse sont constatées. Alain pointe du doigt le manque d'hygiène de l'hôpital. Malgré une seconde opération en 2018, toujours en Côte d’Ivoire, la situation perdure. Viviane peine désormais à se déplacer. Elle survit grâce aux 400 euros envoyés chaque mois par son frère et sa compagne afin de payer les antibiotiques qui limitent l’infection, mais son état s’aggrave, assure son frère.


Une opération chirurgicale en Belgique

En janvier 2019, Alain expose sa situation dans un courrier adressé au Roi et à la Reine. Selon lui, sa sœur doit recevoir des soins en Belgique car "la médecine y est plus outillée que celle en Afrique", estime-t-il. Plusieurs médecins belges qu’il a contactés lui confirment la nécessité d’une prise en charge en Europe où les hôpitaux savent gérer la drépanocytose à un stade avancé. Ces médecins suggèrent une intervention chirurgicale en deux temps : une première opération pour ôter la prothèse infectée en la remplaçant par un ciment aux antibiotiques, puis une seconde afin de mettre en place une nouvelle prothèse. Des échanges que RTL info a su vérifier.


Démarches pour obtenir un visa médical

Pour pouvoir venir en Belgique et y être opéré, Viviane a besoin d’un visa de court séjour afin de rester sur le territoire belge et dans l’espace Schengen pour une durée de 90 jours. La demande doit être effectuée auprès de l’ambassade de Belgique dans le pays d’origine trois mois à l’avance. Le titre peut être délivré pour divers motifs : visite touristique, familiale ou amicale, voyage d’affaires, manifestation culturelle ou sportive…

Il peut également être accordé pour raisons médicales. Dans ce cas, une série de documents doit être jointe au dossier. Parmi ceux-ci, l’attestation d’un médecin agréé par l’ambassade belge. Elle doit prouver que les soins dont la personne a besoin ne sont pas disponibles dans son pays. La preuve d’une prise de rendez-vous en Belgique avec un médecin spécialisé doit également être fournie.

Alain a entrepris ces démarches auprès des cliniques Saint-Luc à Bruxelles qui bénéficient d’une cellule internationale. Elle prend en charge les Belges sans couverture sociale ainsi que les patients étrangers qui ne bénéficient pas des mêmes soins dans leur pays. Dès janvier, Alain obtient un rendez-vous pour la mi-août avec un médecin orthopédiste, indispensable dans le dossier.


30.000 euros collectés grâce notamment à des dons sur internet

Comme le réclame l’Office des Étrangers, la totalité des frais médicaux et des frais de voyage doivent être pris en charge par la personne qui fait la demande ou par un garant. De plus, les cliniques Saint-Luc demandent aux patients internationaux le versement d’un acompte afin d’éviter tout manquement de paiements.

Alain lance un appel aux dons en janvier pour pouvoir couvrir ces frais. Une cagnotte en ligne permet de récolter 22 105 euros auprès de 194 donateurs. Finalement, 30 000 euros de frais nécessaires pour l’opération et l’hospitalisation sont versés aux cliniques Saint-Luc. L’établissement de santé a produit un justificatif prouvant ce versement que RTL INFO a pu consulter. "L’État belge ne verse pas un centime" insiste Alain.


L'Office des étrangers rejettent par deux fois la demande de visa médical

Après avoir reçu d'Alain le dossier de demande de visa médical, l’Office des Étrangers (service public fédéral décisionnaire sur ce type de dossier) rend son verdict. La demande est rejetée en mai. Alain reprend alors toute la procédure. Mais sa seconde demande est de nouveau refusée fin août. Une décision qui tombe comme un couperet pour les Sawadogo. Alain n’arrive pas à comprendre, il estime avoir fourni toutes les pièces nécessaires.

Mais selon l’Office des Étrangers, aucune preuve de moyens de subsistance suffisants pour la durée du séjour n’a été fournie. Alain affirme pour sa part soutenir sa sœur financièrement depuis des années et pouvoir l’héberger en Belgique. Autre point noir au dossier : le manque de garanties de retour en Côte d’Ivoire. Pour le service public fédéral, rien ne prouve que Viviane retournera dans son pays d’origine après avoir reçu les soins en Belgique. "Les policiers peuvent venir la chercher à mon domicile après l’opération s’il le faut", rétorque Alain pour démontrer sa bonne foi. Amer, il estime que "tout est fait pour trouver des excuses et rejeter son dossier."


11 motifs de refus

Au total, il existe 11 raisons différentes qui peuvent motiver le refus de l’attribution du visa médical. Par exemple, tout signalement de la personne aux autorités d’un pays de l’espace Schengen est rédhibitoire. Les autorités s’assurent que la personne ne constitue aucune menace pour l’ordre public dans l’espace Schengen. Les différents documents du dossier sont également passés au crible pour vérifier leur authenticité.

Le manque de garanties d’un retour dans le pays d’origine constitue le principal motif de refus des demandes de visas pour raisons médicales selon l’asbl CIRÉ (plate-forme de Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers). Les autorités belges veulent s’assurer que l’objet du voyage formulé lors de la demande de visa n’est pas un prétexte pour s’installer définitivement en Belgique ou dans l’espace Schengen. Le demandeur doit alors justifier d’un ancrage dans son pays d’origine. Seulement, il n’existe aucune liste officielle précise de documents à fournir pour justifier de cet ancrage.

Ainsi, la décision est prise à l’appréciation des agents de l’Office des Étrangers selon Coralie Hublau de CIRÉ. Elle ajoute que des documents attestant la propriété de biens immobiliers ou un contrat de travail en cours dans le pays d’origine peuvent constituer des preuves. Pas de contrat de ce type pour Viviane, la maladie l’empêche de travailler. Avant cela, elle vivait d’un petit commerce de rue dont il n’existe aucun document officiel comme c’est souvent le cas à Abidjan.

En plus des lourdes démarches administratives, les frais médicaux élevés rendent très difficile l’obtention d’un visa pour raisons médicales. Les démarches qui aboutissent sont souvent entreprises par des familles aisées. Un véritable parcours du combattant selon l’asbl CIRÉ. En 2018, sur les 44 655 demandes de visa déposées pour un séjour court, seules 7 392 ont été accordées. C’est moins de 2 sur 10. 1830 demandes ont été introduites pour des raisons médicales dont 1393 ont reçu une réponse positive.

La famille de Viviane envisage de faire appel à un hôpital en Tunisie où les démarches administratives sont plus simples. Mais ils craignent que la qualité des soins ne soit pas beaucoup mieux qu’en Côte d’Ivoire.

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