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Au banc des accusés sur la scène internationale, la Russie a subi lundi un déluge de condamnations à l'Assemblée générale de l'ONU lors d'une rare "session extraordinaire d'urgence" de ses 193 membres, dont plusieurs ont réclamé l'arrêt de son invasion de l'Ukraine, jugée "insensée".
La journée a été folle, incluant un coup de théâtre avec la décision des Etats-Unis d'expulser pour espionnage 12 membres de la mission diplomatique russe auprès des Nations unies. Il est revenu à l'ambassadeur russe, Vassily Nebenzia, d'en faire l'annonce au beau milieu d'une conférence de presse, après avoir interrompu les questions et utilisé son téléphone portable.
Dans les couloirs de l'Organisation, des ambassadeurs très sollicités, pressaient le pas entre l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité où une session d'urgence - la 5e en une semaine - se tenait sur la crise humanitaire provoquée par la guerre.
Après "une minute de silence, de prière et de méditation", le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a donné le ton d'une litanie d'interventions qui va se poursuivre mardi, voire mercredi, au vu du nombre de pays inscrits pour parler.
"Les combats en Ukraine doivent cesser", a martelé le chef de l'ONU. "Ils font rage dans tout le pays, dans les airs, à terre et en mer. (...) Trop c'est trop. Les soldats doivent retourner dans leurs casernes".
L'Ukraine et la Russie se sont à nouveau opposées, alors que le Danemark dénonçait une aventure militaire russe "insensée".
- "Sauver la démocratie" -
"Si l'Ukraine ne survit pas, l'ONU ne survivra pas", a averti l'ambassadeur ukrainien Sergiy Kyslytsya. Mais "nous pouvons sauver l'Ukraine, sauver les Nations unies, sauver la démocratie et défendre les valeurs auxquelles nous croyons", a-t-il ajouté.
En position défensive, son homologue russe a réaffirmé que la Russie exerçait son droit à l'auto-défense, prévu par l'article 51 de la Charte de l'ONU, mettant en avant la "souffrance" dans la région séparatiste du Donbass et se plaignant des "clichés anti-russes" de l'Occident.
"Nous ne nous sentons pas isolés", a assuré Vassily Nebenzia devant des médias, peu après avoir révélé l'expulsion de 12 membres de son équipe qui en comprend une centaine. Moscou a dénoncé une "démarche hostile".
Les Occidentaux et l'ONU accusent la Russie de violer l'article 2 de la Charte des Nations unies intimant à ses membres de s'abstenir de menace et de recours à la force pour régler une crise.
Pour traduire le rejet de la guerre, une résolution pilotée par les Européens en coordination avec l'Ukraine sera mise au vote prochainement, peut-être mercredi. Elle devra obtenir les 2/3 des votes Pour et Contre exprimés pour être adoptée.
Afin d'engranger un maximum de voix, le langage du texte a été atténué par rapport à un projet initial. La résolution ne "condamne" plus ainsi "l'agression de la Russie contre l'Ukraine", mais la "déplore dans les termes les plus forts", selon les versions obtenues par l'AFP.
- Négociations compliquées -
Vendredi, un veto de la Russie au Conseil de sécurité avait empêché l'adoption d'un texte similaire. A l'Assemblée générale, il n'y a pas de droit de veto.
Dans son amphithéâtre, de nombreux pays d'Afrique et d'Amérique latine ont fait corps avec les Etats-Unis et l'Europe pour dénoncer l'invasion russe.
Le monde arabe est resté en retrait, le Koweit, victime d'une invasion de l'Irak en 1990, étant l'un des rares pays du Moyen-Orient à dénoncer la Russie, qui a été soutenue, sans surprise, par la Syrie.
Pour l'Asie, le Japon et la Nouvelle-Zélande ont dénoncé les violations russes du droit international. Proche militairement de Moscou, l'Inde est restée précautionneuse. Semblant dans l'embarras au vu de la tournure des évènements, la Chine a souligné que le monde n'avait "rien à gagner" d'une nouvelle Guerre froide.
A défaut de pouvoir arrêter les hostilités, l'ONU s'est attaquée à la crise humanitaire déclenchée par l'invasion russe. Un appel aux dons est attendu mardi pour l'aide aux réfugiés qui devraient atteindre les 4 millions dans les jours et semaines à venir, selon l'Organisation.
Après la nouvelle réunion d'urgence lundi du Conseil de sécurité à la demande du président français Emmanuel Macron, la France entend mettre au vote rapidement avec le Mexique un projet de résolution pour demander à "protéger les civils" et "permettre un acheminement de l'aide humanitaire sans entrave".
Ce texte pourrait faire l'objet d'un veto de Moscou. Selon un ambassadeur du Conseil de sécurité réclamant l'anonymat, les Etats-Unis, irrités contre la France pour différentes raisons, auraient fait part de leur opposition à un texte qui ne mentionnerait pas la Russie, rendant les négociations compliquées.