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Peut-on encore classer le Rassemblement National et La France Insoumise parmi les "extrêmes"?

Depuis le début de la campagne, nombreux sont ceux qui mettent en garde contre l'accès au pouvoir des "extrêmes", plaçant le Rassemblement National et La France Insoumise sur un pied d'égalité. Ces deux partis sont-ils vraiment comparables ?  Décryptage.

Pendant cette campagne pour les législatives, les membres du gouvernement français ont souvent assimilé les "extrêmes", en regroupant le Rassemblement National à l'extrême droite et La France Insoumise à l'extrême gauche. Ce qualificatif est encore aujourd'hui utilisé par certains membres de l'exécutif, comme le ministre de l'Intérieur, Gérard Darmanin, a déclaré qu'il ne "votera jamais pour RN, ni pour LFI", tout en réaffirmant "sa position de combat contre les extrêmes quels qu'ils soient." Un argument repris par le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, pour justifier l'appel au vote "ni RN ni LFI" avant le second tour des législatives.

L'extrémisme, c'est quoi ?

Pour François Debras, professeur en sciences politiques à l'ULiège et à l'HELMo, il y a trois éléments à prendre en considération pour définir l'extrémisme. "D'abord, l'extrémisme, c'est un positionnement de rejet par rapport à un centre, soit l'ensemble des institutions politiques, économiques, sociales et culturelles actuelles", explique le politologue. "Ensuite, c'est un appel à l'action, soit à la violence, pour rejeter ce centre. La violence est alors vue comme une force libératrice, avec cette idée que la fin justifie les moyens. Enfin, l'extrémisme s'exprime via un caractère dichotomique. On va être dans un positionnement eux contre nous, le bien contre le mal, le vrai contre le faux, ou encore l'ami contre l'ennemi."

Comment définir l'extrême gauche ? Selon le spécialiste, "le premier aspect idéologique est l'anticapitalisme." L'extrême gauche cherche à rompre avec les logiques capitalistes au profit d'un système économique et social plus égalitaire ou égalitariste. Ensuite, vient "l'anticonservatisme ou l'antiréformisme". Les mouvements d'extrême gauche s'opposent aux partis conservateurs, à l'extrême droite et même à certains partis de gauche qualifiés de réformistes, les considérant comme "partie prenante du système".

Le troisième élément est "l'internationalisme, avec l'idée de réunir les travailleurs et travailleuses de tous les pays afin de lutter ensemble contre les inégalités". Enfin, l'extrême gauche a un caractère révolutionnaire, "en privilégiant l'action directe". Elle s'exprime ainsi davantage dans la rue que dans les urnes, souvent via des organisations syndicales et ouvrières.

La France Insoumise, un parti réformiste plutôt qu'un parti d'extrême gauche

Ce qui distinguerait la gauche de l'extrême gauche est une frontière qui peut parfois être "très fine et obscure", entre les réformistes et les révolutionnaires. Sur la base de ce critère, à savoir "l'appel à la révolution", le Conseil d'État et le ministère de l'Intérieur estiment qu'on ne peut pas considérer La France Insoumise comme un parti d'extrême gauche, car il n'y a pas cet appel à la révolution.

La France Insoumise est plutôt un parti réformiste, souhaitant une transformation du système économique, du système de solidarité et du mode de fonctionnement de l'État. "On fonctionnerait selon les institutions, on voudrait changer les institutions de l'intérieur et transformer le système économique sans le mettre à plat", souligne le politologue. Dans son programme, La France Insoumise ne se présente pas comme anticapitaliste. Sur ce critère, LFI n'est pas un parti d'extrême gauche, mais plutôt un parti réformiste.

À l'inverse, l'extrême droite se définit d'abord par son "inégalitarisme". "Elle considère les êtres humains naturellement inégaux les uns par rapport aux autres, en affirmant l'existence de prétendues races, cultures et religions distinctes au sein de l'humanité", décrit François Debras, pour qui cet inégalitarisme "révèle un discours raciste." "Aujourd'hui, elle évite le mot "race" en raison des lois contre l'incitation à la haine raciale, et parle plutôt de culture ou de religion, ce qui n'est pas interdit. Cela reste une forme de racisme culturel ou religieux, car on continue à essentialiser les individus en déterminant leurs comportements par leur culture ou leur religion et en les infériorisant, notamment en parlant de cultures "non-assimilables."

Ensuite, il y a le "nationalisme". Pour l'extrême droite, la nation est pure et homogène, incarnant "un peuple, une langue, une coutume, une tradition, une loi, une histoire". Elle doit être souveraine et indépendante, rejetant l'immigration, le multiculturalisme et la diversité. L'extrême droite rejette aussi les niveaux européens et internationaux ainsi que les institutions et normes supérieures à la nation. Cependant, comme le constate le politologue, on observe une évolution : la rhétorique passe de la haine de l'autre à la "protection de soi", illustrée par la préférence nationale et la défense des coutumes et traditions.

Le troisième élément est le "sécuritarisme". Il y a un appel à une police plus forte et plus présente, des institutions judiciaires renforcées avec des peines planchers et un durcissement des peines. "Cela reflète une idée de respect de l'ordre et de l'autorité, avec une présence accrue de l'armée, de la police et des institutions judiciaires, ainsi que des contrôles accrus dans la rue et aux frontières."

Enfin, l'extrême droite remet en cause les institutions avec un appel à "une certaine forme d'autoritarisme", rejetant l'État de droit. "Dans certains pays dominés par l'extrême droite, on observe une remise en cause du pouvoir judiciaire, avec des juges nommés et des décisions judiciaires contournées par des majorités parlementaires. En raison de l'inégalitarisme et du nationalisme, elle rejette certains textes fondamentaux comme la Convention européenne des droits de l'homme ou les droits et libertés fondamentales" expose François Debras.

Le Rassemblement National : entre inégalitarisme, nationalisme et sécuritarisme

À la lumière de ces différents critères idéologiques, il est légitime de rattacher le Rassemblement National a un mouvement d'extrême droite. "On retrouve l'inégalitarisme au sein du programme du RN", précise d'emblée le professeur de l'ULiège, et ce via "un racisme présent à la fois dans les discours et dans l'histoire de certains membres". Cette tendance se manifeste également à travers la notion de préférence nationale et l'idée que l'islam et les musulmans seraient inassimilables.

Quant au nationalisme, il se remarque non seulement par la préférence nationale, mais aussi par le rejet du parlement européen au profit d'une Europe des nations souveraines plutôt qu'un projet fédéraliste ou communautaire. "Le RN rejette aussi certaines normes européennes et traités internationaux, souhaitant récupérer sa pleine souveraineté en matière de migration par exemple."

Une volonté de renforcer les frontières et les contrôles, de criminaliser les migrants et de les percevoir comme des profiteurs ou des dangers

Enfin, le programme du Rassemblemnt National fait la part belle au sécuritarisme, "avec une volonté de renforcer les frontières et les contrôles, de criminaliser les migrants et de les percevoir comme des profiteurs ou des dangers. Le RN prône une police plus présente, des peines renforcées et une justice plus sévère." Pour l'expert, il n'y a plus de doute, "on retrouve les trois éléments caractéristiques de l'extrême droite."

Peut-on pour autant renvoyer les extrêmes dos à dos, comme l'a fait Emmanuel Macron ? "C'est une faute idéologique", estime François Debras. "Les idéologies sont fondamentalement différentes. On ne peut pas comparer l'extrême droite et l'extrême gauche puisque leurs projets de société sont opposés". Il poursuit en soulignant que "c'est aussi une faute sociologique", car les électeurs de ces partis ont des profils très différents.

Le politologue pointe également "une faute juridique" car le rapport à la législation de l'extrême gauche n'est pas le même que celui de l'extrême droite. "L'extrême droite se met en porte-à-faux vis-à-vis de la Convention européenne des droits de l'homme", des droits et libertés fondamentales, ainsi que des législations contre le racisme et les discriminations, ce que ne fait pas la gauche et l'extrême gauche."

L'extrême gauche n'est pas considérée aujourd'hui comme une menace directe pour nos régimes et pour nos sociétés, contrairement à l'extrême droite

Comparer le RN avec LFI représente par ailleurs "une erreur politique", étant donné que les résultats électoraux de l'extrême droite et de l'extrême gauche sont incomparables, tout comme leur impact sur la société. "'Selon les rapports annuels de l'OCAM et de la sûreté de l'Etat, la menace de l'extrême gauche représente 2% des personnes suivies", explique l'expert en politique. Enfin, mettre sur un pied d'égalité deux mouvements est "aussi une faute morale" alors que l'extrême droite pourrait arriver au pouvoir en prônant une idéologie raciste et une remise en cause de l'État de droit et des textes fondamentaux comme la Convention européenne des droits de l'homme.

 

 

 

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Commentaires

3 commentaires

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  • Mais NOOON bien sûr, ces deux partis sont totalement inoffensifs ! Le premier n'a jamais condamné la Shoah (détail de l'histoire, etc...) et plus grave, le second rêve d'un nouveau Pogrom (cfr toutes ses récentes déclarations: soutien au Hamas, 'du fleuve à la mer', etc ...)

    Jean-Philippe Godfroid
     Répondre
  • Parce que vous arrivez à voir l'orientation politique des casseurs rien qu'en les observant? Quant au profil des casseurs, c'est marrant parce que globalement, le profil principal, ce sont des gens qui n'ont pas d'idéologie ou de religion particulière, et qui se joignent à la foule pour "le fun de casser". Mais bien entendu, c'est plus facile de ne remarquer que les profils qui vous intéressent pour justifier la barbarie des idéologies d'extrêmes.

    Thierry Frayer
  • blablabla ; la seule chose que je constate , ce sont toujours les islamo-gauchistes qui se comportent comme des sauvages lors de manifestations.

    Vali campani
     Répondre