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Sage-femme de profession, Sarah Klawinski a traversé l’épreuve déchirante de plusieurs interruptions de grossesse. Dans cette interview, elle raconte avec une honnêteté bouleversante comment, à ce moment-là, elle n’était plus une professionnelle de santé, mais une maman dévastée.
Sage-femme de profession, Sarah Klawinski a consacré une grande partie de sa vie à accompagner les femmes et les couples dans l’un des moments les plus intenses de leur existence : la naissance. Pourtant, derrière cette expertise se cache une douleur immense et personnelle. Sarah a vécu plusieurs interruptions de grossesse, un parcours qui a bouleversé à jamais sa vision de la maternité.
"Au moment où je perds mes bébés, je ne suis plus sage-femme. Je ne suis plus spécialisée dans rien du tout. Je suis une maman qui est complètement paumée, dévastée", confie-t-elle. C’est avec des mots forts et sincères qu’elle décrit son état d’esprit lors de ces moments difficiles, quand elle n’était plus capable de penser rationnellement. "J'ai appelé les urgences gynéco pour poser une question ridicule. Avec le recul, je n'arrivais plus à raisonner."
Le poids du silence et la difficulté d'en parler
Même si Sarah est en première ligne pour aider les autres, elle n’a pas toujours partagé son propre vécu. "Je ne raconte pas spécialement à mes patientes que j'ai perdu des bébés." Elle précise que son expérience personnelle ne lui donne pas nécessairement un "atout" ou un "outil supplémentaire" pour son travail de sage-femme, mais cela lui permet parfois de comprendre plus profondément la douleur de certaines femmes. "Elles n'ont même pas besoin de me l'expliquer. Moi, je l'ai ressenti et je l'ai vécu aussi."
Le silence entourant la perte d’un enfant, surtout à un stade précoce de la grossesse, rend la situation encore plus douloureuse. Sarah souligne combien il est important d’accompagner les couples dans cette épreuve, de mettre des mots sur ce qu'ils ressentent. "Sans mettre de mots autour, on ne peut pas comprendre."
Les maladresses des autres face à la perte
La réaction des proches, souvent maladroite, peut rendre la situation encore plus lourde à porter pour les parents en deuil. "Très souvent, ce qui ressort maladroitement, c'est certainement que c'était mieux comme ça. Ou bien vous en ferez un autre." Des phrases qui, bien qu'intentionnées, n'apaisent en rien la douleur ressentie. Sarah insiste : même si ces remarques peuvent parfois être fondées sur des réalités médicales, elles ne diminuent pas l’ampleur du vide et de la perte. "Il n'empêche que ça n'enlève pas ce que vivent les couples, que ça n'enlève pas le vide immense."
Sarah raconte également à quel point il est crucial que les professionnels de la santé ne banalisent pas la souffrance, même dans les cas de grossesses interrompues précocement. "Quand on a ce désir d'enfant, un petit plus sur un test de grossesse, c'est la fête dans nos vies." Pour elle, chaque grossesse compte, peu importe à quel stade elle s’interrompt. "J'avais un test positif, j'étais enceinte, et je ne l'étais plus."
Un appel à une meilleure écoute et à la bienveillance
Sarah Klawinski veut que son témoignage serve de leçon aux professionnels de santé et aux proches des couples endeuillés. Elle insiste sur l’importance de l’écoute, de l’accompagnement et du soutien. "Il est important d'avoir une écoute attentive, de poser des mots, de s'assurer de pouvoir répondre à toutes les questions des gens et de ne surtout, surtout pas banaliser."
En racontant son expérience dans un livre, "Au bord des lèvres: La vie ne tient qu'à un fil", Sarah espère qu'elle contribuera à faire évoluer les mentalités, et que la société prendra conscience de la dure réalité que vivent les parents ayant perdu un enfant, même à un stade précoce de la grossesse. Elle conclut : "Je ne suis pas certaine que même si j'arrive à avoir cinq enfants demain, cela effacera la douleur des cinq autres qui sont partis."