Partager:
Le travail, c’est la santé. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Dans notre pays, on compte plus de 500.000 malades de longue durée. Et dans ce chiffre, la part des burnouts et dépressions ne cesse d’augmenter : + 46 % entre 2016 et 2021, selon l’Inami, l’Institut national d’assurance maladie-invalidité.
C’est un problème majeur que l’on se place du côté des travailleurs en épuisement professionnel ou du côté des employeurs. Les malades de longue durée sont quasiment deux fois plus nombreux que les chômeurs.
Pour remédier à cette situation, certains proposent d’instituer un droit à la démission, c’est-à-dire la possibilité de démissionner d’un job qui ne nous satisfait plus, sans perdre ses droits, et notamment celui de demander des indemnités de chômage. C’est dans le programme 2024 de quasiment tous les partis, de la gauche à la droite, avec quelques variantes sur les conditions à remplir.
Alors, est-ce une bonne idée ? Nous avons posé la question à la psychiatre Caroline Depuydt, qui est aussi membre de l’association belge des syndicats médicaux, l’ABSym.
Permettre aux travailleurs de démissionner tout en gardant leurs droits, est-ce que cela peut être une solution pour lutter contre le burn-out ?
"Ça peut être une partie de la solution. On voit que la volonté de démissionner pour un employé, ça peut déjà être parce qu’il est en burn-out ou en pré-burn-out avec une difficulté à se retrouver dans son travail, et qu’au fond démissionner est une porte de sortie pour lui, pour lui redonner d’autres possibilités ou d’autres espoirs. Si on empêche ça, on risque de prendre au piège, tant l’employé que l’employeur, dans une collaboration qui ne leur convient plus ni à l’un, ni à l’autre. Et cela peut avoir comme conséquence de risquer de précipiter un burnout, s’il n’était pas encore existant ou s’il était dans sa phase un peu latente, ou justement d’engranger et d’augmenter des souffrances psychiques qui vont amener à un arrêt de travail, parce que si on n’a pas d’autre façon de sortir de la collaboration que de se mettre en arrêt maladie et de s’épuiser dans un travail qui ne nous convient plus, eh bien alors, on ira vers un arrêt de travail et un arrêt de travail à long terme", estime la psychiatre.
Est-ce que cela ne risque pas de diriger plus de travailleurs vers le chômage ?
"Toute mesure a ses avantages et ses inconvénients et on est toujours en train de voir le rapport bénéfices-risques, c’est aussi ce qu’on fait en médecine d’ailleurs quand on prend une décision et donc j’imagine en effet qu’il y a toujours à évaluer les bénéfices d’un potentiel changement de loi ainsi que ses risques. Et dans les risques, il y a celui de retrouver plus de gens qui démissionnent parce qu’il y a cette facilité d’aller au chômage. Néanmoins, j’ai l’impression que cette vision part d’un postulat que le travailleur n’aurait pas envie de travailler, qu’il serait content de se retrouver au chômage. Alors que je pense vraiment que ce n’est pas le cas de la majorité des gens. La majorité des gens a envie de se sentir utile, de s’intégrer dans une société et dans une profession. Mais, ils ont envie de le faire bien, de le faire mieux. On peut faire le pari que peut-être que transitoirement, il y aura une augmentation du nombre de chômeurs, mais il y aura peut-être aussi une diminution du nombre de maladies, puisque ces gens ne devront pas aller en congé maladie et puis qu’ils vont retrouver d’autres ressources, pour justement se remettre au travail", pointe Caroline Depuydt qui souligne encore : "Un employé heureux, bien dans sa peau et bien dans son travail est beaucoup plus productif, performant, que quelqu’un qui ne se sent pas à sa place, qui est démotivé et qui est dans un détachement et un cynisme".